EDITORIAL LA GRANDE GUERRE Il est assez paradoxal d'attribuer le qualificatif de « Grande » à un conflit qui fit des millions de victimes ! Les accents de patriotisme et de défense de la nation en danger sont justifiés, et il est naturel d'honorer ceux qui ont perdu la vie et de s'incliner devant l'abnégation et les sacrifices de ceux qui ont combattu pendant quatre ans sur le front, dans des conditions épouvantables (« Ce que nous avons fait, c'est plus qu'on ne pouvait demander à des hommes », écrivit Maurice Genevoix, dans son livre Ceux de 14). Mais, avec le recul, on peut se poser plusieurs questions : Pourquoi de telles tueries ? Pourquoi ces immenses douleurs ? Pourquoi tant de vies anéanties, tant de veuves et d'orphelins, tant d'épreuves ? On pourrait l'accepter, si, après la victoire, le pays avait connu une longue (et définitive) période de paix. Ce ne fut, hélas ! pas le cas, puisque vingt ans après, un drame similaire et même pire encore, se renouvela pour une autre période de cinq années. Alors, à quoi cela a-t-il servi d'envoyer à la mort tant d'innocents pour en arriver là ? Nous avons jugé important de commémorer, à notre tour, le centenaire du déclenchement de ce drame de 1914 en publiant ce numéro portant la date du mois anniversaire du début des hostilités. Nous y honorons, bien sûr, la mémoire des morts, mais nous avons eu également le souci de chercher à trouver des réponses aux différentes questions évoquées ci-dessus (et à tant d'autres). C'est la raison pour laquelle il nous a semblé indispensable de faire état d'une étude, aujourd'hui peu connue et même oubliée, rédigée dès le lendemain de la guerre (à partir de 1919), par un prélat catholique, Mgr Delassus, qui s'est évertué à prévenir ses contemporains en exposant quels furent Les pourquoi de Guerre mondiale. Loin des sentiers battus et des motifs sans cesse avancés dans la multitude de livres parus pour commémorer le centenaire, les réponses de Mgr Delassus vont à l'encontre de ce que l'on entend habituellement ou de l' « historiquement correct », puisque son auteur, se plaçant sur la ligne de la théologie de l'histoire, ne se perd pas en conjectures. La guerre, dit-il, est un châtiment divin destiné à flageller les égarements et les aveuglements volontaires de ceux qui ont négligé de rester fidèles à leurs engagements. Le jugement peut paraître sévère ou incongru de nos jours où tout est évalué à l'aune des sentiments et non plus de la raison. Mais, en s'y attardant un peu longuement et en y réfléchissant sans passion, il n'y a vraiment pas d'autre solution que celle-ci pour comprendre les raisons d'un tel désastre. Jérôme SEGUIN