Mère d’un des policiers mis en cause !
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.----. Il y a quelques jours, le mot « récupération » courait de plateau en plateau au sujet de l'affaire Lola. Récupération, parlons-en : quel meilleur moment pour évoquer ce livre écrit à quatre mains, publié chez Robert Laffont en septembre dernier, intitulé Mon fils n’est pas un assassin ?
Virginie Gautier est la mère d’un des policiers mis en cause dans l’affaire Adama Traoré. Familialement de gauche depuis toujours, elle prend de plein fouet, profondément meurtrie, les accusations portées contre son fils, que le devoir de réserve empêche de s’exprimer. Erwan Seznec, lui, est journaliste. Il a rédigé les chapitres factuels, ceux qui concernent l’enquête à proprement parler. « Les faits contre les affabulations. » Car, écrit-il dans l’avant-propos, « les Traoré ont perdu un fils, un frère, un demi-frère. Leur douleur mérite respect et considération. Mais elle n’excuse pas tout. »
Virginie Gautier décrit l’immense rouleau compresseur qui s’abat sur son fils et sa famille. Dès l’annonce du décès d’Adama, « le secteur de Persan-Beaumont-Champagne-sur-Oise s’embrase » : véhicules incendiés, pompiers caillassés, mobilier urbain saccagé. Une femme gendarme « se fait casser le nez en tentant de calmer la foule ». Viennent ensuite les menaces de mort contre les gendarmes, les femmes et leurs enfants, leurs noms sont tagués dans les cités. Ils doivent être exfiltrés. En deux heures, son fils doit partir comme un voleur avec sa femme et sa fille de 8 mois.
Le Léviathan de la presse partisane se met alors en branle, implacable. Il a trouvé son George Floyd français et ne le lâchera plus. Mediapart, suivi par la meute de ses épigones, sonne l’hallali : « J’aimais beaucoup Mediapart avant… Or, ces journalistes ont créé de toutes pièces une icône », Assa Traoré. En plus d’une icône, Assa Traoré est aussi le chef avisé d’une petite entreprise : la marque « Adama » a été déposée à l’INPI le 30 septembre 2016, « propriété collective de dix membres de la famille Traoré, déclinable en photographies, cartes, objets d’art, serviettes de toilette en papier, etc. » Assa Traoré deviendra plus tard l’éphémère égérie, dans le luxe, de Louboutin et Stella McCartney.
Il est vrai qu’Assa Traoré a des talents d’éloquence remarquable pour les « contes de faits », qu’elle vient raconter jusque dans certaines écoles dont des directeurs militants lui ouvrent les portes. Avec elle, ses autres frères deviennent des prisonniers politiques, ils sont Soljenitsyne dans l’archipel du Goulag français : « Cinq de mes frères sont passés par la case prison, on a fait presque toutes les prisons d’Île-de-France », s’exclame-t-elle avec emphase, en avril 2021, devant le TGI de Paris. Factuellement, elle a raison. Mais de ces incarcérations aux motifs crapuleux, elle fait une preuve irréfragable de l’acharnement judiciaire. La souffrance - incontestable et incontestée - d’une famille qui a perdu l’un des siens octroie à celle-ci une couronne de martyre qui la met sur une stèle, hors d’atteinte. Toute remise en perspective des faits est réputée abjecte. Celui dont l’arrestation a fini tragiquement est auréolé à jamais.
En attendant, les gendarmes dont elle a livré les noms à la vindicte populaire n’ont pas d’épaisseur, d’humanité… ils n’émeuvent personne, ne sont qu'ombres uniformes et anonymes désincarnées, leur devoir de réserve les empêche d’exister publiquement. Comment, dans une telle asymétrie, pourraient-ils lutter contre ce storytelling ?
Virginie Gautier découvre aussi l’exorbitant pouvoir de ce Larousse partisan pour les nuls qu’est Wikipédia - « L’irremplaçable encyclopédie en ligne est un puissant levier de formatage de l’opinion » - et ses inénarrables critères de recevabilité des sources : de gauche, elles sont recevables, de droite, elles ne le sont pas. Pour les militants du comité Adama, « tenter de biaiser Wikipédia n’était pas une possibilité mais un devoir ».
Le livre se termine sur un constat : le comité Adama commence à s’essouffler. De fait, Assa Traoré n’est plus l’icône parfaite qu’elle était. Mais le mal est fait. Le fils de Virginie Gautier, dont nul ne peut affirmer à ce jour qu’il n’ait pas fait seulement et uniquement son devoir, pourra-t-il un jour se relever de tout cela ? Virginie Gautier conclut en disant qu’elle est « fière d’être française et de l’Histoire de [son] pays ». Elle pourrait pourtant légitimement garder grief à ce dernier de ne pas avoir su protéger son agent assermenté d’une telle épreuve. On peut saluer sa noblesse d'esprit.
[ Signé : Gabrielle Cluzel - Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste le 5 novembre 2022 ]
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