La vie de Moïse n'est pas instructive seulement pour ceux qui ont à exercer l'autorité : elle l'est aussi pour tout homme qui veut donner un sens à sa propre existence, au lieu de la gaspiller au fil des jours et au hasard des rencontres. Elle nous apparaît, merveilleusement pleine et harmonieuse, unifiée par un seul but : le service de Dieu.
Moïse n'a jamais cherché sa gloire ni son avantage personnel, il a travaillé toujours et exclusivement pour son Maître, au point que saint Paul l'appellera : "le" serviteur de Dieu, comme si ce titre définissait l'essence même de sa personnalité.
Ce qui fait le prix inestimable de l'histoire de sa vie, c'est qu'écrite sous le charisme de l'inspiration, elle est prise entièrement en compte par l'Esprit-Saint, elle n'est déformée ni par la vanité littéraire, ni par le souci secret de camper son portrait pour les siècles à venir.
Son âme nous est montrée à nu : nous pouvons en voir les ressorts, en étudier les attitudes, les mouvements, les réactions, dans une lumière de vérité intégrale, sans qu'il s'y mélange aucune erreur. Il n'est pas exagéré de dire que Moïse est, avec David, l'homme que nous connaissons le mieux dans son fond. En le suivant pas à pas dans sa carrière si mouvementée, nous verrons que le secret de sa force comme de sa réussite, est à chercher non pas dans les qualités exceptionnelles dont il était doué, mais dans la pratique héroïque des vertus que l'Évangile devait mettre en lumière, et dont il avait compris déjà l'importance de premier plan : une humilité à toute épreuve, une douceur que rien ne pouvait aigrir, une obéissance sans réserve à la Volonté divine ; par-dessus tout, un dialogue continu avec Dieu, dans le secret de son coeur. Et nous comprendrons à quelle école il faut nous mettre si nous voulons nous aussi, échapper à la tyrannie du Pharaon, traverser sains et saufs le désert de la vie présente, et mourir en contemplant de nos yeux la vraie Terre promise, celle que Dieu réserve en apanage au véritable Israël, au peuple des élus : le royaume des cieux.
Dom de Monléon, dans l'Introduction.