Mais où est passée Madame de Sapinaud ?
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.----. En flânant dans le cimetière de Saint-Laurent-sur-Sèvre, j’avais été intrigué par une chapelle funéraire assez austère avec sa lourde maçonnerie de granit. Son fronton portait le nom de la « Famille de Sapinaud », mais rien n’indiquait qui reposait en ce lieu. Je me suis demandé si Madame de Sapinaud, la mémorialiste des Guerres de Vendée, pouvait s’y trouver.
Comme sa sœur Céleste, la célèbre amazone connue sous le nom de Madame Bulkeley (1), Madame de Sapinaud était une Talour de La Cartrie, vieille famille angevine établie à La Pouëze. Née à Angers en 1736 (2), elle reçut les prénoms de Jeanne-Ambroise. Le 14 février 1764, elle épousa dans la même ville, paroisse Saint-Michel-du-Tertre, René-Prosper-Jean-Félix Sapinaud de Bois-Huguet, auquel elle donnera trois enfants (3).
Madame de Sapinaud vécut à Bois-Huguet, bâtisse assez modeste (aujourd'hui disparue) qui n’avait vraiment rien d’un château, située sur la paroisse Saint-Hilaire-de-Mortagne, mais aussi à la Barbinière de Saint-Laurent-sur-Sèvre, où elle s’établit à partir de l’été 1794. Elle avait alors 58 ans.
Je ne m’étendrai pas sur ses Mémoires et leurs deux versions, dont les multiples rééditions apportent toutes les indications utiles pour découvrir ce que fut la vie de cette femme à l’époque de l’insurrection vendéenne et surtout pendant les mois terribles de la fin de l’année 1793 et du début de 1794 (4).
De La Verrie à Mortagne-sur-Sèvre
Le souvenir de Madame de Sapinaud à la Barbinière me donnait à penser qu’elle pouvait reposer à Saint-Laurent-sur-Sèvre, dans la chapelle familiale visible au cimetière. En effet, bien que la mémorialiste mourût à La Verrie le 1er mai 1820, je n’ai trouvé nulle tombe à son nom dans cette commune.
Je me suis rendu par conséquent à la mairie de Saint-Laurent-sur-Sèvre, afin de consulter le registre des inhumations. Hélas, il n’y en a aucun pour les sépultures les plus anciennes. On devine cependant, en observant les deux blasons sculptés sur l'autel à l'intérieur de la chapelle funéraire (illustration ci-dessous), qu'ici gisent Ernest-René-Georges Sapinaud de Boishuguet (blason de gauche : d'argent à trois merlettes de sable), maire de la commune de 1871 à 1879, et son épouse Marie-Josephine de Vigier (blason de droite : d'argent à trois fasces de gueules).
Les registres de catholicité m’ont apporté la solution. En vérifiant celui de La Verrie, j’ai relevé que « le trois mai mil huit cent vingt, le corps de madame Jeanne Ambroise Michel Marie Talour de la Cartrie, veuve de monsieur Sapinaud de Boishuguet, décédée il y a deux jours, en ce bourg, à l’âge de quatre-vingt-trois ans, a été transporté de l’église de ce lieu dans celle de Mortagne » (5).
Il ne me restait plus qu’à ouvrir le registre de catholicité de Mortagne pour y lire que « le trois mai mil huit cent vingt a été inhumé au cimetière de cette paroisse le corps de dame Jeanne-Michelle Tallourd, veuve de monsieur Sapinaud de Boishuguet, décédée à la Verrie le premier de ce mois (…) et inhumée en le cimetière de cette paroisse d’après le désir de ladite dame, manifesté par écrit » (6). Sapinaud de La Rairie, ancien commandant en chef de l’armée du Centre pendant les Guerres de Vendée, et lieutenant général des armées du Roi, était présent à cette cérémonie.
Vérification faite sur place, j’ai bien peur que la tombe de Madame de Sapinaud ait disparu. Le cimetière de Mortagne-sur-Sèvre n’en conserve d’ailleurs quasiment aucune du début du XIXe siècle.
Notes :
(1) Le spectacle « Le dernier panache », joué au Grand Parc du Puy du Fou depuis 2016, la présente comme une Irlandaise, avec un accent britannique assez prononcé. Céleste était pourtant on ne peut plus angevine.
(2) C’est ce que disent ses biographes, mais je n’ai pas trouvé son acte de baptême dans les paroisses d’Angers en 1736.
(3) Charlotte-Ambroise-Barthélémy (Mortagne 1765 – Nantes fin 1793 ou début 1794), Jean-René-Prosper-Félicité (Mortagne 1766 – Angers 1844) et Louis-Joseph-Aimé-Jules (Mortagne 1770 – La Limouzinière 1817).
(4) Notamment l’édition présentée et annotée par Anne de Chanterac (Salmon, 1989), celle introduite par Christophe Vital (L’Albaron, 1990), et la plus complète rassemblant les deux manuscrits, édition critique établie et présentée par Pierre Rézeau (C.V.R.H., 2014).
(5) A.D. 85, état civil de La Verrie, Registre de catholicité, BMS 1813-1820, vue 127/135.
(6) A.D. 85, état civil de Mortagne-sur-Sèvre, Registre de catholicité, BMS 1820, vues 5-6/13.
[ Le 21 janvier 2020 sur le remarquable site vendéens et chouans et il y a en plus 4 illustrations ]