Louise de Croy-Havré naquit à Paris en 1749, au sein d'une famille issue de haute noblesse. Elle épousa en 1764 Louis du Bouchet de Sourches, marquis de Tourzel et grand prévôt de France, qui fut tué accidentellement lors d'une chasse en 1786. Devenue veuve, Madame de Tourzel se réfugia dans son château de Sourches, près du Mans, jusqu'à ce que la Reine la nomma gouvernante des Enfants de France, fonction jadis enviée, mais devenue périlleuse aux premiers feux de la Révolution. Sa fille Pauline, qui n'était pas encore mariée, l'accompagna à la Cour désertée par l'émigration. Madame de Tourzel resta fidèle à sa charge, même aux heures les plus menaçantes, lorsque la foule égarée envahit le château de Versailles les 5 et 6 octobre 1789, lorsque l'émeute traversa les salons des Tuileries le 20 juin 1792, et lors de la dramatique journée du 10 août.
Confidente privilégiée des malheurs de la famille royale, Madame de Tourzel a su dépeindre avec émotion dans ses Mémoires les dernières années de la Monarchie, vues à travers l'entourage du Roi, dans une atmosphère mêlée d'espoirs et de crainte. Son extrême dévouement efface même du texte la personnalité de son auteur pour ne se concentrer que sur les enfants de Louis XVI et Marie-Antoinette. La Terreur la sépara de la famille royale, jetée au Temple et décimée en trois années. Après la chute de Robespierre, Madame de Tourzel se retira avec sa fille près de Dreux, jusqu'à la Restauration. En 1816, Louis XVIII rendit grâce à ses services en lui conférant le titre de duchesse. Elle put dès lors achever la rédaction de ses Mémoires, "un document historique d'une valeur absolument incomparable" dont la publication, interdite sous l'Empire en raison de la surveillance des proches de la famille royale, n'a pu avoir lieu qu'en 1884, cinquante-deux ans après la mort de son auteur.