Mata-Hari : Le dossier secret du Conseil de guerre
Le 15 octobre 1917, à 6 h 15 du matin, Margaretha-Geertruida Zelle MacLeod, plus connue sous son nom de scène de Mata-Hari, meurt sous les balles du peloton d'exécution au polygone de tir de Vincennes.
Hier encore désiré par tant d'hommes, le corps de la belle danseuse est livré au médecin-légiste. Pourtant, avec le linceul, l'oubli ne tombe pas sur Mata-Hari. Au contraire. Les rumeurs les plus folles circulent déjà, vite relayées par la presse : elle n'est pas morte. Après un simulacre de fusillade, elle a été échangée contre un agent français. Ou plutôt non, elle a été sauvée à l'instant suprême par son beau capitaine russe, qui l'a enlevée sur son cheval blanc. Ou bien...
Les journaux répandent, en l'enjolivant chaque fois un peu plus, l'incroyable histoire de la bayadère frisonne qui, dix ans avant la guerre, avait séduit le Tout-Paris par ses "danses sacrées javanaises". On évoque son corps voluptueux, offert nu à la ferveur d'un public haletant. On se chuchote la liste de ses amants : le prince de L***, le colonel von R***, des rois de la finance ou des affaires, des musiciens, des officiers, des ministres même, dont un de la Guerre ! De vraies ou fausses indiscrétions soulèvent un coin du voile, brodent sur l'amazone, ses exploits guerriers et amoureux. Vedettes et figurants du drame bombent le torse et racontent leur rôle - décisif, cela va de soi. Bien sûr, le procès était à huis clos et je n'ai pas le droit de vous le dire, mais... Chacun y va de ses mémoires de guerre ou d'alcôve, de son vrai-faux roman...
Hollywood s'empare du personnage. Les plus grandes stars internationales incarneront la belle espionne. Mata-Hari n'appartient plus à la France, à la Hollande, à son époque... Elle ne s'appartient plus, elle est patrimoine de l'humanité. Un archétype, universel et éternel : l'amour-la mort. La femme fatale. Un mythe qui, depuis, n'a cessé d'obscurcir l'Histoire.
Mais aujourd'hui, les archives parlent. Et l'histoire qu'elles racontent est plus mystérieuse, plus forte, plus pathétique que tous les scénarios. Grâce à une autorisation spéciale du ministère de la Défense, les Éditions Italiques ont pu ouvrir tous les cartons de la Justice militaire. Scanner les pièces originales du procès et les retranscrire mot à mot. C'est l'intégralité du dossier Mata-Hari qui est ainsi publiée dans ce livre, pour la première fois, alors que le secret ne devait être levé qu'en 2017.
Rapports de filatures, interrogatoires, pièces à conviction, lettres de la suppliciée écrites avec du sang et des larmes du plus profond de son infâme prison... Ces quelque 600 pages très denses, le plus souvent tragiques, parfois drôles, toujours émouvantes, révèlent enfin tous les éléments qu'ont eus en main les magistrats du 3e Conseil de guerre, le 24 juillet 1917, pour décider si "la femme Zelle MacLeod dite Mata-Hari" était bien H 21, coupable "d'espionnage et d'intelligences avec l'ennemi", et si elle devait vivre ou mourir.
Le procès en réhabilitation doit-il commencer ? Vous allez en juger.
Cet ouvrage contient l'intégralité du dossier de lajustice militaire conservé par le Service Historique de l'Armée de Terre.
Mata-Hari : Autopsie d'une machination
Longtemps après l'exécution de Mata-Hari au polygone de tir de Vincennes, le 15 octobre 1917, le procureur Mornet devait avouer : "Il n'y avait pas de quoi fouetter un chat." Pourtant, Mornet s'était prêté sans états d'âme à ce qui fut une véritable machination judiciaire...
Il est vrai que Mata-Hari faisait une coupable idéale : étrangère, cosmopolite, affichant une liberté de moeurs et des goûts de luxe propres à scandaliser les bien-pensants, cette danseuse à l'exotisme sulfureux avait effectivement entretenu des relations troubles avec les services secrets allemands. Mais, incapable de recueillir le moindre renseignement digne de ce nom et, à plus forte raison, de jouer un double jeu lorsqu'elle était passée au service de la France, elle fut immolée sur l'autel de la raison d'État, à un moment critique de la Première Guerre mondiale où jeter en pâture à la foule une espionne de haut vol permettait de faire oublier à l'opinion publique l'impasse sanglante dans laquelle s'étaient enfermés les belligérants.
C'est cette machination que démonte ici Léon Schirmann, après des années de recherche et à la lumière des pièces des archives françaises et étrangères qu'il est le premier à avoir analysées de façon exhaustive.
Chercheur rigoureux, Léon Schirmann fait définitivement litière des innombrables légendes qui ont depuis toujours déformé l'histoire de Mata-Hari. Son livre prouve de plus que la réalité est infiniment plus forte que la fiction : héroïne émouvante d'une véritable tragédie classique, livrée à l'implacable cruauté d'un deus ex machina qui aurait revêtu l'uniforme de l'armée française, Mata-Hari saura mourir avec un courage et une dignité qui forcèrent l'admiration de ceux-là même qui avaient joué avec sa vie.
Résistant, titulaire de la Croix de guerre avec deux citations, Léon Schirmann doit à une indépendance d'esprit peu commune et à une longue pratique des méthodes scientifiques (agrégé de Sciences, il a enseigné pendant longtemps en classe préparatoire) un souci de la vérité qui l'a conduit à combattre le mensonge et l'injustice, d'où qu'ils viennent. Il a ainsi publié un important ouvrage sur le "Dimanche sanglant d'Altona" dans lequel il établit l'innocence de quatre jeunes communistes, condamnés à mort et exécutés à Hambourg en 1933 sur la base de pièces truquées par les magistrats. Après avoir obtenu leur réhabilitation en 1992, Léon Schirmann s'est ensuite consacré à des recherches approfondies sur le procès de Mata-Hari dont il a également demandé la révision. Depuis, il travaille à un livre sur l'affaire du Bonnet rouge, un journal qui, pendant la Première Guerre mondiale, fut taxé de trahison, et dont le directeur, Almereyda, trouva une mort mystérieuse à la prison de Fresnes, ainsi que sur de nombreux autres dossiers politico-judiciaires de la même époque.