Une vie extraordinaire et bouleversante... « Née à Versailles en 1778, morte en exil à Frohsdorf en 1851, Marie-Thérèse était l'aînée des enfants de Louis XVI et de Marie-Antoinette. Son enfance princière traditionnelle fut marquée par le traumatisme des journées d'octobre 1789 qui l'arrachèrent à l'âge de dix ans avec la plus extrême violence à son cadre de vie. Elle connut la peur, l'humiliation. Les Tuileries étaient peu adaptées à une vie de cour, mais les enfants vécurent plus près de leurs parents qui s'occupèrent directement de leur éducation. La loi salique écartait les femmes de la succession, mais elles étaient des princesses, membres de la famille royale. La Constitution imposée au Roi par les révolutionnaires supprima toutes les prérogatives princières. Il n'y aurait plus de régentes, les princesses étaient écartées de tout héritage : elles dépendraient de leur père, puis de leur mari. La reine n'était plus que l'épouse du roi, Madame n'est donc plus que "Marie-Thérèse-Charlotte, fille du roi des Français", juridiquement une citoyenne parmi les autres. Et c'est bientôt la tentative de fuite du roi. L'auteur souligne que Louis XVI était révolté avant tout par la laïcisation du pouvoir. Mais la famille royale fut arrêtée à Varennes et ramenée à Paris : "De tous les moments affreux que j'ai vus depuis, ce fut un de ceux qui me frappa le plus et dont l'horrible impression me restera toujours". Bientôt, au soir du 10 août 1792, le roi et les siens se retrouvent prisonniers de l'assemblée. C'est la chute de la monarchie, l'enfermement au Temple. Louis XVI a présente à l'esprit la fin de Charles Ier d'Angleterre. Le roi déchu et sa famille sont d'abord traités de manière modérée. Ils sont protégés lors des massacres de septembre parce qu'ils sont "otages du peuple français", mais ils doivent subir la promiscuité de la garde à vue permanente et la politesse particulière des sans-culotte. La princesse a quatorze ans lorsque le roi est condamné à mort. On parle du bannissement du reste de la famille mais les extrémistes s'acharnent. Louis XVII est séparé des siens, la reine est transférée à la Conciergerie, jugée et guillotinée le 16 octobre 1793. En 1794, Madame Elisabeth, qui a été séparée de sa nièce, monte sur l'échafaud, le jeune roi meurt l'année suivante à l'âge de dix ans de maladie et de mauvais traitements. Coupée du monde, Marie-Thérèse n'apprendra la mort des siens, mère, tante et frère qu'en juin 1795. Elle sera la seule à sortir vivante après trois ans et demi d'épreuves. En juin 1795 la république propose à l'Autriche d'échanger la princesse contre des députés français prisonniers. Elle quitte à contrecœur un pays qu'elle ne reverra qu'en 1814. A Vienne où elle séjourne trois ans, elle sera considérée à la fois comme une archiduchesse et comme Madame de France. L'auteur analyse la tentative des Habsbourg, dans la logique de leur éternelle politique matrimoniale, pour lui faire épouser l'archiduc Charles. Vienne rêve de les mettre un jour sur le trône de France en écartant la loi salique ! Fidèle aux traditions françaises, la princesse refuse. Louis XVIII, qui n'a pas d'enfants, "adoptera" en quelque sorte sa nièce et son neveu, le duc d'Angoulême en les mariant. Cette union politique semble avoir été un bon mariage mais il restera stérile. Comme Louis XVIII, Marie-Thérèse restera attachée à une vie de cour, non par goût, mais par devoir. Il fallait que la famille royale, même en exil, tînt son rang. Soutien de son oncle, "l'Antigone française" l'accompagna à Mittau où elle se mariera, puis, expulsée de Courlande par Paul Ier, la cour se réfugia en Pologne grâce à la princesse avant qu'Alexandre Ier ne remette Mittau à la disposition de Louis XVIII. Puis ce fut l'installation en Angleterre. En mars 1814, le duc d'Angoulême est à Bordeaux et contribue à la Restauration. Pendant les Cent-Jours la duchesse essaie de défendre Bordeaux avant de reprendre le chemin de l'exil anglais, le duc cherche à résister dans le Midi, est arrêté par les bonapartistes et expulsé en Espagne. Plus tard, le duc se distinguera à la tête des troupes françaises lors de l'intervention en Espagne et remportera la victoire du Trocadéro. Sous le règne de Louis XVIII, la duchesse d'Angoulême occupe une place exceptionnelle : la fille de Louis XVI n'a pas émigré, elle a connu la prison, puis l'exil. Elle incarne la légitimité, elle est presque reine. Si elle blâme la politique conciliatrice du roi et met son crédit au service de Monsieur, elle ne suit pas les ultras de son entourage. Pieuse depuis son enfance, elle s'occupe d'œuvres de charité et ne se relâche pas dans la dévotion à la mémoire de ses parents. Pendant l'été 1829 Charles X, brûlant du désir de vaincre définitivement les libéraux, commet l'erreur de confier le ministère à son ami Polignac. Elle aurait dit à son beau-père : "En abandonnant M. de Villèle, vous descendez la première marche de votre trône". On cite aussi cette parole : "J'estime beaucoup M. de Polignac comme homme privé, parce que je sais qu'il nous est entièrement dévoué ; mais, en politique, c'est l'être le plus présomptueux que je connaisse". La Révolution de 1830 provoque l'abdication de Charles X en faveur du duc d'Angoulême, Louis XIX pendant vingt minutes avant d'abdiquer à son tour en faveur du petit duc de Bordeaux. Marie-Thérèse aura été reine vingt minutes... Marie-Thérèse connaît l'exil pour la troisième fois. La famille royale s'installe en Ecosse, puis à Prague, enfin à Goritz. L'organisation de la régence provoquera des tensions : Charles X, qui a abdiqué, prétend l'organiser car il ne reconnaît plus son abdication de Rambouillet. Pour concilier toutes les tendances, beaucoup de légitimistes souhaiteront que Marie-Thérèse soit régente. Elle servira d'intermédiaire et évitera les ruptures. Charles X meurt en 1836, le duc d'Angoulême en 1844. La duchesse achète alors Frohsdorf où elle s'éteint le 18 octobre 1851. Celle qui incarnait la royauté persécutée par les révolutions meurt en exil. Chartiste, agrégée d'histoire, Mademoiselle Becquet domine avec aisance une masse impressionnante de documents et nous offre, avec une sympathie pour son personnage, une lecture agréable que l'érudition n'étouffe jamais. Ce livre sert à mieux comprendre les problèmes de la succession dynastique au XIXe siècle ». Gilles de Grépiac, dans Lecture et Tradition (nouvelle série), n° 32 (décembre 2013)