Une enfance totalement perdue, saccagée de toutes parts, accablée de toutes plaies : faim, maladies, coups, viols, abandons, déracinements, humiliations de toutes sortes, rejet de ma propre mère, oubli de ma famille au milieu des cadavres, faisant plusieurs fois face à la mort...
Une enfance volée : sans école, mise au travail forcé, sans parents et sans racines. J'avais à peine huit ans quand Pol Pot a pris le pouvoir. Il m'a faite à jamais orpheline.
J'ai survécu au pire - à tout, en vérité - dans l'espoir de recevoir un jour, enfin, un peu d'amour. Comme je n'en ai jamais obtenu, j'ai comblé le manque en distribuant largement aux autres, en donnant sans compter, quand bien même - je n'en avais pas consience à l'époque - ils en avaient bien moins besoin que moi.
Car offrir est plus facile que demander. Et quand on donne de l'amour et qu'on n'en reçoit pas en retour, on souffre encore plus. L'amour est un don qui se mérite, mais l'homme rend le mal pour le bien, même quand tout le bien lui est rendu.
Quand l'amour donné est mal reçu, on souffre encore plus, mais l'homme rend le mal pour le bien, le bien rend l'homme aveugle et sourd. Car l'homme est l'égoïsme éternel insatisfait !