De perpétuelles découvertes ... ... ...
4/5 L'Action Française 2000
.----. L'Action Française 2000 - En 2016, y a-t-il encore matière à découvrir quelque chose, sur Louis XVII?
Philippe Delorme - La recherche historique réserve de perpétuelles découvertes, mais en ce qui concerne le fin-mot de "l'énigme Louis XVII", je pense qu'il n'y a plus rien à ajouter. D'ailleurs, dès le XIXe siècle, des enquêteurs rigoureux comme Alcide de Beauchesne ont réuni assez de preuves pour affirmer que l'enfant mort au Temple en 1795 étant hélas le fils de Louis XVI et Marie-Antoinette, victime d'une longue détention et de mauvais traitements. Les analyses génétiques, pratiquées à mon initiative en 2000 sur le cœur prélevé lors de l'autopsie par le docteur Philippe-Jean Pelletan, ont apporté un élément décisif, en mettant un point final à la polémique. Vous savez, plus de deux mille ouvrages et articles de presse ont été publiés autour de "l'affaire Louis XVII" ! Généralement pour "démontrer" que le petit prince avait échappé à ses bourreaux. Chaque année, il en paraît encore de nouveaux, écrits par de soi-disant "descendants" de Louis XVII! Périodiquement, on remet en question les résultats de nos analyses ADN, on élève des objections, on cultive les points d'interrogation. C'est pourquoi j'ai voulu rassembler dans cet épais ouvrage de près de cinq cents pages I'ensemble de mes travaux sur le sujet. "Vingt fois sur le métier, remettez votre ouvrage…" C'est plus d'un quart de siècle que j'ai consacré à ce dossier. Dans ce livre "définitif", je raconte non seulement l'existence tragique de cet enfant, né sous les ors de Versailles et mort à dix ans, orphelin, dans un cachot obscur, rongé par la tuberculose. Mais aussi l'épopée des "faux dauphins" et l'odyssée du cœur de Louis XVII.
Pourquoi Jean-Louis Bachelet l'auteur de Sang royal, ne tient-il pas compte des analyses ADN que vous avez diligentées ... surtout pour arriver à des conclusions identiques ?
Je dois dire que ce Sang royal me rend très perplexe! L'éditeur annonçait à son de trompe des révélations sensationnelles, des "secrets" exhumés des archives du Vatican, de nouvelles études scientifiques. Or, à l'arrivée, rien de tout cela. "Beaucoup de bruit pour rien", aurait dit Shakespeare. Une publicité tonitruante, mais un ouvrage décevant, qui survole la question et collectionne les erreurs historiographiques les plus grossières. Finalement, Jean-Louis Bachelet a réussi cet exploit de faire l'unanimité... contre lui. Aussi bien les 'survivantistes' que les véritables historiens s'accordent à souligner le manque de consistance de son essai. Ainsi, il ne consacre que deux lignes aux analyses du professeur Jean-Jacques Cassiman sur le cœur de Louis XVII - sans même citer mon nom -, au profit de nouvelles études, signées par le docteur Gérard Lucotte, un généticien hautement contesté au sein de la communauté universitaire.
Peut-on considérer que les querelles sur l'authenticité des reliques - cœur ou cheveux - sont futiles, car témoignant d'un soupçon "hypercritique" qui dépasse les règles scientifiques pour donner dans la fable complotiste?
Futiles, elles ne le sont point, car la génétique en elle-même ne livre aucune réponse, mais seulement des indications. "L'ADN n'a pas de carte d'identité", a coutume de dire le professeur Cassiman. Pour pouvoir affirmer que le cœur analysé en 2000 était bien celui de Louis XVII, il fallait auparavant établir sa "traçabilité", la continuité de son parcours historique depuis le Temple jusqu'à la cathédrale de Saint-Denis, où il se trouve actuellement. L'historien devait démontrer qu'il s'agissait bien du même "viscère". Qu'il n'y avait pas eu substitution, avec celui du frère aîné de Louis XVII, le dauphin Louis-Joseph, mort en 1789, par exemple. Mais en effet, au-delà de cette enquête "raisonnable", l'acharnement à supposer des machinations obscures, des desseins cachés, relève de l'hypercriticisme, voire du complotisme. Pour ma part, je me réfère souvent au "rasoir d'Occam", ce philosophe médiéval qui professait que, généralement, les hypothèses suffisantes les plus simples sont les plus vraisemblables.
Pourquoi le sort de Louis XVII est-il inlassablement questionné ? Y a-t-il un enjeu politique, ou le royalisme français a-t-il besoin de secréter sa propre mythologie du "roi caché"?
Un enjeu politique, certainement plus aucun aujourd'hui ! En fait, dans l'histoire du royalisme, la question de la "Survivance" a plutôt constitué un élément néfaste, propre à diviser les forces face à l'adversaire républicain. Comme l'écrit Hervé Pinoteau, "une machine de guerre d'apparence fort pieuse, qui liquéfie les volontés et raréfie les militants". Ce n'est pas par hasard si Jules Favre, l'un des pères fondateurs de la III" République, a été l'avocat des Naundorff… Par ailleurs, le mythe du "roi caché", du "grand monarque", apparaît comme un archétype universel dont on distingue les avatars tout au long de l'Histoire: Charlemagne, Gengis Khan, Frédéric Barberousse, Sébastien du Portugal, Dimitri de Russie, etc. Au XIXe siècle, il a pris la forme de l'Enfant du Temple. Une certaine frange du royalisme a été déçue par la Restauration, qui avait accepté une partie des acquis de la Révolution. Pour ces partisans d'un Ancien Régime fantasmé, où le Trône servirait l'Autel, Louis XVIII, Charles X - et par la suite Louis-Philippe - ne sont que des usurpateurs. Le vrai roi s'est évadé du Temple, il a survécu, il viendra rétablir l'âge d'or. Plusieurs dizaines de "faux dauphins" - illuminés ou escrocs - vont ainsi prétendre être Louis XVII miraculeusement sauvé. Le plus connu est le Prussien Carl Wilhelm Naundorff. À son époque, c'était loin d'être le plus crédible, mais son souvenir s'est perpétué au travers de sa nombreuse descendance qui porte légalement le patronyme de Bourbon, grâce à un artifice de l'état civil néerlandais. Précisons au passage que les récentes "analyses" de Gérard Lucotte, selon lesquelles l'actuel prétendant Naundorff- Hugues de Bourbon - serait apparenté à la lignée capétienne, sont contredites point par point dans mon livre, par d'authentiques spécialistes… [ Propos recueillis par Arthur Delarbre dans : L'Action Française 2000, n°2924, 21 janvier au 3 févier 2016 ]
Destinée mouvementée !
3/5 Le Figaro Histoire
.----. Peu de personnages auront suscité autant de débats sur leur identité ni éveillé autant d'espoirs… De la naissance du second Dauphin à Versailles (le premier Dauphin, son frère-ainé Louis-Joseph de France, étant mort le 4 juin 1789) jusqu'aux derniers rebondissements de l'enquête autour de "l'enfant du Temple", c'est une destinée mouvementée que retrace Philippe Delorme. Soucieux de mettre un terme aux théories de la "survivance", il analyse avec une rigueur implacable les nombreuses controverses apparues après la mort officielle de l'enfant royal. Mais c'est surtout la vie éphémère de Louis XVII qui nous est dessinée, depuis les jardins du Trianon jusqu'au cachot du Temple. A travers lui, on assiste au crépuscule de l'Ancien Régime, à la tragédie d'une famille qui doit faire face à la Révolution. La correspondance de la reine, les Mémoires de Mme Royale, les témoignages des geôliers, tous ces documents qui nourrissent l'ouvrage replongent le lecteur au cœur d'un drame où s'affrontent folie et grandeur d'âme et où un enfant impuissant devient l'enjeu qui peut faire basculer l'avenir d'une nation. [ Dorothée Bellamy dans : Le Figaro Histoire, n°24, février - mars 2016 ]