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L´or du temps - Récit

Référence : 117796
1 avis
Date de parution : 28 mai 2020
Collection : BLANCHE
EAN 13 : 9782072888540
Nb de pages : 850
27.50
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Description
"La Seine est le fleuve sur le bord duquel j'aurai passé l'essentiel de ma vie. Je me suis aperçu très tard que cette mince coulée grise et verte formait le centre d'un territoire réel et imaginaire, dont je n'avais cessé de vouloir déchiffrer le secret."
De la source à Troyes, de Samois à Évry, Bercy, Paris et au-delà..., François Sureau rapporte de chacune de ses étapes un récit. Vies d'écrivains et de peintres égarés, instants d'amour, incendies, controverses oubliées, départs vers le lointain... Autant de rencontres inattendues qui déplacent notre point de vue et nous invitent à regarder autrement ce fleuve et notre pays.
TitreL´or du temps - Récit
Auteur SUREAU (François)
ÉditeurGALLIMARD (EDITIONS)
Date de parution28 mai 2020
Nb de pages850
CollectionBLANCHE
EAN 139782072888540
PrésentationBroché
Épaisseur (en mm)37
Largeur (en mm)140
Hauteur (en mm)257
Poids (en Kg)0.81
Critique du libraire
Pour les lecteurs littéraires, prêt à ne pas être toujours d'accord avec l'auteur sympathique et éclectique.
Les avis clients
Les plongées mémorielles de F. S.
4/5 https://www.valeursactuelles.com/
.----. Suivant le cours de la Seine, l'écrivain en prend prétexte pour une longue suite de digressions de haut vol qui lui permet de dessiner une brillante cosmogonie intime et poétique. Je suis un homme du futur antérieur : cette confession du protagoniste de l’Aile de nos chimères , le troisième roman de François Sureau, publié en 1993, pourrait être appliquée à son créateur, qui faisait dire à son personnage: « Je suis une machine à souvenirs, et c’est très bien ainsi, sauf quand il y a trop de grain à moudre et que la mécanique s’arrête, me laissant écœuré de tout. […] Si le passé m’a fait une seconde nature, je n’y puis rien. » Cette dernière phrase, Sureau l’a reprise à son propre compte en son nouveau livre, l’Or du temps. Est-ce pour moudre un excès de grain et éviter que “la mécanique s’arrête” qu’il a choisi de déverser en cette somme de plus de 800 pages un immense et puissant fleuve de réminiscences en tous genres, intimes ou littéraires, à laquelle une déambulation fictive le long des rives de la Seine sert de prétexte ? Ou, plus sûrement, pour préciser son rapport au passé, le distinguer d’une simple et commune nostalgie? « L’or du temps » , selon la belle formule d’André Breton, que Sureau cherche dans les souvenirs, ce n’est pas la saveur surannée de ce qui est passé, c’est ce qui dans le passé demeure parce qu’il préfigure ce que toute chose périssable incorpore d’éternel. « Le royaume du passé, bien sûr, reste celui du diable et il ne fait pas bon s’y attarder » , écrit-il en ouverture de son vagabondage; mais c’est pour préciser : « Mais le royaume du passé est aussi celui de Dieu, parce qu’il y a enfoui, venu de cet au-delà du temps où il se tient, les trésors que nous retrouverons à la fin. […] Si je crois au temps, c’est seulement en ce qu’il fait pressentir cette éternité dont il est tombé, lorsque nous avons quitté le jardin d’Éden. Quand nous y reviendrons, nous goûterons l’harmonie profonde de toutes ces choses discordantes qui nous avaient blessés au cours de notre vie sur la Terre. » La quête de l’harmonie essentielle qui se dissimule sous le masque du chaos passager et que l’on débusque mieux avec le recul du temps, voilà donc la vraie raison de cette fascination pour le passé qui marque tous les écrits de Sureau, et avec elle de « l’aimable pitié pour les choses » qui se dégage d’une œuvre qui, dès l’origine, se plaçait sous le signe de ce que Guy Dupré appelait la “loi de Sainte-Beuve”, « loi qui régit la mémoire antérieure aux premiers souvenirs et fait découvrir la nostalgie primordiale […] , non de la petite enfance, mais du temps qui précède immédiatement le temps où nous sommes venus. » Le temps où François Sureau est venu, c’est l’an 1957, à Paris, dans une famille de grands médecins dont notre homme va choisir de rompre la lignée, premier d’une longue suite d’écarts d’un itinéraire qui semble avoir pour seule constante d’éviter les chemins trop balisés, après un départ qui le semble à l’extrême : Saint-Louis-de-Gonzague, Sciences Po, l’Ena, qui le conduit au Conseil d’État. C’est l’époque où, professeur de questions internationales à Sciences Po, où son visage encore poupin conduit parfois les appariteurs à lui refuser l’entrée au motif qu’il n’a pas sa carte d’étudiant, il éblouit ses auditeurs par une érudition étourdissante qui sait donner de la profondeur aux sujets les plus arides par des rapprochements aussi inattendus mais plus féconds que ceux des surréalistes. L’image dans le tapis de son œuvre, c’est la certitude que ce monde-ci n’est que le reflet d’un autre. Mais celui qui semblait profilé pour une carrière de grand commis de l’État rompt rapidement en visière et pantoufle dans le privé – et le privé le plus clinquant : sous la houlette d’Alain Minc, le voilà qui tente des OPA pour le compte d’un cavalier d’industrie italien… Après cet étrange fleurt avec le capitalisme financiarisé, Sureau deviendra avocat – aujourd’hui près le Conseil d’État et la Cour de cassation, manière de renouer avec sa vocation première de serviteur de l’État. Celle-ci connut une autre incarnation, qui est sans doute le plus surprenant de tous ses pas de côté: un long compagnonnage avec la Légion étrangère, dont il intégrera l’état-major durant quelques années avec rang de colonel. Entre-temps, François Sureau s’était inventé une nouvelle vie, en donnant corps à la plus fondamentale de ses passions : la littérature. Ces deux romans majeurs que sont l’Infortune (1990) et l’Aile de nos chimères (1993), qui sont sans doute le secret le mieux gardé et le plus précieux de la littérature française contemporaine, le Sphinx de Darwin (1997), les Alexandrins (2003) ou ses méditations sur les destins d’Ignace de Loyola (Inigo, 2010) et Charles de Foucauld (Je ne pense plus voyager, 2016) composent une œuvre unique et singulière, dont l’étrangeté au monde constitue l’image dans le tapis, le motif discret qui la tisse. Étrangeté qui n’est que le revers d’une médaille dont l’avers est donc la certitude que ce monde-ci n’est qu’un avant-goût imparfait et amer d’une autre réalité, plus essentielle : « J’ai la conviction intime que ce monde est le reflet d’un autre, et l’un des moyens que j’ai trouvés pour m’approcher de cet autre monde que l’on ne voit pas, c’est le moyen du passé, de l’investigation du regret », nous confiait-il au moment de la sortie des Alexandrins. Une œuvre qui peut sembler déconnectée de la modernité, écrite dans un style paisible, mélancolique et rêveur, qui refuse les tics et les pieds au mur : cela peut expliquer que Sureau, hormis un Grand Prix du roman de l’Académie française pour l’Infortune, n’ait jamais eu la reconnaissance littéraire qu’il mérite. Le côté touche-à-tout et Pic de la Mirandole, qui irrite le cartésianisme français, un classicisme d’une autre époque, l’agacement aussi que ne manque jamais de produire le premier de la classe qui a toujours réponse à tout: cela explique que le milieu littéraire semble le tenir à une distance respectueuse. Ces dernières années, François Sureau, qui n’a plus publié de roman depuis 2007 ( l’Obéissance), a pu sembler plus dévoré par ses engagements (défense des demandeurs d’asile, d’une part, des libertés publiques face aux empiétements de l’État, d’autre part) que par la littérature. Même si l’on regrette qu’il n’ait pas renoué pour l’occasion avec la forme romanesque, et même si ce livre torrentiel ne charrie pas que des beautés mais aussi parfois une forme d’ennui distingué, on ne peut que se réjouir que l’amour des lettres retrouve pleinement ses droits avec l’Or du temps. Le romanesque n’en est d’ailleurs pas totalement absent : car Sureau feint d’y prendre pour guide un peintre méconnu, Agram Bagramko, compagnon de route des surréalistes et auteur d’un petit livre ignoré, Ma source la Seine , que notre auteur prend comme vade-mecum de ses pérégrinations géographiques et mémorielles : paravent destiné à masquer la pudeur de Sureau, qui se livre plus aisément sous le masque que lui offre ce personnage imaginaire auquel il peut prêter, sous couvert d’objectivité, ses propres obsessions intimes. Disons-le sans ambages, on retrouve dans l’Or du temps, bien plus que dans ses romans, ce qui peut agacer chez François Sureau : une érudition un peu ostentatoire, qui lui sert trop souvent à se dissimuler; un ton parfois ésotérique à force de vouloir survoler les choses de trop haut; une certaine tendance à confondre ouverture d’esprit et opinion moyenne et ce souci de respectabilité figaresque qui combat si bien ses tendances réelles au non-conformisme — ce même souci qui lui a fait décliner, comme le rapporte Tugdual Denis dans la Vérité sur le mystère Fillon , une entrevue avec Valeurs actuelles au motif que nous n’aurions sans doute pas, selon lui, choisi le bon camp au moment de la guerre d’Espagne ( sic) : l’attachement à la liberté des opinions s’arrête là où commence le respect du “bon ton” -; une tendance, aussi, au péremptoire, où l’avocat se fait juge sans avoir toujours pesé le pour et le contre. Ainsi quand, tout en fustigeant « la marée de merde du monde moderne » , il voue aux gémonies une pensée contre-révolutionnaire qu’il semble connaître bien mal. Enfin, un certain élitisme, guère surprenant chez celui qui trouva le moyen, lors de la dernière présidentielle, de conseiller Fillon tout en étant proche de Macron et qui fustige d’autant plus aisément le populisme que le peuple reste bien invisible sur les berges de la Seine quand il les parcourt dans l’Or du temps. On craignait aussi, de la part de celui qui admire assez Jean d’Ormesson pour lui avoir consacré un amusant livre d’entretiens (Garçon, de quoi écrire, 1989), qu’il cède aux “presque riens sur à peu près tout” qui gâtaient certains livres de son modèle. Mais l’Or du temps échappe heureusement à ce côté bric-à-brac de l’inutile, même si Sureau s’y écarte souvent de son prétexte, la Seine, d’une façon qui fait penser à cet élève des Dingo dossiers de Gotlib et Goscinny qui usait d’un truc infaillible pour, en pleine interrogation sur le Danube, ramener un vieux professeur de géographie à sa marotte, l’Australie: « Le Danube, qui coule bien loin de l’Australie… » C’est quasi une mission impossible que de rendre compte d’un livre où l’auteur évoque avec le même brio Babar et Pascal, Apollinaire et Isabelle Adjani, Simenon et le général Mangin, François de Wendel et l’abbé de Saint-Cyran. Parmi ces évocations, confessons une tendresse particulière pour celle du duc de Richelieu (1766-1822), autrement romanesque que nos actuels “représentants des territoires”. Successivement soldat de Louis XVI, du tsar et de l’armée des émigrés, il fut, avant d’être Premier ministre de Louis XVIII, nommé parle tsar Alexandre Ier gouverneur de la Nouvelle Russie, vaste province sur les bords de la mer Noire, qu’il développera avec une activité inlassable entrecoupée d’étranges accès de mélancolie: « Ces crises se produisent à chaque fois que la bureaucratie s’oppose à ses desseins et que l’affection du tsar paraît se voiler. Dans le bien qu’il fait entre une part de divertissement au sens où l’entendait Pascal. Il s’étourdit pour oublier. Il a horreur du vide, du silence et de l’inconnu. Il est moins facile de venir à bout du désert de l’âme que de celui des rivages de la Crimée. De là qu’il lui faut des compliments et de l’affection, sans lesquels il lui semble avoir, contre toute attente, bâti sur du sable. Qu’ils ne viennent pas, il se laisse envahir par l’angoisse et se met au lit, même en pleine journée. » De ces destins réels et imaginaires évoqués par Sureau, qu’est-ce qui fait l’unité? la certitude « qu’il existe un autre cours des choses, comme une rivière passant sous la rue, et qu’il suffit pour le rejoindre d’en évoquer avec confiance la réalité » ; une attention à la « brise à peine sensible » qui soulève à intervalles réguliers le voile des apparences pour nous faire pressentir le cœur caché des choses; le combat avec l’ange qui sert de toile de fond à toute existence humaine, écartelée entre la pesanteur souvent insupportable des réalités humaines et l’intuition, qui veille discrètement au cœur de tout homme venant en ce monde, de leur mystérieuse frivolité. C’est ce mystère paradoxal qu’explore finalement, de livre en livre, François Sureau : la vie n’est qu’une frivolité, mais une frivolité qu’il faut embrasser si l’on veut traverser les apparences, pour entrevoir ce réel qui seul compte, de l’autre côté de ce fleuve bienveillant qu’on appelle la mort . [ Signé : Laurent Dandrieu . Publié le 29 juillet 2020 ]