L'Europe par un homme de gauche !
3/5 Pierre Barisain-Monrose
.----. Je Suis Français ayant constaté que je faisais référence, à plusieurs reprises, à « L'Opium des élites » d'Aquilino Morelle, m'a demandé de faire un article sur cet énorme pavé de 600 pages, d'une densité et d'une qualité exceptionnelles.
Mais d'abord qui est l'auteur ? Cet homme de 59 ans, père de 5 enfants, est fils d'immigrés espagnols de condition ouvrière. Il a étudié la médecine , comme interne des hôpitaux de Paris devenu dans la foulée énarque et de là, haut-fonctionnaire. De gauche, il adhère au socialisme et devient conseiller de Jospin puis de Hollande. Il éprouve auprès de ce dernier quelques déboires dont il a rendu compte dans un livre « L'abdication » de 2017.
Mais venons-en au livre qui traite de « l'Européisme », cette drogue insidieuse qui a ruiné ses espoirs de socialiste.
Il se divise en 3 parties : la décomposition française, la déconstruction européenne, la Franceurope.
Il analyse en premier lieu, , à partir de l'ascension fulgurante d'E. Macron, le processus qui fut enclenché par le choix personnel de François Mitterrand en 1983 après l'échec de sa relance keynésienne de 1981. Il montre qu'il s'agit en réalité d'une véritable trahison des options socialistes, d'une libéralisation concoctée par J .Delors, P. Lamy, H. Chavranski, J. C. Naouri. Chaque paragraphe fourmille de dates, de citations, de commentaires d'une grande précision.
Vient un long morceau sur la dérive européenne, sa définition de l'Europe, l'illusion des années 30, le passage de Vichy à la Communauté européenne, l'action du « technocrate illuminé » qu'était Jean Monnet, pour aboutir à « l'Europe sans les peuples et sans la démocratie ». il démontre La persévérance de Jacques Delors qui s'avance masqué quand il se heurte à une opposition vers la « Fédération d'États-nations », oxymore destiné à leurrer les élus bernés et mis au pied du mur. L'auteur en profite pour reprendre certains aphorismes que les Européistes ressortent comme des évidences. « Le nationalisme c'est la guerre », la « marche en avant inéluctable », « Big is beautiful », la tarte à la crème du « principe de subsidiarité », « la taille critique », toute cette imposture à coups de dramatisation, de diabolisation et de théâtralisation, une politique des petits pas, le choix de « l'économie, du matériel , des réalisations concrètes » pour forcer la « construction européenne » comme un fait accompli.
La Franceurope, c'est l'illusion actuelle, du gigantesque marché hyper-globalisé , dans un monde sans frontières, « dérégulé » , dans une libéralisation que Mitterrand et Delors ont fondée et qui s'est imposée à l'Europe puis au monde sans que cela soit dû aux nouvelles technologies car elle a précédé leur arrivée (Rawi Abdelal). La France, à l'origine de ce choix, a permis la suprématie de l'Allemagne sur l'Europe et de la Chine sur le monde. « La mondialisation heureuse » promise a abouti au « triomphe de la cupidité » . Je ne peux retranscrire tous les arguments et les faits qui structurent chaque page et qui seraient bien utiles aux candidats pour la présidentielle.
Reste la conclusion. Elle est moins convaincante : on ne peut maintenir « l'Empire européen » tel qu'il est , il faut refonder l'Union sur de nouvelles bases, les Etats-Nations consentant librement à déléguer (ce qui était proposé au départ et a échoué).
Pour moi, l'Histoire est imprévisible. Charlemagne, Charles-Quint, Napoléon , Hitler n'ont pu faire une Europe durable. Va-t-elle se déliter ou au contraire s'unir vraiment sous le coup de boutoir d'un évènement inattendu, un ennemi commun, un phénomène climatique ou sanitaire ?
Il est dommage qu'Aquilino Morelle n'ait pas consacré un plus long chapitre sur les options économiques que le désir d'Europe a imposées à nos Présidents, de Pompidou face à Mme Thatcher à Mitterrand avec sa politique du Franc fort pour maintenir la parité avec le Mark et le soutien à la mise à niveau du mark RDA à laquelle nous avons contribué à notre détriment, pour complaire à Helmut Kohl.
En particulier, même s'il le cite à plusieurs reprises, A. Morelle est peu disert sur le rôle de J.C. Trichet.Comme l'écrivait Dominique Plihon dans L'Économie politique 2011/4 (n° 52) pages 17 à 28 :
« Mais peut-on demander à Jean-Claude Trichet d'aller à l'encontre des intérêts de la caste d'élite dont il est issu, celle de l'Inspection générale des finances, qui a produit la plupart des acteurs français de la haute finance, tels Jean-Yves Haberer, président du Crédit lyonnais, Michel Pébereau, président de BNP-Paribas, et Jacques de Larosière, directeur général du Fonds monétaire international ? »
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