S'imprégner de la vie d'un créateur pour en dérouler le fil dans une fiction est caractéristique de l'oeuvre de Peter Hârtling. Il a ainsi ressuscité plusieurs figures de la littérature et de la musique : Hëlderling, Lenau, Môrike, Schubert, aujourd'hui Schumann, sans oublier son ombre. Dès l'adolescence en effet, Schumann se dédouble en deux personnages qu'il nomme Eusebius et Florestan, l'un jouisseur et ivrogne, l'autre doux et travailleur. En chapitres alternés, Hârtling nous fait revivre les deux dernières années du compositeur dans une clinique de Bonn et les étapes de sa vie : de l'enfance à Zwickau où son père, libraire, traduit Byron et W. Scott, jusqu'à son mariage avec Clara, comblé de succès et d'enfants, en passant par les années de formation aussi passionnées que difficiles. Schumann, reconnu comme un compositeur novateur dès ses premières oeuvres, vivra dans le déchirement, les crises d'aphasie et les excès de tous ordres : excès d'amitiés, de travail, de voyages, de boisson, de femmes, jusqu'à l'effondrement et la tentative de suicide qui amènera son internement. Une existence frénétique, rythmée par la pulsion créatrice et les tournées triomphales avec Clara, qui n'est pas sans rappeler la vie de nos modernes rockstars. Schumann devient pour nous un héros étonnamment contemporain, et le romantisme, moins une époque révolue de l'art que sa face sombre et convulsive.
Peter Hârtling, né en 1933 à Chemnitz, est l'un des plus grands écrivains allemands actuels. En 1966, Niembs ou l'immobilité obtient en France le prix du meilleur livre étranger. Et Femmes, son roman le plus célèbre, porté au cinéma, connaîtra un succès international. Écrivain polymorphe, il écrit aussi bien des livres pour enfants que des romans biographiques ou des récits historiques. En 1997 est paru dans nos Éditions Bozena, la magnifique réhabilitation d'une femme politiquement condamnée.