L’identité des peuples est une réalité !
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.----. C’est sans doute l’ouvrage le plus indispensable du moment que publie aux éditions de la Nouvelle Librairie l’Institut Iliade, sous la plume d’Henri Levavasseur. L’auteur « remet les pendules à l’heure et l’église au milieu du village », ainsi que le souligne Jean-Yves Le Gallou dans son avant-propos. De quoi s’agit-il ? De rappeler que l’identité des peuples est une réalité qui se fonde sur un double héritage ethnique et culturel. Cette identité est dès lors vivante, se renouvelant sans cesse et s’incarnant dans une éthique, à travers l’expression intemporelle d’une manière d’être spécifique.
Henri Levavasseur va directement à l’essentiel. Publié dans la collection « Cartouches », son essai a la puissance et la précision d’un obus de mortier, tant il est destructeur pour la doxa « diversitaire » ennemie. Dans un style clair et incisif, mais toujours mesuré et solidement étayé, il propose une analyse en trois courts chapitres abordant la crise de la nation moderne et « l’aporie libérale » avant de poser les principes moteurs du sursaut : assurer la nécessaire réconciliation entre ethnos et polis – l’identité ethnoculturelle d’un peuple étant indissociable de la forme politique qu’il se donne.
Commencer par relire Renan
Il faut relire la célèbre conférence Qu’est-ce qu’une nation, prononcée en Sorbonne le 11 mars 1882 par Ernest Renan, pour remonter aux sources de l’hémiplégie actuelle, qui promeut stupidement un « vivre ensemble » dont toute « identité » serait niée, évacuée. Malgré le contexte très anti-allemand de l’époque, l’Allemagne étant perçue comme nation principalement « ethnique », Renan s’attache à une définition de la France que ne renierait aucun militant identitaire de ce début de millénaire. La nation y est décrite en effet comme un « principe spirituel » auquel Renan attribue deux sources, située l’une dans le passé, l’autre dans le présent : d’une part « la possession en commun d’un riche legs de souvenirs », d’autre part « le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu indivis ». Pour Henri Levavasseur, « la célèbre formule du ‘plébiscite de tous les jours’, sur lequel Renan fait reposer l’existence de la nation, ne se conçoit donc pas sans l’héritage d’un passé partagé, ni sans la forte conscience de posséder des racines communes ».
Renan ajoute d’ailleurs : « L’homme (…) ne s’improvise pas. La nation, comme l’individu, est l’aboutissement d’un long passé d’efforts, de sacrifices et de dévouements. Le culte des ancêtres est de tous le plus légitime ; les ancêtres nous ont faits ce que nous sommes. (…) Avoir des gloires communes dans le passé, une volonté commune dans le présent ; avoir fait de grandes choses ensemble, vouloir en faire encore, voilà les conditions essentielles pour être un peuple. (…) On aime la maison qu’on a bâtie et qu’on transmet. Le chant spartiate : ‘Nous sommes ce que vous fûtes ; nous serons ce que vous êtes’ est dans sa simplicité l’hymne abrégé de toute patrie. »
La grande rupture idéologique et anthropologique
S’appuyant notamment sur Jean de Viguerie (Les deux patries, 3e édition, 2017), l’auteur analyse au scalpel les effets délétères de l’idéologie révolutionnaire sur la définition de la nation. Strictement contractuelle, la logique libérale ayant achevé le processus dissolvant de la Révolution, la nation moderne se conçoit par opposition à la vieille patrie charnelle qui était encore celle de Renan. Certes, il existe encore un état, un territoire, une langue et tout un « capital immatériel » qui fait penser que la France perdure malgré tout. Mais « sa population est désormais divisée contre elle-même, tout simplement parce qu’elle ne forme plus un peuple, mais un ensemble de citoyens qui ne partagent guère d’histoire commune. (…) En l’espace de deux générations à peine, le visage de la France a profondément, radicalement changé – constat sur lequel s’accordent d’ailleurs ceux qui déplorent cette situation comme ceux qui s’en félicitent. Par son ampleur autant que par sa soudaineté, un tel ébranlement, correspondant à une modification aussi profonde de la composition de la population, est sans précédent dans l’histoire de notre pays. »
Pour Henri Levavasseur, il se pourrait d’ailleurs que le modèle (français) de la nation moderne, « qui s’est progressivement répandu en Europe depuis deux siècles à la suite du cataclysme sanglant de la révolution française, soit déjà condamné, même si les nations actuelles continuent d’exister au regard du droit international. Ce modèle politique, fondé sur une conception abstraite de la citoyenneté conforme à la pensée libérale des Lumières, n’a pu prendre corps dans la réalité historique qu’en venant se greffer sur des entités politiques concrètes et préexistantes, liées à un substrat ethnoculturel lentement constitué au fil des siècles. Et c’est ce substrat que la nation moderne a vidé peu à peu de sa substance, en imposant un cadre idéologique nouveau, destructeur de toute continuité historique, qui laisse finalement les peuples incapables de résister à leur propre disparition. à plus ou moins long terme, ce phénomène entraînera à son tour la nation dans une chute inéluctable. »
Refuser notre disparition programmée
Les contradictions internes du « républicanisme », qui ne tolère aucune communauté mais reconnaît des « droits » à des groupes de pression minoritaires constitués sur des critères identitaires (homosexuels, descendants d’esclaves, etc.), sont particulièrement bien vues, expliquant que ce « modèle politique » est d’ores et déjà dépassé. Ce qui rend par ailleurs dérisoires les discours des forces politiques qui continuent de s’en réclamer, au nom d’une « assimilation » désormais impossible, comme sont non seulement malsaines mais grotesques les manifestations revanchardes et pour le coup strictement « racistes » des décoloniaux et autres adaptes de la repentance ad vitam aeternam du seul « homme blanc ».
L’auteur tient la ligne de crête. La rupture entre communauté ethnique et communauté civique menaçant la survie de nos nations, il en appelle à un changement complet de paradigme : « Quelle que soit l’issue des crises à venir, celles-ci conduiront les peuples d’Europe à recourir à d’autres ressources que la référence à des valeurs et des systèmes politiques périmés, inadaptés aux enjeux actuels. » Or en temps de crise, quand la civilisation elle-même menace de s’effondrer, c’est dans nos traditions qu’il convient de rechercher les voies du sursaut – et du salut.
Comme tous les peuples d’Europe, les Français doivent donc réapprendre à penser leur identité propre. Pour Henri Levavasseur, ils doivent pour cela libérer leur esprit de l’idéologie universaliste, car l’identité des peuples résulte d’un double héritage, culturel et biologique : l’héritage d’une langue et d’une culture, associé à l’héritage de l’hérédité et du patrimoine génétique.
Réhabiliter l’ethnos au cœur du politique
Dans son dernier chapitre, Levavasseur propose dès lors de (re)penser l’ethnos. Certes un peuple n’est jamais réductible à une race unique et figée, et l’auteur est très clair à ce sujet. Mais il rappelle que tout peuple incarne un « type » humain particulier, lentement façonné par des siècles d’histoire sur un espace géographique donné. C’est le sentiment d’identification à ce « type » humain, porteur d’une culture spécifique, qui unit les membres d’une communauté. L’identité ethnique, c’est aussi la fidélité à une éthique, c’est-à-dire à des mœurs, à une manière d’être spécifiques. Comme le rappelle Ernest Renan, c’est la conscience d’une origine commune, conjuguée à la volonté d’un destin commun, qui assure la cohésion d’un peuple. L’identité est donc bien le socle sur lequel se bâtit la cité. Car l’homme est un animal politique, maître d’un territoire. Le Français est maître chez lui en France, et l’Européen en Europe.
Cette question de la « souveraineté » – et donc de la puissance – n’est pas le fruit du hasard, mais de la nécessité et de l’histoire. De notre légitimité à vivre selon nos lois, sur la terre de nos ancêtres. Henri Levavasseur a raison de rappeler que depuis plus de cinq mille ans, les peuples d’Europe sont porteurs d’un héritage ethnique et culturel spécifique, issu d’un creuset commun, celui de la civilisation indo-européenne. Nos peuples sont donc fondés à transmettre cet héritage sur l’espace géographique qu’ils ont façonné à leur mesure, dans le cadre civilisationnel qui est le leur. « L’institution de la famille traditionnelle, gardienne de la mémoire et de l’hérédité, est le premier garant de cette transmission. Cet héritage n’est pas un témoignage figé du passé. C’est un potentiel, qui permet d’exprimer notre génie propre. Cet héritage est donc notre avenir. »
Le modèle de l’Occident libéral, victime de ses propres contradictions et du chaos qu’il a lui-même semé, est aujourd’hui au bord de l’implosion. Mais l’Europe est plus ancienne que l’Occident libéral, et lui survivra.
Renouer avec nos sources pérennes
Il faut dès lors anticiper l’échéance de cet effondrement, pour qu’il n’entraîne pas les peuples européens dans sa chute. C’est ce que propose clairement Henri Levavasseur : « Notre génération doit aujourd’hui accepter d’assumer une responsabilité historique décisive, sans perdre de vue qu’elle se trouve confrontée à la nécessité de défendre pied-à-pied les remparts d’une citadelle déjà investie, dont le commandement ne lui appartient déjà plus, tout en préparant d’autres positions à partir desquelles les générations suivantes viendront reconquérir notre espace civilisationnel pour lui donner une forme nouvelle lorsque sonnera l’heure du kairos – du ‘moment approprié’ – que nul d’entre nous ne prévoir. Il nous faut en attendant former une avant-garde, sans cesser de batailler sur nos arrières. »
Il appartient aux jeunes Européens lucides de former cette avant-garde, enracinée dans des réseaux de communautés solidement ancrées sur leurs territoires. Dans la conformité aux objectifs de l’Institut Iliade, Henri Levavasseur incite donc les jeunes Européens à tenir toute leur place dans la vie des institutions politiques, scientifiques, économiques et sociales, en empruntant le chemin étroit de l’excellence. Il les invite à se familiariser avec le maniement des instruments de la puissance, dans tous les domaines où ils pourront exercer leur influence, sans jamais perdre ni vendre leur âme. Il leur demande surtout, en conclusion de cet essai décisif, de suivre le conseil de Dominique Venner : « cultiver en eux, chaque jour, comme une invocation inaugurale, une foi indestructible dans la permanence de la tradition européenne ».
[ Signé : Grégoire Gambier le 28 avril 2021 ]
PS : Pourquoi Polémia ?
Parce que dans un monde en proie au chaos et de plus en plus dominé par le choc des civilisations, il faut avoir le courage de déceler les nouvelles lignes de fracture et de discerner les conflits à venir pour mieux les prévenir.
« L’identité des peuples se fonde sur un double héritage, culturel et biologique »
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.----. Confrontés en l’espace de quelques décennies à l’arrivée massive de populations exogènes, la plupart des peuples d’Europe sont aujourd’hui sommés par leurs propres dirigeants de renoncer à leur identité ethnique et culturelle au profit d’un nouveau modèle de société cosmopolite, fondé sur l’adhésion à des « valeurs » abstraites et universelles.
La perte de tout équilibre entre communauté ethnique et communauté civique menace la pérennité même de nos nations. Henri Levavasseur invite dans son nouvel ouvrage les peuples d’Europe à reprendre collectivement conscience de « ce que nous sommes », afin de refonder la cité sur le socle de l’identité.
Nous l’avons interrogé à ce sujet.
Henri Levavasseur, L’identité, socle de la Cité. Réconcilier ethnos et polis. Avant-propos de Jean-Yves Le Gallou. Paris, Editions de la Nouvelle Libraire (Collection Cartouches de l’Institut Iliade), 2021, 81 p
Breizh-info.com : Henri Levavasseur, pouvez-vous vous présenter brièvement à nos lecteurs ?
Henri Levavasseur : Historien et linguiste de formation, je m’intéresse depuis longtemps à la genèse des cultures de l’Europe ancienne. Ma vision du monde a par ailleurs été fortement influencée par la lecture de Martin Heidegger et la manière dont ce philosophe reprend les questionnements fondamentaux de la pensée grecque pour parvenir à une compréhension intime de la modernité. Attaché à mes racines normandes, j’accorde une grande importance à la notion de « patrie charnelle », telle que la conçoivent Barrès et Péguy. Soucieux de transmettre la flamme aux jeunes générations à l’heure où se joue le destin de l’Europe, je me suis tout naturellement rapproché de l’institut Iliade, qui accomplit dans ce domaine un travail remarquable.
Breizh-info.com : Votre essai constitue une réflexion fondamentale sur la notion d’identité, et sur l’articulation de cette notion avec la Cité, c’est-à-dire avec le Politique. Quelle est votre vision de l’identité de la nation française ? L’identité politique de la république ne s’est-elle pas construite en niant précisément l’identité « charnelle » des peuples et des régions ?
Henri Levavasseur : Les entités politiques ne doivent pas être pensées comme des notions abstraites et figées, mais comme des réalités organiques. En tant que telles, elles constituent des ensembles qui valent plus que la somme de leurs parties, mais qui ne peuvent se maintenir en vie lorsque les organes qui les composent cessent de fonctionner harmonieusement. De même, la nation est une entité politique souveraine, qui représente plus que la somme des identités régionales et locales qu’elle rassemble, mais qui ne peut exister de manière pérenne sans ces dernières. La nation est un organisme vivant dont les familles, les communes, les régions forment en quelle sorte le « corps ». Être français, ce n’est pas (ou pas seulement) adhérer à des « valeurs » et à des institutions politiques, c’est d’abord être Normand, Picard, Breton, Provençal, Lorrain (pour ne citer que quelques-unes des identités réelles et enracinées qui constituent collectivement l’essence de la nation française, telle qu’elle s’est progressivement formée au fil des siècles).
Depuis la Révolution française, cette conception organique de la nation tend malheureusement à disparaitre au profit d’une conception idéologique coupée du réel et de l’histoire, fondée sur des valeurs à prétentions universalistes, intangibles et « républicaines ». J’entoure ici de guillemets l’adjectif « républicain », puisque ce discours, révolutionnaire et subversif par essence, vise à nier ou à transformer de manière radicale l’identité française héritée de notre histoire : ce républicanisme-là n’a plus guère à voir avec le service de l’état et du bien commun, c’est-à-dire avec la res publica au sens romain (signification que ce mot conserve encore sous la plume du juriste Jean Bodin au xvie siècle).
Il est d’ailleurs assez paradoxal que les révolutionnaires français se soient réclamés du système romain, fondé sur une conception très inégalitaire et aristocratique de la citoyenneté. Mais ces rêveurs sanguinaires n’étaient pas à une contradiction près : ne prêchaient-ils pas l’amour de l’humanité tout en exterminant les Vendéens ? J’évoque dans mon essai les circonstances horribles de la mort de la princesse de Lamballe, massacrée dans des conditions de sauvagerie qui rappellent étrangement l’égorgement récent d’un professeur de lycée par un mahométan fanatique…
Breizh-info.com :L’invocation des « valeurs de la république », qui prend aujourd’hui une dimension quasiment religieuse, ne dissimule-t-elle pas, derrière les appels à l’unité nationale, la fracture béante qui traverse la société française ?
Henri Levavasseur : De toute évidence, la question de l’identité de la France se pose aujourd’hui en des termes nouveaux, du fait de l’entrée sur notre territoire, en l’espace d’un demi-siècle à peine, de millions d’immigrés provenant de l’espace extra-européen. A l’échelle du contingent, c’est un phénomène d’une ampleur sans équivalent depuis la Préhistoire. Je renvoie sur ce point aux travaux de l’un de nos plus grands démographes, le regretté Jacques Dupâquier, membre de l’Institut.
Le traumatisme culturel, social, économique et politique provoqué par l’arrivée de ces flux humains considérables a créé en France, mais aussi dans la plupart des pays d’Europe, une véritable fracture entre l’identité ethnoculturelle et l’identité civique, entre ce que les Grecs nommaient, à l’aube de l’histoire européenne de la pensée, l’ethnos (« ethnie ») et la polis (« cité »).
C’est le constat de cette fracture sans précédent, qui menace la cohésion et l’existence même des nations et des peuples d’Europe, qui m’a conduit à écrire ce livre, afin d’inciter mes contemporains à prendre toute la mesure du problème, et surtout à trouver en eux-mêmes les ressources nécessaires pour redonner à nos nations l’avenir qu’elles méritent.
Breizh-info.com :Comment concevez-vous donc la notion même d’identité ? Est-ce une donnée figée ? L’identité n’est-elle pas, comme l’affirment certain, une construction en perpétuelle évolution ?
Henri Levavasseur : L’identité des peuples doit naturellement être pensée de manière dynamique : elle est soumise, comme toute réalité vivante, à la loi du devenir. Pour comprendre l’origine et le sens de notre identité, il faut donc revenir aux fondements d’une saine anthropologie. En dépit de ce qu’affirment les tenants de l’idéologie libérale-libertaire, l’homme n’est pas une construction abstraite : il ne se réduit pas à l’image d’un individu doté à la naissance de droits universels, libre de signer un « contrat social » avec ses pairs. Nous savons tout au contraire, depuis Aristote, que l’homme est un « animal politique ». Cela signifie que son identité se construit dans l’espace d’une Cité, sur un territoire où s’exerce une souveraineté, qui permet de garantir la pérennité et le développement d’une culture. Car la « nature » de l’homme est précisément celle d’un « être de culture », comme l’a bien montré le philosophe allemand Arnold Gehlen dans son ouvrage magistral intitulé L’homme, dont la traduction française vient de paraître cette année chez Gallimard. L’existence de la personne humaine se déploie donc toujours, dès l’origine, dans le cadre d’une famille et d’un peuple.
L’identité des peuples se fonde sur un double héritage, culturel et biologique. Les deux dimensions sont indissociables et se « façonnent » mutuellement, en constante interaction avec le milieu et le territoire. C’est pourquoi les revendications très platement « racialistes » des « indigénistes » sont absurdes : vouloir revendiquer des droits en fonction de la couleur de peau, indépendamment de l’appartenance à une cité, à un territoire et surtout à une culture, n’a aucun sens.
Breizh-info.com : Existe-t-il donc pour vous une identité « européenne », ou l’Europe n’est-elle qu’une construction vide de sens, un fantasme dangereux qui s’opposerait à l’identité des nations ?
Les peuples d’Europe ont en commun plus de cinq mille ans d’histoire, ce que confirment les données établies par la linguistique indo-européenne, l’archéologie et la paléogénétique. Je renvoie ici à la synthèse récente publiée par le généticien David Reich, de l’université de Harvard (Comment nous sommes devenus ce que nous sommes, Quanto, 2019).
L’Europe, ce n’est pas l’Occident, ou plutôt : l’Occident, ce n’est plus l’Europe. Les notions d’Europe et d’Occident ont certes été plus ou moins synonymes jusqu’au xxe siècle. Mais la « Grande guerre mondiale de trente ans », qui a éclaté en 1914 et s’est achevée en 1945, a laissé les nations européennes exsangues, soumises pour moitié au joug communiste, pour moitié à la domination américaine. Or, depuis la chute du système soviétique et le retour des nations d’Europe centrale à la liberté, les concepts d’Occident et d’Europe ne se recoupent plus : l’Occident prend de plus en plus la forme d’un système idéologique libéral-libertaire mondialiste, hostile à l’identité, à la culture, aux traditions, aux intérêts et à la souveraineté des nations européennes.
Il va de soi que l’Europe ne se confond pas davantage avec l’édifice institutionnel de l’U.E., qui s’acharne précisément à nier l’existence de l’identité européenne, en réduisant cette dernière aux « valeurs » occidentales, et en transposant à l’échelle du continent les aberrations du discours idéologique jacobin.
A la différence des nations qui la composent, l’Europe n’est pas une entité politique. Elle est à la fois autre chose que cela, et bien plus. Elle constitue un espace de civilisation, dont l’existence ne peut être distinguée de celle des cultures, des nations et des peuples qui l’incarnent et lui donnent vie. Cet ensemble véritablement polyphonique se déploie sur un territoire délimité par la géographie et l’histoire, c’est-à-dire par le poids des réalités géopolitiques. L’Europe, c’est une très longue mémoire partagée. C’est la conscience de racines communes, d’autant plus solides qu’elles plongent dans un passé plurimillénaire. C’est la claire vision de l’appartenance à un « concert des nations chrétiennes », voué à dépasser les antagonismes immédiats lorsque les périls extérieurs menacent la pérennité même de l’ensemble. L’Europe, c’est l’union sacrée des nations chrétiennes se portant au secours de Vienne, capitale du Saint-Empire romain germanique, afin de repousser les Ottomans qui l’assiègent en 1683.
Breizh-info.com : L’Europe que vous évoquez est-elle donc un produit de l’histoire, un reflet du passé ? En quoi la référence à l’héritage de l’Europe ancienne peut-il aider dans l’avenir nos peuples à préserver et réaffirmer leur identité ?
Henri Levavasseur : Recueillir et revendiquer cet héritage, ce n’est pas s’enfermer dans une vision figée ou idéalisée du passé, c’est parvenir à une compréhension intime de « ce que nous sommes », de ce qui constitue notre spécificité en tant que peuples porteurs de cultures issues d’une matrice commune. C’est mieux saisir ce qui caractérise notre vision du monde et l’éthique qui nous anime. Les mots grecs ethos (« éthique ») et ethnos (« ethnie ») sont d’ailleurs étymologiquement apparentés. Cette relation étymologique est évidemment significative : l’éthique est une manière de « se tenir », conformément à l’usage reçu des aïeux.
Se réapproprier notre héritage, c’est concevoir l’identité comme la réalisation d’un potentiel et l’expression d’un génie propre, qui permet d’agir dans le monde d’une manière conforme à notre nature, c’est-à-dire à notre culture. Prendre conscience de « ce que nous sommes », c’est acquérir l’intuition de « ce que nous pouvons ». Renan, dans son célèbre discours sur la nation, ne dit pas autre chose : une nation, écrit-il, est un « principe spirituel » qui unit la mémoire d’un passé commun à la volonté de prolonger cet héritage. Renan ne dit pas que la nation se réduit à l’expression d’une volonté de « vivre ensemble », mais que cette volonté, naturellement indispensable à la pérennité de notre souveraineté politique, n’a de sens et de solidité que dans la mesure où elle s’enracine dans un patrimoine spirituel commun.
C’est pourquoi le discours à prétentions « républicaines », dans son extrémisme subversif, ne peut pas se réclamer de Renan sans le travestir. Je suis d’ailleurs parti de ce constat pour écrire ce livre.
Breizh-info.com : Comment procéder selon vous à la prise de conscience identitaire que vous appelez de vos vœux ? Quelles formes concrètes cette démarche peut-elle adopter ?
Henri Levavasseur : Reprendre conscience de « ce que nous sommes », c’est-à-dire de ce qui nous caractérise en tant que peuple, implique naturellement de rejeter l’absurdité de la « cancel culture », mouvement qu’il faut plutôt qualifier de « culture cancel » : non pas « culture de l’effacement », mais bien « effacement de la culture » !
Il faut également renoncer aux illusions de l’intégration soi-disant « républicaine », qui prétend imposer à tous (sans en être réellement capable) le respect de « valeurs » plus ou moins universelles (donc abstraites), au prix de notre identité spécifique et de nos libertés concrètes : afin de séduire des éléments exogènes qui ne voient aucune nécessité ni aucun intérêt à s’intégrer, les populations autochtones sont sommées de renoncer à leur identité propre. Cela n’est pas acceptable.
Comme nous y invite Julien Langella dans un ouvrage récent, il faut « refaire un peuple », conscient de son histoire et de sa vocation propre. De manière concrète et pratique, cela signifie qu’il faut rebâtir la Cité à partir de ses fondations, en s’appuyant sur les « communautés organiques » que les tenants de l’idéologie révolutionnaire « arc-en-ciel » s’efforcent précisément de détruire. Ces communautés naturelles, historiques et politiques sont par exemple la famille, la paroisse, la commune, le terroir ou la région – conçues non pas comme de simples entités administratives, mais comme des communautés liées à un territoire, au sein desquelles s’épanouit une identité à la fois enracinée et incarnée, à l’échelle individuelle aussi bien que collective. C’est dans ce cadre qu’il devient possible de réveiller le sens du « bien commun », en saisissant toutes les occasions de redonner vie à nos traditions. Non pas pour singer le passé ou se complaire dans le folklore, mais pour que les germes de vie contenus dans ces traditions puissent à nouveau croître, sans être étouffés par la grisaille « républicaine », la folie « woke », ou les velléités suprématistes manifestées par des cultures exogènes. La jeunesse a un rôle clé à jouer dans ce processus de renouveau, qui doit être guidé naturellement par une « avant-garde ». Tel est l’appel que je lance dans la conclusion de mon ouvrage – tâche ambitieuse à laquelle travaille notamment l’institut Iliade, à travers ses cycles de formation. Il ne s’agit pas pour l’Institut de dispenser un savoir académique, mais de réveiller les mémoires et les énergies, et de proposer un modèle de solidarité communautaire fondée sur la philia, sur la conscience identitaire vécue au quotidien et partagée. Cette avant-garde devra s’engager dans toutes les formes de vies associatives (culturelles et artistiques, intellectuelles et scientifiques, professionnelles et économiques, mais aussi politiques) pour affirmer, moins par le discours que par l’exemple, sa capacité à se réapproprier notre identité et à la faire vivre.
Dans le même temps, l’importance accordée à la dimension communautaire et locale ne doit pas dispenser ce qui le veulent, et le peuvent, d’exercer une influence à d’autres échelons, dans les cercles décisionnels au sein desquels ils auront su pénétrer. Si nos communautés sont des sanctuaires, où sont préservées les sources pérennes de notre identité, cela ne doit pas nous amener à déserter pour autant l’horizon du politique : n’oublions pas qu’il nous faudra un jour, le moment venu, savoir à nouveau manier les instruments de la puissance.
Enfin, cette entreprise de reconquête intérieure ne pourra provoquer un véritable renouveau de notre civilisation que si elle est menée simultanément dans tous les pays d’Europe, qui doivent plus ou moins faire face aujourd’hui aux mêmes défis. La tâche est immense et exaltante. Elle requiert toute notre intelligence, toute notre volonté, et surtout tout notre courage. Il n’est plus temps de reculer, ni même de tergiverser. Comme l’écrit Ernst Jünger dans le Traité du Rebelle : « La grandeur humaine doit être sans cesse reconquise. Elle triomphe lorsqu’elle repousse l’assaut de l’abjection dans le cœur de chaque homme. C’est là que se trouve la vraie substance de l’histoire. »
[ Propos recueillis par YV le 28 avril 2021 ]
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Un essai enlevé et percutant !
4/5 https://www.bvoltaire.fr/
.----. Depuis près de deux générations que nos nations européennes sont ouvertes aux quatre vents de la mondialisation libérale, la question se pose légitimement de ce qu’il peut bien subsister de leur civilisation d’origine. Si le capitalisme a arraisonné nos paysages jusqu’à leur substituer de vastes étendues de parkings qui desservent de monstrueux parallélépipèdes en tôle galvanisée avalant quotidiennement des centaines de consommateurs conditionnés – sans oublier les gigantesques mâts de misère éoliens qui défigurent nos paysages multiséculaires – l’arrivée massive et soudaine d’allochtones extra-européens a profondément modifié le visage des pays hôtes.
Dans un essai enlevé et percutant préfacé par Jean-Yves Le Gallou, l’historien et germaniste Henri Levavasseur, pose le diagnostic d’un « divorce entre l’ethnos et la polis ». A l’instar de beaucoup, il observe qu’« en l’espace de deux générations à peine, le visage de la France a profondément, radicalement changé. (…) Par son ampleur autant que par sa soudaineté, un tel ébranlement correspondant à une modification aussi profonde de la composition de la population, est sans précédent dans l’histoire de notre pays ». Patrick Buisson, dans un monumental essai, dont nous avons récemment parlé dans ces colonnes, a écrit des lignes similaires et définitives.
Levavasseur repart d’Ernest Renan et de sa célèbre conférence sur la nation, prononcée en Sorbonne le 11 mars 1882. En substance, le Trécorrois soutenait la thèse, que poursuivra Jacques Bainville, selon laquelle une nation – et particulièrement la nation française – était la volonté commune de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu indivis et de le transmettre, tout aussi continument, sans en retrancher la moindre once, ce, quels que fussent les intrants ethniques qui en auraient diversement fertilisé le fonds, Levavasseur s’empressant de relever que « la nation évoquée par Renan n’en reste pas moins issue de la fusion d’apports presque exclusivement européens, partageant des mœurs souvent comparables, conservant partout la marque d’une civilisation chrétienne implantée sur le vieux fonds païen immémorial ».
Le propos de l’essayiste consiste à démontrer, que cet irrésistible hiatus entre la « polis » et « l’ethnos », entre « la souveraineté et l’identité », n’est que la mortifère conséquence de la conception individualiste et contractuelle de la société, telle qu’élaborée par les Lumières. Le libéralisme des Modernes définit l’homme, non pas en fonction de ses attaches ethnoculturelles et communautaires, mais comme une monade oscillant entre atomisation et anomie. C’est la fameuse ineptie de John Locke proclamant dans son Deuxième traité du gouvernement civil, qu’un enfant « ne naît sujet d’aucun pays ».
C’est évidemment oublier la dimension essentiellement politique de la nature humaine, tout peuple s’enracinant avant que de se projeter. La communauté politique est tout à la fois et consubstantiellement, solidaire, subsidiaire et souveraine, chaque terme se substantivant des autres dans un rapport d’insécabilité absolu. La souveraineté n’est donc pas au-dessus du peuple ; elle n’est pas non plus objet de représentation par un être abstrait à côté de lui ou en émanant. La souveraineté est dans le peuple qui en est l’incarnation absolue. Elle est même le peuple en ce qu’elle fonde son identité. Ici, il n’est pas exagéré de dire que l’essence d’un peuple précède l’existence de la souveraineté. Celle-ci n’est concrète que pour autant qu’elle est le fruit d’un processus de prise de conscience aigu par le peuple de son « être-là » heideggérien. Dès lors, la souveraineté est foncièrement d’ordre ontologique. Le peuple est donc un être pleinement politique en ce qu’il est LE politique comme dessein et comme destin.
Dans cet essai incisif, Levavasseur fourbit les armes rhétoriques d’un combat civilisationnel aussi âpre et impérieux qu’enthousiasmant pour la part d’inaltérable vérité qu’il contient.
[ Signé : Aristide Leucate le 4 juin 2021 ]