" Dieu merci ".
3/5 La Nef .
.----. L’homme a-t-il besoin du Christ ? .----. Les plus perspicaces l'ont deviné : à la question du titre, la réponse unanime des dix-neuf plumes réunies dans ce recueil collectif est « oui ». Là s'arrête l'accord : l'ouvrage, nous dit J. de Guillebon, est « impressionniste ». Son acte de naissance est le superbe « Dieu merci » de Muray: le Dieu auquel Muray entend dire merci n'est pas « l'un ou l'autre des bouffons démiurgiques plus ou moins excités qui prétendent s'égaler à Lui, et même le surpasser, et convertir tout le monde à coups d'explosions islamiques ou d'armagedonisme pour obèses américains ou véliplanchistes nés deux fois ». Il n'est reconnaissable ni dans l'hémoglobine hollywoodienne de Mel Gibson, ni dans le positivisme arriéré de Priat et Mordilleur, ni dans le catholicisme festif. .----. .********. .----. On ne sait si les visages de Dieu lisibles en filigrane des autres articles auraient tous convaincu Muray. Tous ont au moins en commun de ne pas être dupes de l'empire du Bien et de n'évacuer ni le démon, ni le péché originel. Dans leur travail d'exorcisme, beaucoup disent leur dette à R. Girard (bien relié à F. O'Connor par F. Piffard). C. Debru explore La petite maison dans la prairie, qui lui permet de conclure qu'« il est donc un salut dans la guimauve ». Certains gardent la mémoire du catholicisme de leur enfance : C. Delsol évoque son milieu traditionaliste jugé inculte et l'oppose au christianisme de gauche supposé cultivé ; P. Le Guillou parle joliment de sa foi comme un « certain pli […] garni d'humus » qui fait qu'il n'a jamais cessé de « ressentir un incroyable vertige le Vendredi saint vers trois heures ». « Au cœur de mon expérience chrétienne, ajoute-t-il, il y a l'homme, l'homme qui trébuche, espère et prie, l'homme dans ses douleurs, sa faiblesse et ses abysses, sa lumière aussi et son inépuisable propension à la conversion. » Et F. van Gaver revendique un salutaire « obscurisme », « qui défend l'opaque, l'épais, le profond contre la transparence plate et vénale du marché et du spectacle ». .----. .********. .----. Au cœur de cette lucidité, C. Geffroy invite à ne pas croire notre époque pire que toutes les autres, puisque « le sort tragique du chrétien est d'être toujours sur une ligne de crête entre la tentation de fuir un monde mauvais qui nous détourne de notre vocation spirituelle et la nécessité malgré tout d'y être présent, d'y témoigner ». Sans pouvoir tous les citer, disons que tous les auteurs de ce livre semblent bien se situer sur cette crête. Même si certaines contributions nous ont paru moins intéressantes, il y a dans ces pages largement de quoi dire « Dieu merci » [ Henri Quantin dans " La Nef " numéro 227 - juin 2011 ]