La ville de Pitesti, en Roumanie, a abrité, entre 1949 et 1953, un de ces laboratoires de cauchemar, où des spécialistes expérimentèrent un procédé de destruction intégrale de l'homme.
Le témoignage dont nous présentons la traduction française n'a pas pour seul mérite la tenue littéraire qui en souligne la véracité. A coup sûr, l'auteur construit et conduit son récit de manière intensément dramatique, par son art d'intégrer le dialogue à la narration, de mettre en perspective le vécu personnel avec l'histoire ou de traiter le rapport entre spéculation et sensation. Mais l'opportunité de le faire connaître au public français, après l'original roumain paru à compte d'auteur en Allemagne, et après d'autres publications touchant le même sujet, vient de ce qu'il dénonce par anticipation posthume, pourrait-on dire, une entreprise très actuelle d'étouffement de la mémoire.
Il est nécessaire, il est urgent de combattre l'étrange séduction que le pire des extrémismes exerce présentement sur nos compatriotes.
On a tué des millions d'êtres humains dans les camps ou chez eux. Mais seul le communisme a cherché, et partiellement réussi, à détruire l'humanité de l'homme. A consumer totalement, quoique souvent à petit feu, ce qui constitue l'être humain en tant que tel. A fabriquer, moyennant terreur et désespoir, le robot humain, golem d'un genre inédit.
Grégoire Dumitresco, né à Cepale (Valachie) en 1923, emprisonné par la Securitate de 1948 à 1951, mort à Munich en 1983, fut l'une des victimes choisies pour cette entreprise de robotisation. Son courage et sa foi lui permirent de surmonter l'épreuve.