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.----. « Ruysbroeck est certainement l’un des plus grands mystiques,
mais il ne peut être compris que par des âmes avancées. »
Rd. Père Reginald Garrigou-Lagrange, O.P (1877 – 1964),
in « Les trois âges de la vie intérieure ».
La famille spirituelle augustinienne compte, dans ses branches multiples, de très nombreux mystiques authentiques, parmi lesquels le Bienheureux Jean de Ruysbroeck occupe une place suréminente, au point qu’il a été considéré comme un second Denys l’Aréopagite (expression employée par Denys le Chartreux), voire l’un des plus grands parmi les écrivains mystiques de la tradition chrétienne. Il a atteint lui-même les sommets de la contemplation, en même temps qu’il possédait la science théologique la plus rigoureuse, ainsi que le style le plus limpide pour l’exprimer avec une rigoureuse justesse et une fluidité poétique.
Jean, Jan dans la langue flamande, est né en 1293 dans un village du duché de Brabant situé sur la Senne, entre Bruxelles et Hal, qui portait autrefois le nom de Ruysbroec, selon la graphie ancienne, aujourd’hui orthographié Ruysbroeck.
Ruysbroeck, on l’a compris, n’est donc pas son patronyme. On ne sait d’ailleurs pas grand chose de sa famille : strictement rien au sujet de son père, et pas grand chose de plus de sa mère sinon qu’elle l’éleva dans une grande piété.
Dès l’âge de 11 ans, il quitta le toit maternel pour se mettre à l’école d’un chanoine de la collégiale des Saints Michel et Gudule, à Bruxelles, qui avait, semble-t-il une belle réputation de science et de piété : Maître Jean Hinckaert. Le jeune Jean éprouvait peu de goût pour les arts libéraux, mais il leur préférait la seule théologie. Sous la direction de Maître Hinckaert, il acquit une grande précision de langage et une très haute élévation doctrinale.
A l’âge de 24 ans, il fut ordonné prêtre et nommé chapelain de la collégiale Sainte-Gudule.
Ainsi qu’il le raconta lui-même, au jour de son ordination il put voir sa pieuse mère délivrée du Purgatoire et entrer au Ciel.
A Sainte-Gudule, Ruysbroeck, le chanoine Hinckaert et Franco van Coudenberg, lui aussi chapelain de cette même église, étaient animés d’un commun désir de vie vertueuse.
C’est probablement de cette époque que datent ses premiers écrits, aussi bien que la lutte engagée contre Bloemardinne (ou Heilwige Bloemart), une béguine aux voies prétendument mystiques, mais dévoyées, qui avait une très forte influence et avait pris la tête de la secte « du libre esprit » vers 1307. Dans les traités de Ruysbroeck on retrouve souvent des allusions aux théories pernicieuses répandues alors par les faux mystiques.
Les trois amis trouvaient que la vie à Bruxelles était trop bruyante et, par ailleurs, ils souffraient de la façon dont l’office divin était célébré à Sainte-Gudule. Aussi, à l’instigation de Franco van Coudenberg, résolurent-ils de quitter Bruxelles et de se retirer dans la solitude.
Au milieu de la forêt de Soignes se trouvait un prieuré qui portait le nom de Groenendael (Viridis Vallis : la vallée verte). Un ermite occupait le prieuré mais, à la demande de Franco van Coudenberg, il consentit à aller fixer un peu plus loin sa cellule, au val désert de Boetendael, afin de faire place à Ruysbroeck et à ses compagnons.
C’est ainsi que, en 1343, Jean van Ruysbroeck, Franco van Coudenberg, Jean Hinckaert et le frère lai Jean van Leeuwen, surnommé « le bon cuisinier », formèrent une petite communauté : pendant près de sept années ils ne se soucièrent pas vraiment d’adopter une Règle de vie, se contentant de célébrer la liturgie avec une grande ferveur et beaucoup d’application, et de continuer leur vie d’étude et de contemplation. Toutefois, rejoints par d’autres clercs ou aspirants à la cléricature désireux de se mettre à leur école, ils durent penser à une organisation canonique ; c’est ainsi que, en 1350, ils revêtirent l’habit des Chanoines Réguliers de Saint Augustin, et passèrent donc du clergé séculier au clergé régulier en faisant profession sous la Règle de Saint Augustin.
Cependant Maître Jean Hinckaert, qui était octogénaire et se sentait affaibli, estima qu’il ne lui était pas possible de devenir religieux ; il demeura à Groenendael à titre privé.
Ruysbroeck s’adonnait le plus qu’il était possible à la contemplation et l’influence divine s’empara de lui de plus en plus.
Lorsqu’il se sentait envahi par l’inspiration, il s’enfonçait dans la forêt et se mettait à écrire ce qui lui était donné d’expérimenter et de comprendre. Puis il revenait au monastère et faisait part à ses frères des enseignements merveilleux qu’il avait reçus. La plupart de ses écrits furent composés de cette manière, et, bien qu’il y eût parfois de longs intervalles entre deux passages, la composition n’en demeure pas moins ordonnée et suivie.
Tant que vécut Franco van Coudenberg, Ruysbroeck voulut lui demeurer soumis comme à son prévôt ; lui-même portait le titre de prieur. Mais son humilité ne pouvait empêcher sa renommée de s’étendre : les visites devenaient fréquentes à Groenendael, et le saint prieur avait ainsi l’occasion de faire participer les autres aux richesses spirituelles dont il était comblé.
Déjà de son vivant ses écrits se répandaient et de nombreux religieux, parmi lesquels de grands noms de la mystique rhénane, tels que Tauler ou Gérard Groot, venaient à Groenendael pour profiter des enseignements du prieur.
Jean de Ruysbroeck se prépara à la mort avec une grande sérénité : le 2 décembre 1381, il remit paisiblement son âme à Dieu. Il était âgé de 88 ans et avait soixante-quatre ans de sacerdoce.
Son corps, enseveli à Groenendael, y demeura jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, et, lors de la suppression du monastère, en 1783, fut transféré à la la collégiale Sainte-Gudule de Bruxelles.
Toutefois, d’après mes informations, il a disparu lors de l’occupation du Brabant par les troupes de la révolution française et des pillages et profanations auxquelles elles se livrèrent.
Après sa mort, certains théologiens, dont notre fameux Jean Gerson, chancelier de l’université de Paris, émirent des doutes sur l’orthodoxie de la doctrine exposée par Jean de Ruysbroeck ; Bossuet, qui ne semble pas avoir lu directement Ruysbroeck mais seulement ce qu’en a cité Gerson, reprit les mêmes griefs. A l’inverse, depuis plus de six siècles, des théologiens les plus rigoureux ont défendu la théologie mystique du prieur de Groenendael et en ont démontré la parfaite orthodoxie : il est probable que les termes ou propositions incriminés sont dû à des problèmes de traduction (Ruysbroeck a écrit dans son dialecte flamand du XIVe siècle et non en latin). Ces soupçons d’hétérodoxie tombent désormais quand on sait que c’est le pape Saint Pie X qui béatifia Jean de Ruysbroeck, le 1er décembre 1908, après une procédure de près de 25 ans au cours de laquelle l’examen minutieux et rigoureux de ses écrits n’a retenu aucune ombre d’erreur.
PS : Le blog du mesnil (Frère Maximilien-Marie du Sacré-Cœur. ) :
Ayant conscience que le christianisme est la « religion de l’Incarnation », et que « de la forme donnée à la société, conforme ou non aux lois divines, dépend et découle le bien ou le mal des âmes » (Pie XII), l’Association « Refuge Notre-Dame de Compassion » défend et promeut toutes les valeurs traditionnelles de la culture et de la civilisation chrétiennes. Elle veut travailler pour que les structures de la société, les institutions, les lois et les arts soient en accord avec ces valeurs, dont la charité divine est la fin ultime.