Le 30 janvier 1933, le ministère de Hitler était constitué.
Hitler, avec l'approbation résignée de Hindenburg, était devenu chancelier.
Seulement, aussitôt après, appuyé par les manifestations multipliées et bruyantes de ses troupes en chemise brune , il s'était fait accorder par Hindenburg le droit de prendre "toutes mesures utiles au bien du peuple et de l'État " .
Il avait dissous le Reichstag et décidé pour le 5 mars des élections qui devaient lui fournir une assemblée docile, et qu'il préparait par toutes sortes d'épurations, en annonçant sa volonté d'assurer le relèvement du pays par un effort qui libérerait l'Allemagne des entraves dont elle avait été victime , et qui lui permettrait de retrouver sa grandeur et sa prospérité en brisant les chaînes du traité de Versailles.
Cette date du 30 janvier, avec les contrastes qu'elle nous présente entre la situation qui était, ce jour-là, celle de Berlin et celle de Paris, mérite de garder pour l'histoire un caractère éminemment symbolique.
Si Hitler s'était senti, ce jour-là, assez fort pour sauter le pas, c'est dans une grande mesure qu'il voyait la France en pleine crise, sans gouvernement et sans directives.
Et si la France en était là, c'est avant tout parce que, depuis notre pénible victoire de 1918, les maîtres de l'argent, de la finance et des grandes affaires, parmi lesquels avaient figuré, pendant les hostilités, tant de profiteurs, avaient été dominés par la plus égoïste et la plus coupable des préoccupations. Ils s'étaient refusés méthodiquement à participer comme il aurait été juste aux sacrifices né-cessaires. Ils avaient , pour sauver leurs abusifs avantages, mené, par l'intermédiaire des technocrates à courte vue dont ils faisaient leurs serviteurs, une politique économique aveugle, qui, en ruinant et en affolant notre classe moyenne, avait préparé la voie aux abandons d'où devaient sortir pour le monde les désastres de la seconde guerre mondiale, suivie pour la France par la perte de notre empire colonial.