« Dominique Sabourdin-Perrin est historienne et a enseigné les lettres. Elle aussi l'auteur de Madame Élisabeth de France (2017), Nicolas Barré, un minime du Grand Siècle (2018), Marie-Clotilde de France, la sœur oubliée de Louis XVI (2020) et Élisabeth de Hongrie, princesse de charité (2021). « Ce bel ouvrage, agrémenté d'un cahier photos intérieur fait le tour des différentes personnes ayant entouré Louis XVI et Marie-Antoinette de près ou de loin, lors de leur emprisonnement au Temple. Ainsi, dans une première partie, l'auteur brosse le portrait d'abord de Louis XVII, puis de sa sœur Marie-Thérèse-Charlotte de France, puis de leur tante Madame Élisabeth, puis des fidèles du roi et de sa famille comme la princesse de Lamballe, la duchesse de Tourzel, sa fille Pauline de Tourzel, Monsieur de Chamilly, François Hue et son épouse, Jean-Baptiste Cléry et son épouse, les avocats messieurs de Malesherbes, Tronchet et de Sèze, l'abbé Edgeworth de Firmont, et enfin le corps médical entourant la famille royale, médecins, dentistes, apothicaires en fonction toujours de l'agrément et de l'accord des geôliers et de leurs responsables. « Dans une seconde partie l'auteur va s'attacher justement à eux : la Commune de Paris (Chaumette, Hébert, Pierre-François Réal, Claude-François Payan, Pache), les municipaux (tels Menessier, Lepitre, Cazeaux, Ragoneau), la garde nationale, le service du Temple, les postes, etc. puis les gardiens (Tison, sa femme et sa fille, Antoine Simon et sa femme, Laurent, Gomin, Lasne, madame de Chanterenne)et enfin Dominique Sabourdin-Perrin étudie le personnel et les dépenses du Temple : employés, budget, conditions de vie, économes, service de surveillance, service de bouche, travaux, ouvriers, dépenses de toute sorte, entrepreneurs... Dans l'épilogue, l'auteur se penche sur les destinées de tous les acteurs de ce drame : ceux qui sont morts guillotinés, ceux qui sont morts accidentellement, ceux qui se sont suicidés, ceux qui ont été incarcérés (la famille royale et leurs fidèles, les municipaux et les gardiens, les avocats et les médecins), et ce que sont même devenus les animaux et la Tour elle-même. Il s'agit d'un large panorama qui nous fait plonger au sein même de la vie quotidienne des prisonniers royaux, tout étayé de citations de témoins, de relations ou de rapports de commissaires, du journal, de souvenirs ou des mémoires de l'un ou de l'autre, de pièces d'archives. « Ce livre qui est le fruit d'un travail de plusieurs années et qui s'appuie donc sur des documents d'archives parfois inédits et sur des Mémoires retrouvés, redonne vie d'une manière tout à fait émouvante aux "oubliés du Temple" et au quartier qui les entoure. En effet le lecteur ne pourra qu'être ému à la lecture de certains détails de la vie quotidienne, notamment face aux souffrances infligées aux princes royaux, à leurs parents, à leurs amis et fidèles. Ainsi ce passage cité : "Madame [Royale] était habillée d'une toile grise unie de coton, resserrée sur elle-même comme n'étant pas suffisamment vêtue et garantie du froid. Elle portait un chapeau que je ne puis décrire, mais qui me parut très fatigué, ainsi que ses souliers [...]. Ses mains me parurent enflées par le froid, par conséquent violettes, et les doigts gros d'engeluresaussi Madame tricotait-elle avec peine et d'un air sensiblement gêné. - Madame, pourquoi, par le froid excessif qu'il fait, êtes vous si éloignée du feu? - C'est que je ne vois pas clair auprès de la cheminée. - Mais, Madame, en faisant un grand feu, la chambre au moins serait chauffée, et vous éprouveriez moins de froid sous cette croisée. - On ne me donne pas de bois». Et un peu plus loin : "Êtes-vous contente de votre lit? - Oui. - Et du linge, Madame? - Il y a plusieurs semaines qu'on ne m'en a donné". "C'était le 27 février 1795, lors de la visite de Harmand de la Meuse, représentant du Comité de sûreté générale, à la princesse." (p. 112). « Le lecteur sera par moment horrifié de la conduite du Conseil général de la Commune, comme par exemple ici alors que le municipal Leclerc, médecin par ailleurs, essayait de soigner la princesse, malade : "conseil [...] défend à toutes personnes qui se trouvent au Temple, pour quelque fonction que ce soit, médecins, chirurgiens, pharmaciens, etc., de donner aucun avis ni remède de quelque nature qu'il soit, à aucun individu de la famille ci-devant royale, sous quelque prétexte que ce puisse être." (p. 224). « Dominique Sabourdin-Perrin décrit les arcanes du gouvernement, les organes du pouvoir national, le Comité de sûreté générale et les hommes qui les composent, responsables des prisonniers de la tour du Temple. Elle n'hésite pas à expliquer que le Comité de salut public, composé de douze membres, qui détient le pouvoir exécutif, devrait être renouvelé tous les mois. Or il reste inchangé du 5 septembre 1793 au 27 juillet 1794, des liens unissant les membres, dont plusieurs appartiennent à la franc-maçonnerie, fréquentent les diverses loges, et sont également inscrits dans les mêmes clubs. Elle précise que, à l'exception de Boissy d'Anglas, Cambacérès, Merlin de Thionville, ils ont tous voté la mort du roi. (p. 284). « Les outrages faits aux prisonniers sont nombreux et l'un de ceux-ci est resté tristement inoubliablele commissaire Jacques Roux chargé par le conseil d'assister à la mort du roi, se vante du refus qu'il a opposé à Louis XVI qui lui demandait de prendre son testament au moment du départ pour l'échafaud : "Je suis ici pour vous conduire au supplice, et non pour recevoir vos billets". L'on apprend qu'un an après, le 20 janvier 1794, il se suicide, après avoir été arrêté, car le système révolutionnaire n'épargne personne. Beaucoup de commissaires finissent sur l'échafaud, victimes des événements et des revirements d'un peuple versatile. Il suffit de quelques meneurs pour porter un homme en triomphe ou l'expédier à la guillotine. (p. 316). « La suspicion est grande, comme le témoigne cet exemple parmi tant d'autres : le perruquier Danjou sort du Temple avec un paquet le 18 septembre 1793, comme à l'habitude. Et il est arrêté en raison de ce paquet et mis en prison. « Que contenait ce paquetTout simplement les objets pour effectuer son travail : "du Conseil du Temple, je vous prie de me faire passer mon bassin et mon sac à poudre et mes rasoirs et une boîte à pommade, ainsi que le savon qui est du côté des cuisines ainsi que des ciseaux". « Il s'agit donc d'un magnifique témoignage en l'honneur de la famille martyre de Louis XVI. L'on ne pourra que regretter et noter que l'auteur est du côté de la thèse officielle de la mort du Dauphin au Temple et non de la survivance. Pour terminer cette présentation, voici les mots poignants de Madame Royale à qui madame de Chanterenne apprend la disparition des membres de sa famille, au mois d'août 1795 : "Madame n'a plus de parents. - ... - Plus de frère- ... et ma tante- Plus de tante... - Eh quoiÉlisabeth aussiQu'ont-ils pu lui reprocher». Hermine Chabrol, dans Lectures Françaises n° 786 (octobre 2022)