La France, comme toute œuvre, peut se défaire.
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.----. Christophe Dickès, historien et journaliste, choisit de publier ici un recueil de textes écrits par Jacques Bainville peu de temps avant sa mort, en 1936, et publié à titre posthume un an plus tard dans La Revue Universelle.
Au soir de sa vie, il s’agit pour l’historien d’écrire un texte qui exprime l’essentiel. Intitulé Les Moments décisifs de l’histoire de France, nous y trouvons quelques-unes des idées maîtresses de la pensée bainvillienne (l’importance de la romanité dans l’émergence de la civilisation française, le principe héréditaire qui fit la chance des Capétiens, l’impact de la Révolution sur les guerres en Europe), le tout conduit par une mise en garde essentielle : la France, comme toute œuvre, peut se défaire.
L’histoire bainvillienne cherche à décrire les personnages et à comprendre les raisons de leurs actions pour mieux saisir une époque. C’est pourquoi l’historien ajoute à cela les portraits de deux grandes figures historiques qui le fascinent. Richelieu d’abord, qui pour Bainville est l’archétype de l’homme politique qui s’inscrit dans le temps long. Puis Napoléon, qui contrairement à une idée reçue, ne subit pas le jugement strict et décisif que l’on prête à Bainville à cause de sa célèbre formule : « Sauf pour la gloire, sauf pour l’art, il eût probablement mieux valu que Napoléon n’eût pas existé ». Large dans ses analyses, cette rapide biographie cherche d’abord à éclairer le fil conducteur de l’action de l’Empereur, afin de le remettre justement dans les perspectives de son époque.
La réputation de Jacques Bainville n’est plus à faire. Le succès immense de son Histoire de France montre bien que l’historien royaliste fait partie du club très restreint des incontournables. Pourtant son œuvre n’a pas toujours fait l’unanimité : sa manière d’écrire l’histoire a été très fortement critiquée par ses contemporains du milieu universitaire. En 1924 il rédige donc Comment on écrit l’histoire, une manière de répondre à ses détracteurs et d’expliquer avec toute la profondeur de son style que l’histoire ne peut se réduire à une étude de faits isolés. Placé en dernier chapitre de l’ouvrage, le lecteur découvrira dans ce texte l’humilité d’un grand historien qui finira par définir sa discipline, avec toute l’ironie qui le caractérise, comme « l’art d’oublier ».
La réédition de ces textes peu connus de Jacques Bainville est l’opportunité de se replonger dans les récits d’un historien soucieux d’être pédagogique, et qui nous rappelle que l’histoire « est aussi, invinciblement et quoi qu’on en fasse, de la légende et de la poésie ».
[ Rédigé par Louis Henri le 13 décembre 2021 dans Culture ]