Romain Deblue ?
3/5 Chiré - DPF, recherches .
Recherchant quelques informations sur cet auteur , nous n'avons trouvé qu'un entretien et nous reproduisons deux réponses à des questions posées à l'auteur .
Parlez-nous de votre livre "Les Solitudes profondes"
Il y a, je pense, deux catégories d’écrivains : ceux qui préfèrent écrire leurs livres, et ceux qui préfèrent en parler. Pour ma part, je n’aime ni les écrire, ni en parler, – dans le premier cas, parce que c’est un travail, donc une torture ; dans le second cas, parce qu’il est toujours douloureux d’évoquer ses souvenirs de bagne… Disons donc qu’il s’agissait pour moi, dans Les Solitudes profondes, de réhabiliter très humblement le roman de formation, en m’abreuvant à cette intarissable source d’inspiration qu’est l’œuvre de Bernanos, car je voulais écrire une éducation spirituelle bien plutôt qu’une « éducation sentimentale ». Mon premier roman est donc le récit de l’enfance, puis de l’adolescence, d’une âme singulière, insolite parce que lumineuse dans un monde où l’existence ne se décline plus qu’en indiscernables teintes de gris. La méthode du clair-obscur me parut la plus appropriée au travail de révélation qui est celui, ce me semble, du romancier : mon héroïne, Florine, est comme ces rayons obliques qui, dans certaines toiles du Caravage, donnent aux ténèbres alentours d’apparaître, – et d’apparaître en tant que telles. « Lux in tenebris lucet, dit l’Évangile, et tenebrae eam non conprehenderunt »… Il fallait pourtant bien qu’elle y resplendît une fois, pour qu’ils pussent ne la point recevoir.
Le livre qui vous a le plus marqué dans votre enfance…
Ne lisant plus, depuis fort longtemps, que des livres tout aussi remarquables que marquants, il m’est difficile de mettre le doigt sur celui qui devrait décrocher la palme. De la plus arbitraire des façons, je dirais qu’il pourrait bien s’être agi du Désespéré, de Léon Bloy. C’est aux premières pages de ce texte que j’ai découvert pour la première fois la puissance d’un style, – non plus seulement d’une petite personnelle « façon d’écrire », semblable à mille autres, mais bel est bien d’une métamorphose totale de la langue, cette langue qui devient alors à nulle autre pareille, et qui trahit l’écrivain « dès qu’il apparaît » (E. Hello). Comment voulez-vous lire ensuite Marguerite Duras ? Les histoires de cul décolorées de cette couleuvre éculée n’avaient plus, auprès de tels brasiers baroques, la moindre sapidité… Cet initial émerveillement fut par la suite souventefois renouvelé, mais il m’avait dès cet instant livré ce qui demeure pour moi l’essence même de la littérature ; et je me trouve, depuis lors, parfaitement incapable d’accorder ma considération à un écrivain qui laisserait surnager dans son œuvre des phrases qu’un autre pourrait avoir écrites. Tous les écrivains qui, par la suite, m’enthousiasmèrent ont avec Léon Bloy ceci de commun qu’il n’est pas une ligne de leur œuvre où l’on ne puisse les reconnaître immédiatement : Céline, Rabelais, Virgile, Tzara, Montaigne, Balzac, Claudel, Barbey d’Aurevilly, Chateaubriand, saint Bernard, Bossuet, Scève, Rimbaud…
Précision .
3/5 Babelio .
.----. Babelio précise : Romain Debluë, né en 1992, est écrivain. Outre plusieurs articles dans diverses revues (Europe, L’Atelier du Roman...), il a publié un recueil d’études consacrées à la littérature, la musique et la philosophie (Les Métamorphoses de Protée, Via Romana, 2013) et s’apprête à faire paraître un ouvrage consacré à la pensée de Hegel. Il travaille parallèlement à sa thèse de doctorat en philosophie, entre Fribourg et la Sorbonne.