Retrouver le souffle de la France
5/5 Minute, n°2793, 26-10-2016
Attention ! Ces quinze portraits, de Clovis à Charles De Gaulle et de sainte Jeanne d'Arc à sainte Thérèse de Lisieux, ne sont pas des hagiographies. Ils ne doivent rien à la légende dorée et tout aux progrès considérables de l'histoire scientifique.
Tout ? On sera sensible aussi aux notes psychologiques qu'ajoute comme sans y toucher cet historien et essayiste. Il est bien sûr auteur de nombreux ouvrages dont une passionnante Histoire intellectuelle des droites (Tempus, 2013) mais sa science n'a rien d'abstrait.
Un saint Bernard, fondateur d'ordre et prédicateur de la Deuxième croisade, enfermé jusqu'ici dans un XII siècle plutôt austère, prend un singulier relief sous sa plume. On le voit vivre, on l'entend parler avec ses contradictions d'homme célèbre et de moine qui a renoncé à tout.
Je craignais l'hagiographie en constatant que le chapitre consacré au roi Louis XVI est sous-titré : « le roi martyr ». En réalité, Huguenin montre parfaitement les hésitations et même l'inertie du roi pendant les États Généraux, par exemple.
Le pouvoir lui échappe parce qu'il ne le tient plus. « Louis XVI souhaite en réalité concilier l'inconciliable : la nation et la société d'ordres. Ille veut sincèrement car il ne sait pas trancher et rêve en chrétien d'une conciliation. » Il me semble qu'il y a tout dans cette simple phrase : l'incompétence, le manque de vision et une désarmante volonté de bien faire. Le portrait du monarque est vraiment très réussi avec ses contradictions, sa faiblesse et son courage tout à la fois ; on le dirait vivant.
Les recompositions de personnages vraiment vivantes
C'est tout l'intérêt de la méthode retenue dans ce livre : il s'agit de rappeler à chacun cette histoire de France qu'il a un peu oubliée, mais de la rappeler à travers des êtres dé chair et de sang. Il ne faut pas hésiter à offrir un tel livre aux jeunes qui cherchent à retrouver quelque chose de leurs racines, qui veulent découvrir le passé pour comprendre l'avenir. C'est le cadeau de Noël idéal tant le style est aisé et les recompositions de personnages vraiment vivantes.
Les deux personnages choisis pour illustrer la modernité sont particulièrement significatifs dans leur dissemblance.
Pour le XIXe siècle, on nous présente sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus, carmélite morte à vingt-quatre ans des privations qu'elle s'est infligées par amour pour le Christ. Au XXe siècle, Charles De Gaulle, le dernier chef d'État qui fut catholique pratiquant, vraiment et discrètement revendiqué.
« Conclure cette série de portraits par celui du général De Gaulle semble être une évidence » écrit l'auteur. Il ne cache pas les ombres du personnage, cette manière par exemple de prétendre incarner la France.
Si Louis XIV n'a jamais dit : « L'État, c'est moi », De Gaulle, lui, aurait pu dire, en ces heures sombres : « Je suis la France. »
Churchill, son allié pourtant, avouait : « De Gaulle est égoïste, personnel, follement orgueilleux, déraisonnable, prétentieux. »
« Ce jugement n'est pas totalement faux », n'hésite pas à écrire Huguenin, qui a une fois pour toutes refusé l'hagiographie. « Il y a chez De Gaulle une confusion entre la France et lui qui deviendrait presque délirante » et qui empêche tout accommodement, toute démarche d'unité nationale sous un autre drapeau ou une autre légitimité que la sienne propre.
Huguenin note, à côté de sa volonté inflexible et de son sens du devoir, un narcissisme et une insensibilité paroxystique...
On connaît la suite, le retrait du général, peu préparé aux compromis du régime des partis, et le retour lors de la crise algérienne, avec le double langage qui l'accompagne. La clef de son personnage, De Gaulle la livre sans doute malgré lui lorsque, le 29 mai 1968, il se rend à Baden-Baden. Cet homme qui a fait face au nom de la France se révèle profondément perméable à la peur...
Que reste-t-il de De Gaulle, au milieu de « ses ambivalences » ? Sa légende, artistement sculptée par lui dans ses Mémoires? « Il montre aussi, conclut Huguenin avec justesse, qu'en politique il faut avoir une forme de foi : en l'occurrence un mélange de foi chrétienne, de confiance en soi et de foi dans la France, cette foi que Péguy assimilait à l'espérance. »
D'une certaine façon, De Gaulle, avec tous ses défauts, a permis, en une période particulièrement trouble, que la France puisse retrouver son souffle, le souffle des saints et des héros qui l'ont construite. C'est tout le projet de ce livre de retrouver le souffle de la France dans son histoire.
<p align="right">Joël Prieur <a href= http://www.minute-hebdo.fr/ target=_blank>www.minute-hebdo.fr</a>
Une histoire spirituelle de la France
5/5 Présent, n°8715, 15 octobre 2016
« Mille ans de labeur ont fait de cette terre un réservoir sans fin pour les âges nouveaux », écrivait Charles Péguy il y a plus d'un siècle. De fait, recouverte d'un « blanc manteau de cathédrales », la terre de France est un réservoir de vocations chrétiennes. Si la foi romaine s'incarne dans chacun de nos clochers, elle résonne aussi à travers des personnes bien humaines : la chrétienté s'est faite chair, oserons-nous. Contre qui voudrait résumer une histoire chrétienne de la France, deux périls se dressent : le premier réside dans la négation de nos racines et de la spécificité nationale ; le second péril serait la tentation de l'exhaustivité.
Ecrire une telle histoire est un défi, que François Huguenin, historien des idées, a relevé avec panache. Son audace ? Choisir quinze personnages, laïcs ou religieux, hommes ou femmes, ayant chacun « incarné la France dans sa construction, dans sa grandeur, dans ses épreuves aussi ». Cette France voit le jour, symboliquement, avec le Franc Clovis, baptisé à Reims aux alentours de Noël 499. Clovis était-il un saint ? Rien n'est moins sûr, le roi n'ayant pas hésité à faire assassiner des rivaux. Pourtant, sa conversion n'est pas que stratégique : il fut saisi par la piété populaire autour du tombeau de saint Martin. Quoi qu'il en soit, le fils de Childéric inaugura la longue lignée de nos rois chrétiens. Des rois, il y en a beaucoup dans cette galerie de portraits. Charlemagne et, bien sûr, Saint Louis, seul de nos rois qui fut canonisé. On connaît l'horreur que le Capétien avait du péché, et sa ferveur religieuse n'est pas qu'une image d'Epinal.
Plus étonnante, la figure de Philippe le Bel, noircie par une légende faisant de lui l'ignoble bourreau des Templiers. Pourtant, s'il fut l'adversaire de l'impérialisme pontifical, Philippe le Bel fut un véritable roi chrétien et, surtout, renforça la conception française du monarque de droit divin, sans intermédiaire entre le roi et Dieu. Louis XIV - dont la seconde vie fut chrétienne et exemplaire - figure en bonne place.
Pourtant, l'ouvrage d'Huguenin ne se réduit pas aux seules figures royales. On y rouve l'incontournable abbé Suger de Saint-Denis, ainsi que saint Bernard de Clairvaux, tonitruant cistercien, prêt à tout pour rapprocher les âmes de Dieu. Suivent l'inévitable sainte Jeanne d'Arc, le mystérieux cardinal de Richelieu, mais aussi le brillant Pascal, saint Vincent de Paul.
Arrêtons-nous un instant sur la figure si douce et unique de sainte Thérèse de Lisieux. Carmélite recluse, elle incarne pourtant l'audace française et l'amour du Christ qui structurent notre civilisation. Surtout, celle qui fut considérée comme la « marraine spirituelle » de nos poilus est une sainte à invoquer en cette fin de l'année de la Miséricorde, tant elle nous apprend l'abandon : « C'est Jésus qui fait tout et moi je ne fais rien. »
<p align="right">Tugdual Fréhel<a href= http://www.present.fr/ target=_blank>www.present.fr</a>
La nation et le christianisme ?
3/5 https://lanef.net/
.----. Oui, bon, est-on tenté de dire au seuil du dernier ouvrage de François Huguenin : ces grandes figures catholiques françaises, on les connaît par cœur, de Clovis à de Gaulle. Et pourtant, le talent didactique et l’art narratif de l’auteur, autant que son désir de faire aimer son pays, fonctionnent à la perfection. Et très vite, le charme opère : Saint Vincent de Paul ou Suger, sainte Jeanne d’Arc ou Pascal, saint Louis ou Henri IV, Philippe le Bel ou Richelieu, Louis XIV ou Thérèse de Lisieux… les personnages convoqués ici, choisis à l’évidence plus pour ce qu’ils ont contribué à bâtir la France que pour leurs vertus chrétiennes seules, se révèlent comme une constellation bienfaisante, pléiade veillant sur la destinée de la France.
Ainsi, le dessein d’Huguenin est clair : ce n’est pas tant d’hagiographie qu’il s’agit, ni d’histoire au sens strict, mais d’illustration des liens noués à travers les siècles entre la nation et le christianisme, entre le trône et l’autel, disait-on avant. Cette galerie, qui n’évacue pas les périodes sombres, entend montrer comment la France ne s’est jamais élevée à sa plus grande hauteur qu’en s’appuyant sur l’Église catholique, et qu’aujourd’hui encore dans sa laïcité, vieille dame branlante, elle ne tient toujours debout qu’accrochée au bras de l’éternelle jeune fille qu’est l’épouse du Christ.
[ Signé : Jacques de Guillebon le 1 novembre 2016 . ]
J. de G. : Écrivain, essayiste, chroniqueur de La Nef, rédacteur en chef de L'Incorrect, il est l’auteur notamment de Anarchrist. Une histoire de l’anarchisme chrétien (avec Falk van Gaver, Desclée de Brouwer, 2015), L’impasse. Du mariage laïc au mariage gay (Editions de l’Œuvre, 2012), Le nouvel ordre amoureux (avec Falk van Gaver, Editions de l’Œuvre, 2008), Nous sommes les enfants de personnes (Presses de la Renaissance, 2005, rééd. Xenia, 2010). ]
PS : Qu’est-ce que La Nef ? : La Nef a été créée en décembre 1990, c’est un magazine mensuel, catholique et indépendant. Ce faisant, La Nef s’inscrit clairement et sans complexe dans une ligne de totale fidélité à l’Église et au pape qui la gouverne.
Plusieurs cas problématiques
1/5 Reinformation.tv
.----. Les grandes figures catholiques de la France séduit spontanément le lecteur catholique par son titre. En effet, le Catholicisme, et c’est obstinément nié depuis 1789, est l’un des éléments absolument fondamentaux de l’identité française. Aussi leur foi catholique a-t-elle inspiré bien des Français exemplaire. Même des figures consensuelles de notre histoire, comme saint Vincent de Paul, ne se comprennent pleinement que dans le cadre catholique : la charité qu’il a pratiquée de façon héroïque va bien au-delà de la philanthropie laïcisée. Même des personnalités a priori purement politiques, de Clovis à Louis XVI, de Suger à Richelieu, ne se comprennent pleinement qu’en prenant en compte leur foi catholique. Le titre sous-entend quand même une exigence, un caractère catholique exemplaire, tout au long de la vie : ainsi une personnalité comme Charles VII, à l’excellent bilan politique final, avec les Anglais chassés de France, ne saurait figurer dans cette liste de grandes figures catholiques du fait du défaut de soutien à sainte Jeanne d’Arc durant ses derniers mois de guerre et sa captivité, et de sa vie intime fort peu exemplaire.
Dès le titre une dimension militante est annoncée, qui sera assumée et revendiquée par l’auteur, dans le livre lui-même et de nombreux entretiens. Les catholiques ont beaucoup apporté à la France, et ce du fait même de leur foi. Certains membres des médias officiels ont cru bon de reprendre les réflexes anticléricaux imposés dans les années 1880 par la Troisième République, en condamnant une initiative qui serait « scientifiquement » – on se demande bien sur quels critères ?- fausse et qui « diviserait les Français »…Rappelons que les mêmes, dans le même temps, se donnent beaucoup de mal pour inventer de grandes figures musulmanes dans la France médiévale, qui n’en a compté pourtant aucune, faute de musulmans…
Par contraste, les publications catholiques conservatrices ont généralement réservé un accueil enthousiaste au livre de François Huguenin. Cet auteur est un historien professionnel, spécialiste d’histoire politique et d’histoire religieuse. Nous ne doutons de ses bonnes intentions, et du caractère de manifeste catholique de son ouvrage, dimension qui a toute notre sympathie. Nous comprenons parfaitement qu’il a fallu faire des choix, qu’il ne s’agit pas d’un dictionnaire à 150 entrées, mais de proposer 15 portraits. Une seule a déjà fait l’objet de réserves publiques : ainsi, Alain Sanders, dans le quotidien Présent, a relevé le cas de De Gaulle, qu’il est quand même faux de qualifier de catholique exemplaire, guidé par sa foi ; mais s’il est le plus grand cas problématique dans la liste, il n’est selon nous pas le seul.
Aussi nous proposerons d’indiquer quelques hommages mérités, puis les cas problématiques.
Quelques hommages mérités
Parmi ces grandes figures catholiques figurent à juste titre, Clovis, Charlemagne, Suger, saint Bernard de Clairvaux, saint Louis, sainte Jeanne d’Arc, Richelieu, saint Vincent de Paul, Pascal, Louis XVI, Thérèse de Lisieux.
Cette liste est bien répartie dans le temps, du Vème siècle et la naissance de la France, par le baptême de Clovis en 496, au XIXème siècle avec sainte Thérèse de Lisieux. Les saints reconnus par l’Eglise, ce qui ne devrait pas surprendre, sont particulièrement nombreux : Charlemagne – jamais canonisé dans les formes, mais il existe une dévotion d’usage depuis le XIIème siècle au moins -, saint Bernard de Clairvaux, saint Louis, sainte Jeanne d’Arc, saint Vincent de Paul, sainte Thérèse de Lisieux. Les saints sont à admirer, à imiter encore pour les catholiques. Il n’y a aucun doute à avoir là-dessus, et leur place est des plus légitimes. Ils sont assurément des saints majeurs de la France.
Quant à ceux qui n’ont pas été canonisés, la chose s’explique, car il s’agit des plus politiques de ces saints, ceux qui sont intervenus dans le domaine temporel, comme rois ou grands ministres : Clovis, Suger – grand ministre de Louis VI puis Louis VII -, Richelieu. Ils ont ordonné, dans le cadre de leurs fonctions, de faire couler le sang, d’exécuter des ennemis de l’Etat. Ils ont certainement obéi à des motifs politiques réels – même si quelques doutes peuvent subsister pour quelques cas rares chez Clovis et Richelieu -, mais l’Eglise a toujours répugné à élever aux autels des hommes qui ont fait couler le sang.
En outre, Richelieu, s’il a été assurément d’une piété exemplaire, n’a pas laissé pour autant une réputation de sainteté. Le sérieux de la pratique, condition sine qua non du salut, ne suffit donc pas pour être un saint, du moins autant que l’on peut mesurer la chose avec nos connaissances imparfaites sur terre. Richelieu n’a jamais eu la réputation de faire des miracles, même post mortem. Sa politique extérieure d’entente avec les puissances protestantes en Europe, sans être indéfendable, a aussi nui à sa réputation. Mais son caractère profondément catholique est hors de doute, et il a donc bien sa place dans cette liste.
Se distingue le cas différent de Pascal : ce chrétien profond, auteur des Pensées, s’est égaré à la fin de sa vie dans de virulentes polémiques en faveur de l’Ecole janséniste, école spirituelle à l’orthodoxie catholique parfois douteuse. Nous ne referons pas ici la querelle du jansénisme au XVIIème siècle.
Enfin Louis XVI n’a pas été canonisé pour des motifs fondamentalement politiques. Il est mort martyr, en haine de la foi, le 21 janvier 1793. Parmi les motifs de sa mise à mort figurent, outre des prétextes purement politiques, sa défense des prêtres réfractaires et des religieux persécutés par la Révolution. Il y aurait peut-être beaucoup à dire sur sa conduite de la France de 1774 à 1789, puis sa conduite personnelle en 1789-1792 : les bonnes intentions, vagues, confuses, ne font certainement pas une bonne politique. Et les catholiques en France ont souffert, bien malgré lui, des erreurs politiques de ce roi. Mais il est mort indiscutablement en martyr et en haine de la foi ; il a fait preuve durant ses derniers mois d’une piété vraiment profonde et exemplaire. Sa canonisation a été bloquée à partir de 1830 par des régimes politiques se réclamant tous, au moins partiellement, de la Révolution.
Les grandes figures catholiques de la France contient plusieurs cas problématiques
Parmi ces grandes figures catholiques exemplaires figurent aussi selon nous aussi quelques cas problématiques : Philippe le Bel, Henri IV, Louis XIV, De Gaulle. Philippe le Bel a fait preuve d’une piété personnelle sincère, profonde, mais il a commis un geste grave contre un pape, le pape Boniface VIII : s’il a certainement pas ordonné le fameux soufflet d’Anagni, il l’a déclaré, de sa propre autorité hérétique, schismatique, sodomite, assassin, etc., donc de ce fait déposé, sentence à ratifier par un concile convoqué par lui-même en Italie, chargé aussi d’élire un successeur à Boniface VIII. Dans ce regrettable conflit entre le roi de France et le pape, le premier n’avait pas tout les torts, mais il n’en était pas exempt non plus, et cet épisode a montré une grande légèreté quant au droit ecclésiastique…Donc Philippe le Bel s’avère selon nous le premier de ces personnages problématiques.
Henri IV pose problème à deux titres : sa foi et ses mœurs. Il a changé de nombreuses fois de foi, alternant catholicisme et protestantisme – entre 5 et 7 fois depuis l’enfance. Il est certes devenu un catholique pratiquant régulièrement, en apparence ferme à partir de 1593. Mais il avait été durant 20 ans le chef du parti huguenot ! Quant aux mœurs, Henri IV a fait preuve, de l’adolescence à sa mort, de grands désordres publics. Il a eu des dizaines de bâtards au cours de sa vie. Certes, il a fait preuve de grandes qualités de gouvernement durant son règne (1593-1610), mais ceci ne suffit pas à en faire un catholique exemplaire.
Quant à Louis XIV, catholique exemplaire de 1685 à 1715, soit tout de même 30 ans – tout le monde ne peut pas hélas en dire autant -, il avait fait preuve, et de façon quasi-publique, d’une trop grande légèreté avec de nombreuses dames durant sa jeunesse, et ce jusqu’à la quarantaine. Il a été parfois, notamment avec Mme de Montespan, en situation régulière d’adultère double…C’est pour le moins scandaleux, et si le roi a fait par la suite de grandes pénitences, sincères, le poser en modèle est tout de même problématique.
Enfin vient le cas le plus scandaleux, De Gaulle. François Huguenin insiste sur son assistance régulière à la Messe. Mais était-ce foi profonde ou conformisme social de son milieu ? L’auteur évoque aussi son merveilleux amour paternel pour sa fille trisomique : c’est en effet très bien, mérite d’être cité en exemple à notre époque de dépistage de la trisomie conduisant systématiquement ou presque à l’avortement. Mais cet élément ne suffit pas à en faire un catholique exemplaire en général. Dans cette construction, ô combien artificielle, fragile, et fausse d’un De Gaulle saint de vitrail, figurent des oublis majeurs : une fréquentation régulière, au moins jusqu’aux années 1920-1930, de maisons closes – le vice général du milieu militaire n’excuse rien -, et l’existence de maîtresses, secret de polichinelle curieusement encore préservé pour cette idole de la République.
Surtout, les plus grosses difficultés viennent de l’action politique de De Gaulle : sous son autorité, en 1944-45, il a fait beaucoup couler le sang ; au-delà de l’épuration judiciaire, impitoyable, il a toléré de fait à l’été et l’automne une épuration sauvage, souvent menée par les milices populaires du parti communiste. Il aurait été certes difficile dans l’ambiance de la Libération de plaider la clémence, ou, dans sa fonction de chef de l’Etat provisoire, de commuer massivement les peines de mort…Mais une grande figure catholique aurait fait face avec énergie à l’adversité sur ces sujets, quitte à échouer. Or, De Gaulle n’a rien fait. Puis, vient la solution apportée par De Gaulle à la question algérienne : il a renié plusieurs fois la parole donnée. Un politique digne, catholique ou non, s’apercevant d’une erreur manifeste dans les promesses formulées, aurait démissionné ; il n’en a rien fait, a trompé délibérément les Français d’Algérie et les Harkis. Les admirateurs de De Gaulle en font un Machiavel génial ; nous ne partageons nullement cette opinion, et le compliment excessif dénonce au passage justement un esprit tout sauf catholique. Et ces manœuvres gaullistes ont abouti au massacre de milliers de Français d’Algérie et de dizaines de milliers de Harkis, abandonnés donc au massacre collectif, parfaitement prévisible, exécuté par le FLN en 1962. Non, un tel homme, complice du massacre de masse de compatriotes ou d’auxiliaires loyaux de la France, ne mérite certainement pas de figurer parmi les grandes figures catholiques !
on hésite à recommander l’ouvrage de François HUGUENIN
François Huguenin a eu une excellente idée avec sa décision d’écrire ses grandes figures catholiques de la France. Il est toutefois très dommage que l’on hésite franchement à recommander la lecture de ce livre, non du fait d’un cas douteux et d’un seul, ou d’un esprit parfois un peu libéral dans certaines pages, mais à cause de ces 4 cas problématiques parmi ces 15 catholiques. C’est certes trop. Au lieu de Philippe le Bel, Henri IV, Louis XIV, De Gaulle, nous proposerions, en nous en tenant à un total raisonnable d’une douzaine de personnages, volontiers, sainte Blandine et sainte Bathilde, ce qui augmenterait la présence féminine. [ Octave THIBAULT sur reinformation-tv le 15 avril 2017 ]