Deux Lourdes. Celui où flâne un Huysmans "débraillé", où "la vie coule", bourgade douce au déambulateur, petite géographie intime propice à la lente dérade méditative ; et celui où tente de surnager un Huysmans happé par la crue, se réfugiant dans la crypte comme dans une soute coupée de la tempête, au bureau des constatations comme dans une "cabine de bateau", où tente de se repérer un Huysmans identifiant les pèlerins par les insignes, leur parler, leur physique, leur langage.
Leur manière de vivre la foi. Huysmans semble un promeneur surpris par la marée, le flux montant, non plus à la vitesse d'un cheval au galop, mais d'un train lancé à toute vapeur. Mais le raz est trop fort, il dérive alors, otage du lieu, comme un naufragé faisant des signes sur un radeau et soumis à l'accueil momentané de bateaux de passage. Ne pouvant contrer une réalité qui le submerge, il en fait un rêve, un cauchemar tumultueux et palpable.
Un Grünewald, un Bosch... Un Huysmans. Huysmans est déchiré entre deux instances du regard : le flamboyant spectacle de la souffrance, le corps comme une palette saccagée, ou la terrifiante vision de la créature rompue, implorante, charpie d'être suspendue par le mince fil de sa prière au-dessus de ravins de douleurs. Le fil casse : c'est la chute vers le néant de la mort, l'aggravation des maux ; le fil tient : le corps est remonté vers le sol ferme de la normalité.
Huysmans ne sait ce qu'il voit ; un être ou une chose, une vision de peintre ou un frère tourmenté.