La vocation des chrétiens d'Orient, apporter la paix ?
5/5 L'homme nouveau .
.----. Annie Laurent en sort une version mise à jour. Une actualisation rendue nécessaire par la vitesse à laquelle le Moyen-Orient évolue, dans cette période de crise. Spécialiste de l’Islam et du Moyen-Orient, Annie Laurent a beaucoup travaillé sur les relations entre les religions dans les différents pays du Moyen-Orient. Dans son livre sous-titré : Une vocation pour toujours, elle nous délivre une analyse approfondie, historique, politique et religieuse, de ce territoire, berceau des religions monothéistes.
Afin de nous aider à y voir plus clair, l’auteur a divisé son livre en quatre parties, encadrées par une préface de Mgr Jean-Benjamin Sleiman, archevêque de Bagdad des Latins, et une postface de Mgr Philippe Brizard, directeur général émérite de l’Œuvre d’Orient. La structure dévoile le but recherché par Annie Laurent, renforcer les liens existants entre les chrétiens d’Orient et les chrétiens d’Occident, les « deux poumons » pour reprendre une expression de saint Jean-Paul II.
Les différentes difficultés auxquels sont confrontés ces chrétiens d’Orient, sont mises en lumière dans cet opus. Les divisions internes tout d’abord, Annie Laurent consacre sa première partie à un retour historique, afin de comprendre ce qui différencie ces « églises chrétiennes ». Des scissions pour des problèmes religieux, pour des problèmes de compréhension (suite au concile de Chalcédoine en 451), mais aussi par calcul politique (les nestoriens voulant se faire bien voir par les Perses sassanides qui les persécutaient), certaines divisions lointaines n’ont plus lieu d’être mais subsistent à cause des organisations des différentes églises, difficiles à concilier.
L’auteur constate tout de même une volonté chez beaucoup de chrétiens d’Orient de faire fi de leurs désaccords, pour faire front commun. En Syrie, en 2001, lors du déplacement jubilaire du pape Jean-Paul II, les 11 églises présentes sur le territoire, ont préparé ensemble le programme du Pape.
Ce front commun est urgent face au développement de l’Islam. Annie Laurent, qui a écrit plusieurs livres sur le sujet, explique les relations entre chrétiens et musulmans, pays par pays. En effet, être chrétien en Égypte dans un des pays où les chrétiens souffrent le plus, malgré des améliorations avec le général Sissi, est très différent d’être chrétien au Liban où tous les habitants sont égaux quelle que soit leur religion.
Si nous entendons souvent parler des relations difficiles avec l’Islam, nous entendons moins parler des difficultés avec le judaïsme, et plus précisément, avec Israël. En effet, en Terre Sainte, les chrétiens ne sont pas différenciés des musulmans et sont soumis aux mêmes brimades, impôts exceptionnels…
Ce front commun mentionné en amont, est un objectif qu’Annie Laurent appelle « le défi de l’unité ». L’unité n’étant pas l’uniformité ou l’indifférenciation, elle doit se faire en respectant certains particularismes forgés dans le temps. Cette unité c’est l’application du véritable œcuménisme qui vise « l’unité visible […] avec tous les chrétiens des autres Églises et Communautés ecclésiales ». (Directoire pour l’application des principes et des normes sur l’œcuménisme.)
Enfin Annie Laurent s’interroge sur l’avenir des chrétiens en Orient. Leur survie passe par plusieurs points importants : ne plus les considérer comme une minorité, ce qui est rabaissant et décourageant, demander la liberté religieuse au lieu de la tolérance religieuse, tenir un langage de vérité sur l’Islam et les agissements des musulmans, ne pas créer d’État chrétien, ce qui serait trahir le message du Christ : « Mon royaume n’est pas de ce monde ». Pour Annie Laurent il faut que les chrétiens d’Orient se réapproprient leur vocation, profondément liée au territoire qu’ils occupent. Cette vocation « ne consiste-t-elle pas à apporter la paix à cette région meurtrie par le fanatisme ? », nous dit l’auteur. [ Rédigé par Odon de Cacqueray le 12 avril 2018 pour " L'homme nouveau " ]