Description d´une mission difficile qui devrait susciter de sublimes vocations. Réimpression fac-similé de l´édition de 1889.C’est non sans une certaine émotion que nous avons lu le poignant témoignage de ce prêtre catholique, également excellent auteur contre-révolutionnaire, narrant ses aventureuses péripéties et surtout son difficile apostolat au fin fond de la Chine païenne, véritable et gigantesque sanctuaire satanique où le culte des esprits et des idoles y est particulièrement développé (nous rappellerons d’ailleurs que la Chine est réputée comme étant le pays par excellence des sociétés secrètes initiatiques et autres cultes à mystères, fruits d’une très longue tradition ésotérique). Il s’agit d’un recueil de lettres qui étaient pour la plupart destinées à son doyen demeuré en France, ainsi qu’à sa famille, lettres dans lesquelles y sont relatés dans un style très vivant les principaux événements de sa vie de missionnaire dans le Kouy-Tchéou, région aussi pauvre que sauvage et particulièrement hostile. Le saisissant contraste entre la foi chrétienne et les croyances païennes cultivées béatement par des Chinois primitifs et vicieux est mise en avant avec beaucoup de justesse et de simplicité. On y apprend par exemple que très peu de Chinois croient en Bouddha, dont la figure ventripotente, grotesque et hideuse est pourtant omniprésente dans le pays, mais que c’est au diable auquel on attache une grande importance au quotidien :« Tout est païen, non seulement les âmes, mais le sang, l’atmosphère, le sol ; le démon, depuis si longtemps propriétaire tranquille, s’est attaché à tout, même à la nature physique ; il semble avoir donné aux hommes un double pêché originel, et aux choses une force de résistance à la grâce (…) Mais, à côté de la nature qui aurait tendance à se retourner vers Dieu, à reconnaître le christianisme comme l’éternelle vérité « éclairant tout homme venant en ce monde », l’âme des païens contient ce venin d’idolâtrie que le démon y a injecté, pas à la superficie mais au fond, et qui souille tout. » (p. 136-137)Nous avons apprécié la cinglante réfutation par le père Aubry de ce mythe tellement répandu par les penseurs rationalistes (qui ne sont pas à une aberration prêt) consistant à vanter les grands mérites d’une soi-disant supériorité intellectuelle des « peuples asiatiques raffinés » dans le seul but, une fois encore, de déprécier l’intelligence et l’esprit catholiques, alors que même chez les élites et les penseurs chinois tout y est grossier, ridicule et profondément amoral. Les choses ont-elles changé en un siècle ? Nous n’en croyons rien, qui plus est lorsque nous observons le géant asiatique (crée de toutes pièces par les anglo-américains et les Soviétiques) prendre sa place imposante sur l’échiquier géopolitique actuel. Mais les plus beaux passages de cet ouvrage sont sans conteste ceux décrivant le profond changement opéré sur un Chinois passant du paganisme abrutissant au christianisme. Ils constituent à nos yeux une source d’inspiration que l’on pourrait qualifier d’admirable. Épuisé notamment par les persécutions et par les mauvais traitements, le Père Aubry aura rendu l’âme à trente-huit ans. Ce serait lui rendre un digne hommage que de lire son très beau témoignage où notre Sainte Religion y est défendue avec ferveur, qui plus est dans un pays qui prend de plus en plus d’importance à l’heure actuelle…I. C., dans Lectures Françaises n° 799 (novembre 2023)