Domination politique et territoriale .
4/5 Réseau Regain .
.----. Cet ordre religieux et militaire qui
naît à la fin du XIIe siècle en Terre sainte
est "allemand" comme on l’entend à
l’époque. Tout commence avec la
création d’un "petit hôpital de campagne"
pour soigner les croisés allemands,
qui se transforme en ordre militaire,
structure que l’historien définit
ainsi : "Il regroupe en majorité des
laïcs astreints à la double obligation de
combattre les ennemis de Dieu et
d’accomplir les œuvres de miséricorde
au service des pauvres, des malades
et des pèlerins." Le caractère allemand
ne tient pas tant à un sentiment national
qu’à des questions de pratique de
la langue et à des affaires politiques.
"L’hospitaus des Alemanz", selon une
source anonyme du XIIIe siècle, se développe
sous la double houlette de
l’empereur et du pape, grâce à l’habilité
politique et diplomatique d’un grand
maître efficace, Hermann de Salza.
L’Ordre se forge un espace politique en
Terre sainte avant de s’étendre . Mais ce
qui marque le destin des Teutoniques,
c’est la conquête de la Prusse à partir
des années 1230. Il faudra des dizaines
d’années pour l’achever dans un esprit
de croisade contre les populations
païennes, les Prutènes, qui se défendent
vigoureusement. Avec la conquête de
la Prusse se met en place un véritable
État de l’Ordre (Ordensstaat) qui survit
jusque dans la seconde moitié du XVe
siècle. La puissance de l’État teutonique
et ses traces mémorielles n’ont cessé de
marquer l’histoire allemande, ses rapports
avec les voisins de l’Est, tout comme
les discours nationaux polonais.C’est un des intérêts du livre que de faire
l’histoire de l’Ordre en la situant dans
une perspective longue, attentive aux
enjeux d’écriture de l’histoire et aux
usages politiques du passé. .. ********. ..
Cette domination politique et territoriale
d’un vaste espace fait la spécificité
des Teutoniques par rapport aux
autres ordres militaires, les Templiers en
particulier. L’auteur étudie dans le détail, avec clarté et sens de la nuance, cet
État que l’on peine à caractériser exactement:
État moderne? État ecclésiastique?
État monastique? Mais celui-ci
se heurte à l’affirmation des populations
qu’il gouverne, les oppositions se structurent,
telle cette "Société du Lézard"
constituée par des nobles ligués dès
1397. "L’Ordre par son recrutement demeurait
étranger à une nation qu’il avait
contribué à former, mais dont il avait
écarté les élites du pouvoir. En Prusse,
l’État n’a pas su s’identifier à la nation;
la nation a détruit l’État." Au-delà de la
Prusse, l’historien présente les autres implantations
de l’Ordre, y compris en
France, dans une somme dense, rigoureuse
et très accessible sur ces
"chevaliers du Christ" qui, selon Philippe
de Mézières, "par grands labeurs
et merveilleuses batailles, multipliant
leurs besants, conquirent cette région
de Prusse à la foi de mon Père". [ Notes de lectures de Georges Leroy du mois de mars 2008 ]