L´En Deçà et l´Au-Delà

Jean-Marie Delivré écrit d'une façon dérangeante : il nous convainc que la plupart du temps nos décisions sont plus empreintes de sentiment que de raison, ce qui les condamne à de perpétuelles révisions : tel est le règne de l'émotion. Lorsqu'il discute sur la peine de mort, ce n'est point parce qu'il aimerait trucider toute la gens criminelle : seulement pour examiner si la foi ne fait pas de confusion entre le fait qui est à juger et l'être qui demeure dans sa dignité, tout au-delà de son acte qui mérite cependant la peine prévue, quoique le principe de constante remise en cause de cette peine en dévalue la portée en l'injustifiant. De même soulève-t-il la grave question de savoir si une langue telle la française peut être la servante des modes ou si ce sont les modes qui devraient se plier à elle : non pour que celle-ci se sclérose dans une fixité archaïque mais au contraire pour que son évolution demeure soumise à son génie et non aux fantaisies de ceux qui n'entendent rien à ce qu'elle est ni à celles de la linguistique, de la politique et du commerce mondialisé. J'ai retrouvé dans ces textes de L'En Deçà et l'Au-Delà un thème qui emporta mon adhesion quand je me décidai à publier aux Cahiers Bleus son L'Amour et les distances. "L'art politique, comme tout art, requiert notre enthousiasme pour notre oeuvre et notre distance à son égard", ecrit-il ici : et c'est bien ce qui transparaît dans chacune des études qui font de ce livre un excellent exercice intellectuel : il a de plus l'intérêt, outre celui de stimuler l'intelligence, d'ouvrir l'esprit à ce qui le dépasse et le conduit à la transcendance.
Dominique Daguet