Adresse au lecteur
5/5 Marc
Habituellement Dieu parle aux hommes dans l’obscurité de la foi. L’humble croyant entre filialement dans cette économie de l’obscur et il comprend que s’en affranchir entraîne de grands maux.
Mais, le Seigneur est libre de choisir les moyens par lesquels il entre en relation avec les hommes.
Il sort parfois du régime ordinaire et il communique de façon sensible avec ceux qu’il a choisi à cet effet.
Sans ce procédé nous n’aurions pas de Révélation. La Bible est remplie de prophéties, d’apparitions, de théophanies et de prodiges. Même après la manifestation plénière du Père à travers le Verbe Incarné, le régime des manifestations extraordinaires subsiste, comme nous le voyons tout au cours de l’Histoire de l’Église depuis les Actes des Apôtres. L’intensité et la quantité de ces interventions particulières varient au cours des temps selon des lois qui nous dépassent. Nous sortons d’une époque où les pasteurs, pleins d’admiration pour la puissance et la cohésion de la structure ecclésiale, souhaitaient que ces phénomènes atteignent le niveau zéro.
Tel ne semble pas l’avis du ciel. En raison de l’urgence des temps, révélations et prodiges augmentent de manière asymptotique. Il n’est plus possible de le nier.
Certes, le bon grain et l’ivraie sont mêlés. Mais ce n’est pas une raison pour tout éradiquer. La question du tri, du discernement devient une urgence pour l’Église. La Police du merveilleux doit-elle fonctionner selon la praxis d’hier, largement héritée de la Sainte Inquisition romaine ? Un réajustement, dans la continuité, est-il nécessaire ? Tel est l’objet de ce livre.
Il y a près de cinquante ans, dans la région de Plaisance, la Vierge Marie aurait été envoyée par le Père pour engager ses enfants à la conversion. Avec des arguments simples, j’essaie de donner mon point de vue.
Mais cette étude ne se limite pas à un cas particulier. L’analyse des faits de San Damiano constitue la base de données qui permet de réfléchir sur le Merveilleux en général.
Les laïcs, plus que les clercs, montrent de l’intérêt pour ce genre de sujet.
Les chrétiens que l’Église encourage à être des adultes en participant à l’action et à la réflexion missionnaire réclament à cet effet une formation. Ce petit essai voudrait y contribuer.
Pour commencer j’aimerais que nous regardions oeuvrer Thomas d’Aquin. Il se tait. Il va du Tabernacle à son écritoire et de sa table de travail au Saint Sacrement. Thomas est un théologien à genoux. C’est pourquoi, par deux fois, le Christ lui dit : « Tu as bien écrit de moi, ô Thomas. »
Comme j’aurais voulu rédiger ces lignes dans ces conditions !
Comme je voudrais que mes lecteurs, quittant les manières mondaines et charnelles de juger, s’approchent des perles semées par le ciel dans un esprit d’adoration !
Si les pains de vérité sont multipliés à souhait, ce n’est pas pour en gâcher les miettes.
Aujourd’hui une fraction notoire des chrétiens ardents alimente sa flamme dans les lieux de pèlerinage qui sont presque tous des lieux d’apparition. Qu’on n’enlève pas ce pain de la bouche des enfants !
Nous avancerons dans la question réputée impossible du discernement des faits surnaturels avec la conviction que nous arriverons à y voir clair. Il suffit pour cela, d’appliquer les règles du bon sens naturel et surnaturel.
Les petits, les pauvres, les humbles, les enfants trouvent la vérité sans embarras.
Les obscurités proviennent, pour une bonne part, des complications de nos esprits détériorés par le péché.
Revenons à la simplicité de l’Évangile ! Allons droit au but ! Aimons la vérité comme la petite Thérèse :
- « Je ne peux me nourrir que de la vérité »
- « Il me semble que ne n’ai jamais cherché que la vérité. » (Carnet jaune, 5 août et 30 septembre 1897).
Il est possible de trouver la vérité sur San Damiano à condition de s’y prendre comme il faut.
La culture moderne, façonnée par la techno-science, est avant tout soucieuse de rencontrer l’être de façon égoïste, utilitaire, intéressée. L’altération de notre intelligence vient de ce détournement.
Trop souvent, même dans notre oraison, nous restons à la surface du réel et nos passions le déforment.
En face d’une manifestation surnaturelle, nous raisonnons de manière dévoyée par manque de détachement.
Nous nous concentrons sur les conséquences d’une éventuelle adhésion plutôt que de chercher la vérité.
Nous sommes seulement agités par des considérations intéressées :
- Quels avantages ou quels ennuis puis-je attendre de cela ? - Que va-t-on penser de moi ? - Que diront mes proches, mes amis, mes confrères ? - Quelles seront les suites de mon choix pour mon avenir, ma carrière, mon avancement ? - Quels onéreux changements de vie va-t-il falloir envisager ?
Tant que nous restons dans cet état d’esprit il ne faut pas espérer rencontrer la vérité, surtout la vérité d’en-haut qui se dérobe volontairement aux gens convaincus de n’avoir rien à modifier dans leur façon de faire et de penser (Mt 13, 13). La sagesse est refusée « aux sages et aux habiles et elle se révèle aux tout-petits » (Mt 11, 25). Une manière « politique » d’entrer en contact avec les choses de Dieu est entièrement contraire à l’Écriture et à la grande tradition.
En matière de révélation surnaturelle il faut s’enquérir avec soin, chercher à savoir si le ciel a effectivement parlé. C’est ce que nous ferons longuement en suivant la pratique de l’Église.
Mais tout ne s’arrête pas là. Car une fois convaincus de la réalité d’une intervention divine une métamorphose s’impose. L’attitude mentale doit changer. Il n’est plus temps d’analyser, de disséquer, de discuter, d’aménager à notre façon ce qui est offert. Il est vain de faire entrer les choses divines dans les étroites catégories de notre petite cervelle. Il s’agit plutôt d’adorer, de se remettre en cause, de se convertir.
Malgré ses limites, ce petit essai est, par son genre, un peu seul de son espèce.
C’est une monographie unique par les circonstances qui l’ont engendrée.
- Elle s’inscrit dans un parcours d’investigation un peu atypique.
- Elle est le fruit de la fréquentation longue et assidue d’âmes favorisées par Dieu.
- Elle provient d’une recherche menée pendant près d’un demi siècle.
- Elle recourt aux documents mais également au contact immédiat avec les premiers témoins.
- Elle s’enracine dans la connaissance intime du milieu catholique français traditionnel.
- Elle a été l’occasion de la remise en cause d’une mentalité trop attachée au passé.
- Elle a été réalisée au cours d’un séjour à demeure dans la sainte cité de Lorette, ce qui a permis de mieux apprécier la différence de sensibilité religieuse entre l’Italie et la France.
- Elle a été engendrée dans la prière, la douleur et l’hésitation avec le désir de mettre fin à la dissociation entre théologie et contemplation.
C’est un ouvrage insolite dans sa forme.
- Il constitue un essai de libre opinion dans cet espace de liberté qu’est l’Église catholique.
- Il fournit un dense exposé sur le merveilleux sans être pour autant un traité systématique.
- Il utilise de nombreuses comparaisons et fait appel à l’expérience des églises d’Orient.
- Il est écrit dans un style naïf et peu théorique pour être accessible aux gens simples.
- Il est semé d’anecdotes vivantes pour maintenir l’intérêt.
- Il fait preuve de déférence envers l’autorité sans pour autant utiliser la « langue de bois ».
C’est une publication originale dans son contenu.
- Elle fait une place importante à l’exposé des doctrines traditionnelles que beaucoup ignorent.
- Elle utilise la méthode inductive en partant de rencontres concrètes.
- Elle donne la faveur à la théologie contemplative et « admirative ».
C’est un document nouveau dans son esprit.
- Il ne s’attarde pas sur les genres et les espèces de manifestations merveilleuses. Il s’intéresse à la réalité ontologique et ultime des phénomènes : oui ou non Marie s’est-t-elle déplacée pour venir à nous ?
- Il propose des solutions d’avant garde en s’inspirant pour une part des positions du père Laurentin.
- Il fait droit aux orientations de Vatican II et s’inscrit dans une ecclésiologie de communion.
- Il essaie de donner une place centrale à la vertu théologale de charité.
- Il fait droit, dans une perspective œcuménique, au sens de la liberté si vif chez nos frères protestants.
- Il présente une Église moins soucieuse d’honorabilité que de transparence et d’humilité.
C’est un recueil singulier dans son infirmité.
- Il n’émane pas d’un théologien de renom qui pourrait exhiber des titres universitaires sentencieux.
- Il n’offre pas les qualités d’une parfaite synthèse logique. Il se présente un peu comme une œuvre de style « impressionniste. » Cette infirmité au niveau de « l’organisation des idées » trouvera peut-être une compensation dans la juxtaposition d’intuitions que nous espérons justes dans leur fond.
- Il abonde en digressions afin d’éclairer un fait par un autre.
C’est un essai insolite dans sa finalité
- Il voudrait contribuer à désembourber une situation qui prive le Peuple de Dieu des grâces à lui destinées.
- Il propose une série de mesures destinées à faire de San Damiano un centre missionnaire plein de vitalité.
- Il étend cette réflexion à l’Église universelle en émettant une série de vœux.