Moscou, 1937. Dans un régime communiste, l'individu est zéro, et le Parti, c'est l'infini. Roubachov le sait : apparatchik lui-même, il a épuré sans états d'âme. Le voilà happé à son tour par la machine à broyer, soumis à des interrogatoires et sommé de se prêter à la mise en scène macabre qui le fera avouer qu'il est un traître, un ennemi de la classe ouvrière. Va-t-il se renier quand il s'agit de son propre sort ? Va-t-il sacrifier sa dignité, son amour-propre, en plus de sa vie (dont il sait qu'elle se termine), pour la "plus grande gloire du Parti" ? Mais pourquoi ce parti, qu'il a tant aimé, qui a porté tant d'espoirs, a-t-il besoin de dévorer ainsi ses enfants ? La question taraude Roubachov, mais un peu tard... Dans ce roman majeur du XXe siècle, publié en 1940, Koestler illustre la logique issue de la révolution russe : l'individu est une notion bourgeoise qui doit être subordonnée, et au besoin sacrifiée, à la communauté. Il dépeint une société totalitaire totalement fermée sur elle-même, paranoïaque et ivre de sacrifices rituels qui, au lieu d'avancer vers "l'avenir radieux", régresse vers des temps d'avant la civilisation.
Juif hongrois né à Budapest en 1905, Arthur Koestler fait ses études à Vienne puis devient journaliste en Palestine. Revenu en Europe, il adhère au Parti communiste allemand, part un an en URSS puis participe à la guerre civile espagnole. Dès 1938, ayant rompu avec le Parti communiste, il combat sans relâche le régime stalinien. A partir de 1940 il vit en Angleterre, où il se suicide avec sa femme en 1983. Son œuvre de romancier, philosophe et essayiste lui vaut une renommée mondiale.