Véritable plongée dans le Moyen-Âge
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.----. L’extraordinaire traversée de l’Atlantique sur un bateau de cuir…
Qui connaît saint Brendan? Dans la presqu’île du Dingle, à l’extrême ouest de l’Irlande, on garde encore la mémoire de ce saint moine et on commémore chaque année, en se rendant à Brendon Creek, le voyage de l’abbé Brendan vers la « Terre Promise » qu’il a narré dans le Navigatio.
Tim Severin a lu ce récit. C’est, disent certains, « un splendide recueil de légendes des marins, une macédoine de phantasmes délirants ! ». On y lit par exemple, que pendant leur voyage, saint Brendan et ses compagnons se sont arrêtés sans le savoir sur le dos d’une baleine mais que celle-ci s’est enfuie lorsqu’ils ont allumé un feu…
Le Navigatio avait attisé la curiosité de Tim Severin. Il a voulu en avoir le cœur net. Ce voyage est-il réalisable ? Il suffit d’essayer, pense-t-il, et on aura la réponse, « encore faudrait-il, pour que le test soit probant, utiliser les canots et le matériel de l’époque. » Alors voilà notre explorateur sur la trace de ces hommes extraordinaires du haut Moyen Âge, saint Colomba, saint Malo, dont saint Brendan a d’ailleurs été le précepteur, pour reconstituer à l’identique le navire de l’époque et voir s’il conduirait son équipage de l’autre côté de l’Atlantique.
Ainsi, le 14 juin 1977, le voilà naviguant sur l’océan à la suite de saint Brendan, non loin des côtes du Groenland. Survient alors un ravitailleur de l’US Navy : « Qui êtes- vous? demande-t-il par radio – Le Brendan, parti de Reykjavik à destination de l’Amérique du Nord. Notre canot est une expérience archéologique. Il est fait de cuir et nous sommes en train de vérifier si des moines irlandais ont pu arriver en Amérique avant les Vikings. »
C’est un véritable roman policier, dans lequel on suit les pistes laissées par le récit de saint Brendan pour reconstituer le « canot fait de peaux de bœufs étirées sur une carcasse de bois ». On navigue alors, comme sur une mer inconnue, de découverte en découverte, non seulement lors de la construction du navire mais aussi lors de la réalisation d’un voyage qui rend finalement justice à saint Brendan et à son récit. « Au mieux, dit Tim Severin, les archéologues terriens devraient être maintenant encouragés dans leurs recherches de vestiges irlandais au Nouveau Monde et, au pis, il devient difficile d’enterrer les premiers marins irlandais chrétiens dans une note de bas de page sur les livres relatifs à l’histoire de l’exploration, sous prétexte qu’on ne sait pas assez de choses sur eux et que leurs prétentions sont physiquement injustifiables. » Car non seulement le voyage est réussi mais en plus Tim et son équipage ont pu constater que les marins de l’époque de saint Brendan étaient mieux équipés matériellement – et mentalement aussi – que l’on ne veut bien l’admettre en général. Rapidement, par exemple, les marins modernes du Brendan ont abandonné les vêtements en fibre artificielle pour la laine, bien plus efficace contre le froid et l’humidité qui s’infiltre inexorablement partout. Rapidement aussi, l’équipage du Brendan adopte une « attitude d’esprit médiévale, faite de patience et de calme ».
C’est donc une véritable plongée dans le Moyen-Âge que nous fait faire là notre écrivain-explorateur, plongée toute à la gloire du Moyen-Âge, de la Chrétienté et de toute l’institution monastique. Elle nous incite à découvrir cette « île des Saints » qu’était l’Irlande de cette époque lorsque, peuplée de monastères, elle mettait au monde des hommes si étonnants qu’on ose à peine croire à la réalité de leurs aventures.
[ Abbé Louis Hanappier le 21 juin 2021 ]