François Bert : « Fillon ? Un chef en second »
ENTRETIEN. Ancien officier parachutiste à la Légion étrangère, François Bert a élaboré une méthode originale de diagnostic de personnalité. Fondateur d'Edelweiss RH, il conseille les équipes de direction, notamment par la mise en adéquation des organigrammes et des personnalités. Il publie Le temps des chefs est venu.
Votre livre porte sur la perte de crédibilité de la fonction présidentielle...
Mon livre analyse les ressorts d'un système de promotion politique - culte du débat et du consensus, logique partisane, tyrannie du court terme... - qui étouffe structurellement toute possibilité de faire émerger de véritables chefs. De De Gaulle à Hollande, chacun peut constater que la fonction présidentielle s'est considérablement dépréciée au fil du temps et des élections. Pour nos hommes politiques, il ne s'agit plus de porter une vision mais, au mieux, de dérouler un programme. Dans cet espace émotionnel qu'est devenue la politique, il s'agit, surtout, de ne courroucer personne et de complaire au plus grand nombre. L'intelligence du discours prime sur l'intelligence de l'action : nos trois derniers présidents de la République - Chirac, Sarkozy, Hollande - étaient des super vendeurs, des communicants de premier plan, mais sûrement pas de véritables chefs d'État ! Je ne dis pas que nous manquons de talents ou de potentiels, mais de dirigeants ayant la seule qualité qui compte pour la fonction suprême : celle de chef naturel.
Qu'est-ce qu'un bon chef ?
Le chef, le leader, n'est pas seulement celui qui est capable de mobiliser. À ce compte-là, Hanouna ou Nabilla pourraient être président de la République ! C'est d'abord celui qui a la capacité innée de mettre en corrélation les impératifs de contexte et l'utilisation des moyens. Un chef n'est pas un idéologue : il ne cherche pas à plaquer ses idées sur la réalité. Il ne cherche pas davantage à produire à tout prix des « synthèses » pour créer du lien affectif ou maintenir des équilibres d'intérêts. Un chef est celui qui a l'aptitude d'émettre des décisions dans un contexte de tensions contradictoires. C'est-à-dire qu'il a la faculté de transformer l'incertitude en possibilité, l'imprévu en rebond et le chaos en action. Cette disposition a un nom : le discernement opérationnel. Elle demande, à rebours des stratégies de communicants, de passer 95% de son temps à l'écoute du contexte.
François Milon ferait-il un bon président de' la République ?
Il a une bonne capacité à réagir aux événements, mais il est fragile sur la vision. Fillon a besoin d'une impulsion stratégique sur laquelle appuyer son intelligence tactique et pratique. Pour faire simple, c'est un chef en second, ce qui fait ou ferait de lui un bon Premier ministre. Ce n'est d'ailleurs pas un mince exploit que d'avoir réussi à maintenir une certaine cohérence aux aléas capricieux du quinquennat Sarkozy ! Comme président de la République, il restaurerait le fonctionnement régalien des institutions bien abimé par les deux derniers quinquennats mais aurait sans doute plus de mal à saisir les lames de fond de certains enjeux stratégiques, bioéthiques ou géopolitiques notamment. D'où l'intérêt qu'il soit bien entouré. Sa force, c'est sa posture « culbuto » : quand il prend des coups, il revient toujours à sa place. De ce point de vue, il est l'anti-
Valls. L'un privilégie le silence et l'intelligence de l'action. L'autre communique de façon agressive
quand les événements ne vont pas dans son
sens...
J.B.A
Politique Magazine, n°158, janvier 2017 Article d'occasion, vendu dans la limite des stocks disponibles.