Malgré l'Enquête sur le Procès du Roi, ouvrage des mêmes auteurs, la politique de Louis XVI pendant la Révolution est encore ignorée et toujours confondue avec celle de Marie-Antoinette. Cette confusion vient de la persuasion où sont les historiens que la Reine avait une grande influence sur le Roi. Par une analyse sérieuse des documents, les auteurs ont pu distinguer ces deux politiques : celle du Roi toute de loyauté, s'efforçant d'éloigner de son peuple le fléau de la guerre civile et celui de la guerre étrangère, tâchant de retrouver auprès du peuple une confiance dont les Jacobins avaient su s'emparer par de fallacieuses promesses de bonheur ; celle de la Reine comptant sur une intervention armée de toutes les puissances de l'Europe, et n'hésitant pas pour l'obtenir, à parler et à écrire au nom du Roi, à donner de faux pouvoirs, à faire de fausses lettres de lui, à tromper tout le monde sur les véritables intentions de Louis XVI.
Le résultat a été dramatique. En effet, c'est au moment même où, après le 20 juin 1792, l'opinion s'était déclarée unanimement en faveur du Roi par des adresses innombrables, où les Jacobins en déroute renonçaient à tous leurs projets contre lui et se préparaient à s'enfuir, que le manifeste de Brunswick demandé, dicté par la Reine, donnait aux Jacobins une arme inespérée et irrésistible en leur permettant d'accuser Louis XVI d'avoir appelé lui-même les armées ennemies contre la France.
Un premier chapitre rappelle ce que les auteurs ont montré dans Louis XVI et Marie-Antoinette, Vie conjugale, Vie politique, comment la petite archiduchesse s'est trouvée amenée à tenir plus tard une telle conduite. Dressée d'abord à mépriser, à détester son futur mari, à servir d'instrument à la vengeance de sa mère pour la perte de la Lorraine, elle a ensuite été persuadée par Mercy Argernteau, ambassadeur d'Autriche, que son mari était incapable de régner, et qu'elle était destinée un jour à gouverner la France.
Dès l'avènement, celui-ci a réussi à convaincre l'opinion et toutes les chancelleries d'Europe, que la jeune reine intervenait dans les affaires de l'Etat, nommait et destituait les ministres. Le bruit public de son influence, qui flattait sa vanité, a eu pour conséquence de faire sentir plus vivement à la Reine la nullité de son pouvoir sur le Roi. Elle s'est persuadée qu'elle gouvernerait mieux que le Roi, et un violent désir lui est né de jouer enfin un rôle politique.
La Révolution, et la peur qu'elle a eue le 6 octobre 1789, lui ont fourni le prétexte et l'occasion dont elle avait toujours rêvé.