Depuis quand la République est-elle le régime de la France ? Cent trente ans, si l'on veut compter Napoléon III. Cent cinquante ans, si l'on s'arrête à Louis-Philippe. Cent soixante-dix, si l'on regarde Charles X comme le dernier roi légitime. Ou bien encore, deux cents ans, si l'on fait tout remonter à la date mythique de 1789.
Cette seule déclinaison nous fait comprendre combien le sentiment monarchiste est divisé en France entre de multiples sensibilités, comme nulle part ailleurs en Europe. Le poids de l'histoire ? sans doute.
On croyait le royalisme français disparu depuis l'échec et la condamnation de Maurras en 1945. En outre, les grands enjeux politiques de l'après-guerre (affrontement Est-Ouest, décolonisation, revendications sociales et culturelles, Mai 68, etc.) semblaient avoir relégué aux oubliettes de l'histoire le débat entre les mérites comparés du royalisme et du républicanisme. Jusqu'à la chute du Mur de Berlin, la seule question était de savoir s'il valait mieux avoir tort avec Jean-Paul Sartre que raison avec Raymond Aron...
Mais la chute du communisme, et plus généralement l'échec des idéologies de gauche, ont libéré un espace idéologique permettant à des intellectuels de reposer, chez nous, la question des institutions : monarchie ou république ?
Yves-Marie Adeline est considéré aujourd'hui comme le plus important d'entre eux. Il est l'auteur du concept fameux de la "droite piégée", selon lequel notre système républicain étant, essentiellement, un régime de gauche, la droite ne peut pas y faire épanouir ses valeurs. Il est aussi l'auteur d'une doctrine sur la légitimité du pouvoir, qui a certainement renouvelé le discours royaliste en France, quoique de leur côté les structures militantes conservent plus volontiers leurs postures idéologiques des années 1900-1930.
Dans Le Royalisme en questions, Yves-Marie Adeline, pour la première fois, expose la thèse du royalisme dans la réalité quotidienne en l'an 2002. Il procède à un constat de la crise de la République, des atouts idéologiques mais aussi des handicaps pratiques du royalisme contemporain, avec une honnêteté remarquable, et même un recul sur les idées et sur les hommes, qui sans doute surprendra plus d'un lecteur.
Pour la première fois aussi, un projet politique spécifiquement royaliste est ébauché, avec des idées sur la réforme de l'État, et même les cent premières mesures que prendrait l'auteur à titre personnel... si, par un de ces retournements dont l'histoire a le secret, la France devait revenir à l'institution qui l'a fait naître et grandir : la royauté.
Né en 1960, docteur de l'université de Paris I, Yves-Marie Adeline a enseigné à l'université de Poitiers de 1986 à 1989, puis s'est orienté vers les cabinets politiques. Il préconise un engagement des royalistes sur la scène électorale comme moyen de faire ressurgir la question des institutions dans le débat politique contemporain.