"Dès que j'eus commencé ma lecture, rien n'exista plus en dehors d'elle. Je voyais naître, tâtonner, grandir, se développer et vivre, avec ses succès et ses catastrophes, ses souffrances, ses angoisses et ses agonies, l'aventure étonnante d'un homme que rien, avant 1940, ne destinait au métier d'agent secret et qui apprenait à l'être, et qui devenait chef de réseau. Nœud à nœud, maille par maille, se formait la trame secrète. Homme par homme, ruse par ruse, sacrifice par sacrifice, et aussi délation par délation, poussait pour ainsi dire sous mes yeux le tissu vivant, sans cesse au guet, sans cesse à l'écoute, mille regards, mille oreilles, mille bouches, toujours meurtri, rompu, saignant, et toujours réformé, qui investissait l'ennemi. Pour qu'une révélation pareille fût possible, pour qu'un tel récit pût être vrai, il n'avait pas fallu moins que le malheur de la France. Voilà pourquoi, ayant passé une nuit blanche sur ces feuillets, je dis le matin suivant comme je le répète ici : "C'est magnifique". Joseph Kessel, de l'Académie française.
Gilbert Renault, dit "Rémy", fut l'un des premiers Compagnons de la France Libre puisqu'il partit pour Londres le jour même où le général de Gaulle lançait son immortel appel du 18 juin 40. Il rentra en France dès le mois de septembre 40 et fonda l'un des premiers réseaux de renseignements auquel il donna le nom de Confrérie Notre-Dame. Ce réseau, qui allait devenir le plus important de la France Libre, devait fournir de nombreux et précieux renseignements aux forces alliées et payer d'un lourd tribut la lutte inégale qu'il mena contre l'envahisseur.
Rémy, sa femme et ses enfants échappèrent par miracle à la Gestapo. Ce miracle, Rémy le dut en grande partie au silence héroïque de ses compagnons et de sa famille. La mère de Rémy, ses sœurs et son frère Philippe connurent les souffrances de la prison et de la déportation. Son frère Philippe y trouva la mort. Son jeune frère Claude fut de ceux qui participèrent au siège de Bir Hakeim, sous les ordres du général Kœnig. Quant à Harold, le beau-frère de Rémy, il tomba les armes à la main à la bataille de Vassieux, dans le maquis du Vercors.
Rémy fut l'auteur d'une centaine de livres qui témoignent de l'histoire de son temps et, en particulier, de l'histoire de la Résistance. Sa plume fut toujours au service de la justice, des droits et de la dignité de l'homme.