L'auteur : Philippe Champion (membre du Comité Directeur de l'Action Française) Préface de Anne Brassié Les pages, présentées ici pour le quatre-vingtième anniversaire de la mort de Léon Daudet, sous le titre Le petit monde de Léon Daudet, sont des éléments de présentation aussi large que possible du monde dans lequel Léon Daudet s'est ébroué, et que révèlent page après page les volumes qu'il a livrés au public pendant plus d'un demi-siècle, un monde qui, littérairement parlant, va de Barbey d'Aurevilly à Gide. Aux portraits de ces hommes et de ces femmes, aux images des salons mondains, à celles de la vie sociale de ce temps, des milieux intellectuels, presse, théâtre, du monde de la politique, du jeu des intérêts et des passions, le témoin et peintre Léon Daudet apporte, avec sa revendication de la véracité, la touche d'originalité et de drôlerie qui lui est propre. « Léon Daudet est mort le 1er juillet 1942. C'est pour rappeler cet anniversaire que Philippe Champion, membre du comité directeur de l'A. F., a rassemblé ce florilège. En cent seize pages, il présente un auteur tellement polyvalent et fécond qu'il est inclassable. Voici ce que dit Kléber Haedens dans sa préface aux Souvenirs publiés par Grasset en 1968 : Journaliste, romancier, tribun, polémiste, conférencier, critique, essayiste, biographe, mémorialiste, médecin, député, voyageur, philosophe... (cité par Gérard Bedel dans Léon Daudet au pays de Rabelais, Éditions DEL 2004). « Dans ce florilège, Philippe Champion parvient à nous donner une image très vivante de cet écrivain aussi truculent que prolifique. Choisissons quelques exemples pour montrer le style et la manière. Le choix est difficile tant la matière est abondante. Philippe Champion donne quelques exemples de portraits saisissants dont toute l'œuvre fourmille. « Il est rare de voir s'étaler une telle galerie : notre auteur a l'art de peindre les personnages avec un réalisme étonnant qui nous les rend vivants avec leurs tares, leurs défauts ou... leurs qualités. « Quelques exemples : "Politicien fanatiquement anticatholique, à la manière de Combes, Waldeck-Rousseau apparaissait parfois chez Charcot « telle une frigide et redoutable larve (...) svelte, mince et silencieux redingoté de noir ou de gris, aux yeux de poisson mort." « Autre politicien, Charles Floquet, auquel l'affaire de Panama donna quelque souci, est "un imbécile sans méchanceté, tenu pour tel dans tout son milieu, et d'une prétention comique. Il portait sa tête de notaire de comédie qu'il prenait pour le masque de Robespierre. » « Ernest Renan, "grand écrivain (qui) aura joué auprès des jeunes générations de l'entre-deux, de 1875 à 1895, le rôle d'un malfaiteur public, en leur faisant croire que la négation était plus intelligente. Il m'apparaît aujourd'hui le fin Breton renégat, au masque éléphantesque, ainsi qu'un flûtiste entre deux charniers." « Très jeune, Léon Daudet écrit des romans où déjà le pamphlétaire se manifeste prometteur : Les Morticoles et Le Voyage de Shakespeare (1894, 1896), œuvres très réussies et qui connurent le succès. « Pour montrer que tout est prétexte à réflexion sur les modes de penser et de sentir et leurs conséquences, nous prendrons une citation tirée du Drame des Jardies (roman autour de la figure de Gambetta) : "Peu de jours après (...), la Païva mandait Léonie en son hôtel des Champs-Élysées, préparé pour la saison d'hiver. Logis somptueux, d'une extraordinaire laideur, qu'aggravait encore le fameux plafond, peint par Paul Baudry, où la belle espionne, en Nuit, montrait un torse de beurre frais, dans un entourage de chocolat, semé d'étoiles en clinquant. Vers le même temps, Bonnat, émule de Baudry, pour le poncif du modelé et la hideur d'une couleur semblable au délayage d'un excrément, peignait un Hugo tel qu'un vieux comptable et un Renan affalé sur un pot. La politique et les arts plastiques semblaient ainsi plonger dans les mêmes ténèbres, cependant que la métaphysique borgne du vainqueur allemand, le criticisme de Kant et le pessimisme railleur de Schopenhauer, ouvraient leurs ailes noires sur la jeunesse de la France vaincue." (Éd. Fayard, 1924, p. 5) « Lorsque Léon Daudet, après des études de médecine poussées jusqu'au doctorat sans en franchir le cap, se lance dans la carrière des lettres et du journalisme, il n'a pas encore choisi le camp de la droite patriote. Observateur des sombres affaires qui se trament au sein de la république, il va basculer vers la réaction. "Né dans le dernier tiers du dix-neuvième siècle - écrit-il lui-même dans Le stupide XIXe siècle - et mêlé par la célébrité paternelle, à l'erreur triomphante de ses tendances politiques, scientifiques et littéraires, j'ai longuement participé à cette erreur, jusqu'environ ma vingtième année. Alors, sous diverses influences, notamment sous le choc des scandales retentissants du régime, puis de la grande affaire juive et des réflexions qui s'en suivirent, le voile pour moi se déchira." (p. 94) « Il se marie avec sa cousine Marthe Allard (1903), rencontre Maurras et adhère à l'Action Française en 1904. Son engagement est définitif au service de la France. « Sa production est fabuleuse : un article chaque jour pour le journal, un roman par an environ et des souvenirs, des textes variés sur tous les sujets, un festival ! Il n'y a pas d'équivalent de Léon Daudet dans la littérature par la variété de talents qui s'y développe où l'art de frapper des portraits ressort saisissant, l'art de la formule aussi, de la caricature... « Le petit livre de Philippe Champion est une invitation à lire Léon Daudet chez qui l'on trouvera un grand réconfort intellectuel. Comme nous dit Anne Brassié dans sa préface : "Nous vivons dans le monde intellectuel comme dans les autres dans une conformité lassante et confondante. La même pensée ou absence de pensée, le même jugement formaté nous tombent dessus à jet continu. On est loin du feu d'artifice de ces pages !"» Juliette Colange, dans Lectures Françaises n° 789 (janvier 2023)