Le 10 août 1806, Chateaubriand débarque à Méthoni, à la pointe sud du Péloponnèse, pour une traversée de la Grèce qui doit lui permettre de visiter Sparte, Argos, Mycènes, Corinthe, Mégare, Éleusis, Athènes. Le récit enchanté de ce voyage au pays des héros d'Homère et de Plutarque occupe le premier tiers de son Itinéraire de Paris à Jérusalem, Chateaubriand s'y montre tour à tour savant, aventurier, archéologue, peintre de paysages, observateur de peuples, découvreur de cités. Faut-il le croire ?
Au terme d'une enquête qui tient tout à la fois de la traque policière, du commentaire de texte et de l'exercice d'admiration, Michel De Jaeghere a recoupé les dates, les récits et les témoignages pour tenter de reconstituer ce que fut la réalité de cette équipée. Il en ressort que Chateaubriand n'aura guère cessé de mentir, tout au long de son livre. L'archéologue était passé sans s'arrêter auprès de ruines illustres ; l'aventurier avait inventé l'essentiel de ses aventures ; le profond politique était en route pour un rendez-vous d'amour. Le paradoxe est que Chateaubriand ne sort nullement diminué de cette confrontation avec la vérité, au contraire. En faisant de son Itinéraire un roman picaresque en même temps qu'un bréviaire des humanités classiques, ses mensonges ont dessiné le visage d'une Grèce idéale que les voyageurs romantiques n'ont plus cessé de tenter, après lui, de retrouver.
Michel De Jaeghere est journaliste. II dirige les collections de hors-séries du Figaro.