Lettre de l'auteur : La pièce s'ouvre sur un dialogue au purgatoire entre l'évêque Cauchon, et l'archange saint Michel. Celui-ci se demande comment abréger le purgatoire de l'ecclésiastique, car le juge de Jeanne d'Arc a le cuir dur et résiste encore post mortem à l'aiguillon de la miséricorde divine... Seul un remède de cheval lui ouvrira enfin les portes du Paradis : lui faire remonter le temps pour revivre le procès de Jeanne d'Arc. Ainsi, face à l'inflexible Pucelle, Cauchon va comparaître à son tour devant un tribunal bien plus terrible encore, celui de sa propre conscience... Le lecteur est convié à la représentation d'un mystère médiéval aux personnages hauts en couleur. Les authentiques minutes du procès de Jeanne d'Arc, ici mises en scène, nous font remonter le temps jusqu'en cet apocalyptique XVe siècle de la Guerre de Cent Ans. Au coeur de la tragédie qui se noue, l'humour se fraye un chemin inattendu dans les réponses de l'accusée à ses juges. Même les voix surnaturelles, qui continuent à apparaître à la Pucelle en sa prison, manient cette drôle d'arme puissamment redoutable. Sans doute devrions-nous nous réapproprier ce rire invincible, par lequel nos ancêtres médiévaux clamaient un "oui" franc et massif à la vie - terrestre bien sûr - et, dans le même irrépressible élan de folle espérance, en tant que chrétiens rugueux et subtils, à la vie éternelle... Passionné par Jehanne depuis mon enfance, grâce à l'interprétation de la sainte par Ingrid Bergman au cinéma, j'ai mis plus de 15 ans à écrire cette pièce, conçue comme un mystère médiéval pour le XXIe siècle. Me basant principalement sur les travaux des historiens Régine Pernoud et Philippe Contamine, j'ai repris les minutes authentiques des procès de condamnation et de réhabilitation de Jehanne, en les faisant alterner avec des scènes d'apparitions de ses voix en sa cellule. Si j'ai pris ces quelques libertés, c'est que je n'ai pas cherché à faire oeuvre d'historien mais plutôt à sculpter un vaste porche de cathédrale à visée pédagogique pour nos contemporains, illettrés en ces matières de foi. Pour autant, je n'ai pas négligé d'enchaîner le prélude au Purgatoire avec deux scènes d'exposition de la Guerre de Cent Ans et de son contexte politique, toujours dans un but pédagogique. L'idée du prélude au Purgatoire m'est venue après une retraite au Mont-Saint-Michel. Il m'a semblé pertinent de commencer par une mise en abîme eschatologique, vu le peu de cas qu'il est fait de ces questions aujourd'hui... Cependant, le personnage qui volerait presque la vedette à la sainte, est Cauchon. Car le noeud de l'intrigue, proprement eschatologique, est constitué par le salut de l'âme de cet évêque "à contre-Dieu" comme le dit si bien Claudel dans le livret de l'oratorio composé par Honegger, "Jeanne d'Arc au bûcher".