Amour du pays !
5/5 Rivarol .
.----. Reporter chevronné et non conformiste (Son Radeau de Mahomet fut un sensationnel
avertissement en 1983), l’auteur s’est installé au Maroc depuis quelques années. Mais son
livre n'est pas un manuel pour touristes pressés (comme il y en a tant). Il reflète un
amour du pays, de ses habitants et une profonde connaissance de son histoire.
Dédaignant la grande métropole casablancaise, Peroncel-Hugoz s’est fixé dans ce qui
était à l’origine une bourgade, Fedala, à des dizaines de kilomètres au nord de Casa,
devenue maintenant sous le nom de Mohamedia une ville (avec un important complexe
pétrolier) de 350.000 habitants (dont 2000 Européens et autres). Son passé et son
évolution sont riches d’aventures, « des pentécontores puniques aux caravelles portugaises ». Les
Portugais y sont restés longtemps (voir article de Pierre-Patrice Belesta dans Rivarol du 7
mai) et en firent un comptoir prospère. Il y a aussi l’histoire (qui continue) des royaumes
chérifiens. Avec l’épisode assez court finalement (1912-1956) du protectorat français
(fou ! fou ! fou !) Un protectorat fondateur qui a mal fini. Mais manifestement l’auteur a
voulu éviter quelques mauvais souvenirs.
Rappelons que si le Maroc compte aujourd’hui quelques dizaines de milliers
d’Européens, ils étaient cinq cent mille avant l’indépendance (1955-1956) et il ne reste
que 2000 Juifs sur une importante et ancienne communauté. Par contre, il y a en France
un million et demi de Marocains (et combien de bi-nationaux ?)... Peroncel-Hugoz note,
pour s’en réjouir, que les Marocains parlent avec sympathie ou admiration de Lyautey,
« le Maréchal de l’islam » à l’origine de la modernisation du pays et aussi de son
unification, renforçant une monarchie alors fragile. Ce qui n’a pas été sans inconvénients
par la suite. Sur place, à Fedala, l’auteur trace des portraits d’entrepreneurs créateurs
(comme les Frères Hersent), de colons dynamiques, d’officiers à la retraite mariés
localement (comme le capitaine Odinot), de religieux et surtout de religieuses (il reste
une église) et même de personnages à part comme ce docteur Burou spécialiste à Casa
d’opérations très spéciales inter-sexes. Fedala fut d’ailleurs dans les années 1930 une
sorte de Deauville marocain avec un public huppé et une architecture art déco (voir les
photos du livre). Il y eut même, avant et après l’indépendance, « la plus belle maison close de
l’empire colonial », le Sphynx (il y avait aussi un Sphynx à Alger) très fréquenté par des
artistes (Jacques Brel, un habitué) et autres gens de la haute. Il en reste un étonnant
bâtiment-coupole.
Ces pages sont un hommage à un passé qui recule ou disparaît. A cause des destructions
pour faire place aux logements. Ce que Péroncel regrette. Au fil des pages il y a des
notations critiques sur ce Maroc qui est et reste notre ami (surtout comparé à l’Algérie).
Sa monarchie paraît solide face à l’arabo-islamisme. Mais il y a un écart entre le sommet
et le bled qui d’ailleurs se vide mais grossit les bidonvilles (tant dénoncés du temps de la
colonisation). Et trop de diplômés sans emploi. La modernité, c’est évidemment le
tourisme de masse (on va vers les dix millions), un atout qui a son revers, sans négliger
une consommation polluante avec l’invasion des sacs plastics et une délinquance
routière meurtrière difficilement sanctionnée. On retrouve là un reporter qui n’a pas
pour habitude de farder des vérités gênantes. Le livre est complété par des annexes
riches en documents écrits, par un glossaire des termes utilisés (les Arabes nous sont de
mieux en mieux connus et pour cause !), un index des noms, une bibliographie sélective
(remplissant plusieurs pages). Où on trouve Brasillach (La Conquérante), Montherlant,
Farrère, les frères Tharaud, etc. Il y a même dans Fedala un Pont-Blondin (mais Antoine
n’y est pour rien !)
[ Signé : Jean-Paul Angelleli dans " Rivarol ", n° 2953, du 21 mai 2010 ]
Amur du pays !
5/5 Rivarol .
.----. Reporter chevronné et non conformiste (Son Radeau de Mahomet fut un sensationnel
avertissement en 1983), l’auteur s’est installé au Maroc depuis quelques années. Mais son
livre n'est pas un manuel pour touristes pressés (comme il y en a tant). Il reflète un
amour du pays, de ses habitants et une profonde connaissance de son histoire.
Dédaignant la grande métropole casablancaise, Peroncel-Hugoz s’est fixé dans ce qui
était à l’origine une bourgade, Fedala, à des dizaines de kilomètres au nord de Casa,
devenue maintenant sous le nom de Mohamedia une ville (avec un important complexe
pétrolier) de 350.000 habitants (dont 2000 Européens et autres). Son passé et son
évolution sont riches d’aventures, « des pentécontores puniques aux caravelles portugaises ». Les
Portugais y sont restés longtemps (voir article de Pierre-Patrice Belesta dans Rivarol du 7
mai) et en firent un comptoir prospère. Il y a aussi l’histoire (qui continue) des royaumes
chérifiens. Avec l’épisode assez court finalement (1912-1956) du protectorat français
(fou ! fou ! fou !) Un protectorat fondateur qui a mal fini. Mais manifestement l’auteur a
voulu éviter quelques mauvais souvenirs.
Rappelons que si le Maroc compte aujourd’hui quelques dizaines de milliers
d’Européens, ils étaient cinq cent mille avant l’indépendance (1955-1956) et il ne reste
que 2000 Juifs sur une importante et ancienne communauté. Par contre, il y a en France
un million et demi de Marocains (et combien de bi-nationaux ?)... Peroncel-Hugoz note,
pour s’en réjouir, que les Marocains parlent avec sympathie ou admiration de Lyautey,
« le Maréchal de l’islam » à l’origine de la modernisation du pays et aussi de son
unification, renforçant une monarchie alors fragile. Ce qui n’a pas été sans inconvénients
par la suite.
Sur place, à Fedala, l’auteur trace des portraits d’entrepreneurs créateurs
(comme les Frères Hersent), de colons dynamiques, d’officiers à la retraite mariés
localement (comme le capitaine Odinot), de religieux et surtout de religieuses (il reste
une église) et même de personnages à part comme ce docteur Burou spécialiste à Casa
d’opérations très spéciales inter-sexes. Fedala fut d’ailleurs dans les années 1930 une
sorte de Deauville marocain avec un public huppé et une architecture art déco (voir les
photos du livre). Il y eut même, avant et après l’indépendance, « la plus belle maison close de
l’empire colonial », le Sphynx (il y avait aussi un Sphynx à Alger) très fréquenté par des
artistes (Jacques Brel, un habitué) et autres gens de la haute. Il en reste un étonnant
bâtiment-coupole.
Ces pages sont un hommage à un passé qui recule ou disparaît. A cause des destructions
pour faire place aux logements. Ce que Péroncel regrette. Au fil des pages il y a des
notations critiques sur ce Maroc qui est et reste notre ami (surtout comparé à l’Algérie).
Sa monarchie paraît solide face à l’arabo-islamisme. Mais il y a un écart entre le sommet
et le bled qui d’ailleurs se vide mais grossit les bidonvilles (tant dénoncés du temps de la
colonisation). Et trop de diplômés sans emploi. La modernité, c’est évidemment le
tourisme de masse (on va vers les dix millions), un atout qui a son revers, sans négliger
une consommation polluante avec l’invasion des sacs plastics et une délinquance
routière meurtrière difficilement sanctionnée.
On retrouve là un reporter qui n’a pas
pour habitude de farder des vérités gênantes. Le livre est complété par des annexes
riches en documents écrits, par un glossaire des termes utilisés (les Arabes nous sont de
mieux en mieux connus et pour cause !), un index des noms, une bibliographie sélective
(remplissant plusieurs pages). Où on trouve Brasillach (La Conquérante), Montherlant,
Farrère, les frères Tharaud, etc. Il y a même dans Fedala un Pont-Blondin (mais Antoine
n’y est pour rien !)
[ Signé : Jean-Paul Angelleli dans " Rivarol ", n° 2953, du 21 mai 2010 ]
2000 ans d’histoires à travers le prisme d’un port atlantique
5/5 Mondes et Cultures
.----. Jean-Pierre Péroncel-Hugoz, ancien grand reporter au journal Le Monde, qui fut en poste
en Algérie et en Egypte, est un fin connaisseur du monde arabe auquel il a consacré
plusieurs ouvrages dont l’un des plus connus est Le Radeau de Mahomet (1983). Il s’est
établi au Maroc au début de ce siècle pour y mener une activité d’éditeur. Partant de la
description du port atlantique de Mohamédia, l’ex-Fédala, la ville aux dix mille palmiers,
il brosse un portrait chamarré, à la fois historique et anecdotique du Maroc en une
dizaine de chapitres aux thèmes variés, non sans souligner que ces chapitres peuvent se
lire indépendamment les uns des autres.
L’ouvrage s’ouvre sur une préface d’humeur dans laquelle l’auteur révèle de façon
parfois véhémente son goût et son respect de la langue française, d’aucuns diraient son
purisme. Les chapitres qui suivent fourmillent de faits anecdotiques de temps à autre
complétés par des notes de bas de page, et dans lesquels surgissent parfois des citations
en vers. Celles-ci culminent avec une évocation de poétesses locales de l’entre-deux-guerres ou de l’immédiat après-guerre, en une galerie de portraits rapides qui n’aurait pas
déparé le Passe-Temps de Paul Léautaud : l’auteur en effet ne dédaigne pas l’humour,
voire la plaisanterie. L’ensemble se lit facilement, avec beaucoup de plaisir.
Une partie importante du volume est constituée de riches annexes, où se trouvent
rangés une série de textes historiques -, dont l’un d’entre eux rappelle l’origine de
l’expression « pieds-noirs » née à Casablanca –, une chronologie historique de Maroc, un
glossaire de mots arabes, un index de noms cités. La passion de l’auteur pour son pays
d’adoption se dégage à chaque ligne : faut-il ajouter qu’elle est communicative ? Une fois
commencé, ce livre ne se lâche plus. [ Signé : Max Goyffon dans " Mondes et Cultures ", Compte rendu annuel des travaux de l’Académie des Sciences d’outre-mer,
Tome LXX – 2010 ]