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Le livre d´occasion - Sociologie d´un commerce en transition

Référence : 123687
1 avis
Date de parution : 14 avril 2022
EAN 13 : 9782729713775
Nb de pages : 196
15.00
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Description
Depuis la fin des années 1990, le marché du livre d'occasion subit le même phénomène de plateformisation que l'ensemble des marchés de consommation. Les libraires traditionnels et les bouquinistes ont investi, souvent à contrecoeur, les places de marché numériques et côtoient de nouveaux détaillants, extérieurs au monde du livre. Afin d'analyser les multiples reconfigurations de ce commerce, Vincent Chabault a mené une enquête de longue durée auprès de détaillants et de lieux de vente divers : des bouquinistes aux plateformes en passant par des libraires de Paris et de Lyon, des boutiques associatives, la bourse aux livres d'une faculté de médecine, des particuliers actifs sur Le Bon Coin, des professionnels des Puces de Saint-Ouen et de la salle des ventes du quartier populaire de la Goutte d'Or.
Les recompositions à l'oeuvre font apparaître un nouveau modèle de vente, de nouveaux rapports de force entre détaillants et places de marché, ainsi qu'une démocratisation ambivalente. Celle-ci apparaît favorable aux plateformes et aux lecteurs-consommateurs, mais elle nuit aux détaillants traditionnels qui, à l'image de l'enseigne séculaire Gibert, voient progressivement le marché leur échapper.
TitreLe livre d´occasion - Sociologie d´un commerce en transition
Auteur CHABAULT (Vincent)
ÉditeurPRESSES UNIVERSITAIRES DE LYON (EDITIONS)
Date de parution14 avril 2022
Nb de pages196
EAN 139782729713775
PrésentationBroché
Épaisseur (en mm)12
Largeur (en mm)140
Hauteur (en mm)205
Poids (en Kg)0.27
Les avis clients
Le livre d'occasion à l'âge des grandes plateformes
4/5 https://actualitte.com/
.----. ENTRETIEN - Engagé dans des recherches sur le marché du livre depuis une quinzaine d'années, le sociologue Vincent Chabault dévoile cinq ans d'études sur le livre d'occasion avec Le livre d'occasion. Sociologie d'un commerce en transition. Dans la continuité de son livre précédent, Eloge du magasin : contre l'amazonisation, sorti en 2020 aux éditions Gallimard, le maître de conférences et chercheur au CNRS s'attelle à décrire un marché en constante évolution depuis une trentaine d'années – et sa nécessaire transition vers le numérique Voici donc une enquête sur la longue durée richement documentée en études et témoignages, des bouquinistes aux plateformes, en passant par les libraires, des boutiques associatives, les professionnels des puces, ou encore la salle des ventes aux enchères du quartier populaire de la Goutte d'Or. Un ouvrage publié aux Presses universitaires de Lyon. ActuaLitté : Pouvez-vous dresser un rapide panorama historique du livre d’occasion en France pour en comprendre les fondements ? Vincent Chabault : Il s’inscrit dans une longue histoire, celle des dispositifs qui ont visé à élargir le public de lecteurs et de lectrices. Je pense aux cabinets de lecture sous la Restauration, aux bibliothèques publiques (1860) mais aussi au livre de poche (1953, en France), aux clubs de lecture, apparus dans l’immédiat après-guerre puis relancés avec France Loisirs dès 1970, jusqu’aux formes d’échange comme les boîtes à livres. Ces innovations et le marché de seconde main contribuent indiscutablement à la démocratisation de la lecture. Que représente le marché de l’occasion en France aujourd’hui ? Quels sont les acteurs de ce marché ? Vincent Chabault : Il faut se méfier de certaines données fantaisistes qui circulent parfois. Les consommations sont mesurées depuis une dizaine d’années par le biais de panels : 2 livres achetés sur 10 sont achetés sur le marché de seconde main et près d’un tiers des acheteurs de livres neufs font aussi l’acquisition de volumes usagés. La moitié des transactions se déroule sur les plateformes auprès d’opérateurs-détaillants comme Chapitre.com ou des vendeurs tiers des places de marché comme Gibert, Momox, Recyclivre qui sont présents sur Amazon ou Rakuten. À LIRE : La Sofia a ouvert voilà un mois une vaste étude sur le marché du livre d’occasion. Au programme, un état des lieux voulu le plus complet possible, et sans parti pris. Son directeur, Geoffroy Pelletier soulignait auprès d'ActuaLitté que ce segment fait l’objet de tous les fantasmes, sans qu’aucune réalité chiffrée ne soutienne les analyses «? De fait, tout est à vérifier, et en premier lieu, cet ordre de grandeur [économique]. » Vincent Chabault compte parmi les experts mandatés pour mener cette enquête. Quelles évolutions marquantes peut-on mettre en évidence ? Vincent Chabault : Mon enquête a tenté de saisir les dynamiques qui traversent ce marché en étudiant l’espace commercial. Celui-ci s’est plateformisé depuis la fin des années 1990, il s’est également démocratisé dans le sens où des non-libraires l’ont investi – des entreprises éco-citoyennes, des associations, des particuliers –, il s’est internationalisé, il s’est enfin technicisé. Dernier élément, le modèle qui s’impose aujourd’hui est celui de la revente de dons et non d’un approvisionnement qui aurait été acquis. Les règles du jeu sont bousculées par l’ensemble de ces processus et ce marché échappe progressivement aux libraires traditionnels. Comment expliquer le succès des détaillants et plateformes numériques, pourtant peu tournées vers le livre à l'origine ? Vincent Chabault : L’espace commercial du livre d’occasion se déspécialise sur les plateformes. Pour le consommateur – collectionneurs exceptés – , le but n’est pas de trouver une plateforme spécialisée en livres d’occasion, mais de trouver un espace de mise en relation qui regroupe une plus grande quantité d’offreurs. Le Bon Coin est de ce point de vue là un exemple intéressant : le site regroupe près de 4 millions d’annonces de livres ! Dans votre enquête, vous dédiez un chapitre aux bouquinistes des quais de Seine, sorte de symbole de la France littéraire. Pouvez-vous nous parler de l'évolution de leur rôle, notamment à l’ère du tourisme de masse ? Vincent Chabault : Les bouquinistes n’ont plus le rôle qu’ils ont joué durant des siècles en faveur de la circulation de la culture imprimée. L’activité est traversée par deux logiques : la patrimonialisation et l’adaptation au tourisme étranger. Je ne condamne ni l’une, ni l’autre et je comprends qu’une partie d’entre eux s’adapte pour garantir des revenus les plus décents possibles. Certains vendent aussi en ligne. Souvent à contre-cœur, ils ont « digitalisé » leur commerce ; une preuve supplémentaire que le commerce du livre n’est pas englué dans des pratiques archaïques mais qu’il sait s’adapter loin de l’image qu’on lui colle parfois. Quel rapport entre le marché du livre d’occasion et celui du neuf ? Empiétement, complémentarité ? Qui sont les acheteurs de livres d'occasion ? Le prix moins élevé de ces livres est-il la principale motivation des acheteurs ? Vincent Chabault : Le taux de substituabilité du neuf par l’occasion est relativement faible : il atteint 16 % selon la seule enquête économétrique disponible. Mais le livre d’occasion n’est pas qu’un substitut, il est aussi un livre supplémentaire que le client n’aurait pas acheté neuf, soit parce qu’il est épuisé, soit parce qu’il souhaite découvrir un auteur sans se ruiner. Le motif économique est évidemment central mais d’autres raisons apparaissent : le goût de l’ancien, l’attrait pour certaines normes graphiques, la volonté écologique de « réutiliser » des biens durables. Vous évoquez également une pratique, peut-être moins connue, de la revente de livres comme activité de survie : qu'en est-il ? Et quid des ventes de livres solidaires ou à visée d’économie circulaire ? Vincent Chabault : Le livre figure parmi les produits revendus sur les trottoirs des métropoles par des personnes en situation de grande pauvreté. Il est notamment récupéré dans les poubelles, parfois dans un état très convenable. Malgré le caractère très peu rémunérateur de l’activité, elle est sans doute mieux tolérée et considérée que la revente de petits produits électroniques ou de cigarettes. Le livre conserve son statut culturel même lorsqu’il frôle l’état de déchet. L’espace du livre solidaire et du livre « écolo » est différent. Les organisations ont rationalisé leurs pratiques de tri comme de revente pour allonger la durée de vie du livre et créer du profit. Elles ont finalement imposé un nouveau modèle de vente qui devient dominant : la revente de dons sous algorithmes au détriment de la revente d’acquisitions selon l’expertise du professionnel. Vous mettez en évidence l’importance de l’utilisation des algorithmes par les détaillants numériques, pouvez-vous expliquer ce point ? En quoi ces algorithmes influencent-ils le marché de l'occasion ? Vincent Chabault : Ils interviennent à deux niveaux. Pour le tri, ils fixent la décision du détaillant de recommercialiser ou non la référence selon la disponibilité de cette même référence dans ses stocks et dans ceux de ses concurrents. Ils fixent le potentiel de recommercialisation. Au niveau de la formation des prix de revente, ils permettent sur les plateformes un ajustement instantané du prix en dessous de celui, pour le même titre, pratiqué par un concurrent. Better world books, Recyclivre, Momox et d’autres fonctionnent ainsi. Un libraire d’occasion, c’est aujourd’hui un informaticien comme me confiait le dirigeant de l’un de ces opérateurs. Vous évoquez la possibilité de rétribuer éditeur et auteur dans les ventes de livres d’occasion ? Une telle taxation pourrait-elle être faisable ? Souhaitable ? Vincent Chabault : Souhaitable, pourquoi pas. Faisable, cela me semble difficile. Je comprends que l’extension du marché de l’occasion conduise à l’intensification des revendications des auteurs et des éditeurs relatives au partage de la valeur. Un fonds pourrait être abondé par une taxation des revendeurs. Cela nécessiterait toutefois une traçabilité de l’ensemble des transactions – celles de Momox mais aussi celles du vide-grenier, de la kermesse de l’école, du Bon Coin. Je rappelle aussi que ce marché est organisé sur une base juridique claire : celle de l’épuisement des droits après une première vente. Un chantier d’ordre juridique devrait donc être ouvert. Après plusieurs années de travail sur le sujet, restent-ils, de votre point de vue, des questions à élucider pour continuer à explorer ce secteur, et ainsi mieux le comprendre ? Vincent Chabault : Ce qui me paraît évident, c’est que les éditeurs ont été attentifs – pour ne pas dire inquiets ! - à l’éventuel tsunami provoqué par la dématérialisation que certains prophètes avaient programmée. Pour l’édition grand public, ce tsunami n’a pas (encore) eu lieu pour tout un ensemble de raisons. Dans le même temps, l’extension et la reconfiguration du marché de l’occasion ont été moins observés. Pourtant, ces mutations ont un effet considérable sur le rapport marchand au livre : le lent déclin du consentement à payer le prix du neuf. [ Publié le 22/04/2022 et signé : Hocine Bouhadjera ] PS : Aux lecteurs dilettantes, aux amateurs et aux passionnés, aux professionnels de l'édition, aux enseignants, libraires ou documentalistes, chaque jour, ActuaLitte.com vient apporter les informations nécessaires à une meilleure vision du monde de l'édition.