Les noyades et fusillades de Nantes constituent, dans le contexte de la guerre de Vendée, l'un des épisodes les plus affreux de la Terreur.
Le principal responsable, Carrier, fut condamné à mort en même temps que l'un des membres du comité révolutionnaire de Nantes, convaincu d'avoir sabré les malheureux qui tentaient de s'accrocher aux bateaux pour échaper à la noyade, ainsi qu'un jeune colporteur illettré qui se disait l'ennemi des femmes et prenait plaisir à les éventrer. Le 23 mars 1794, Pierre-Joseph Cambon, ancien membre du Comité de salut public, justifia son acte de mise en accusation en ces termes : "Carrier a participé à des actes atroces exercés à Nantes contre l'humanité". Ainsi apparaît pour la première fois dans l'Histoire le crime contre l'humanité. Il faudra attendre un siècle et demi pour que cette notion soit intégrée dans le droit international. Selon le tribunal de Nuremberg (article 6c), il s'agit de "l'assassinat, l'extermination, la réduction en esclavage, la déportation et tout autre acte inhumain commis contre toutes populations civiles". Le nouveau code pénal français le définit ainsi : "La déportation, la réduction en esclavage ou la pratique massive et systématique d'exécutions sommaires, d'enlèvements de personnes suivis de leur disparition, de la torture ou d'actes inhumains, inspirés par des motifs politiques, philosophiques, raciaux ou religieux, et organisés en exécution d'un plan concerté à l'encontre d'un groupe de population civile".
Dans ce volume (qui accompagne celui consacré au procès Carrier), Abel Poitrineau nous propose un dossier complet sur celui qui a provoqué l'émergence de la notion de crime contre l'humanité. Ce recueil de documents historiques apparaît comme le plus accablant des réquisitoires. Il est complété par une sorte de revue de presse : l'opinion des contemporains, puis celle des historiens sur Carrier, ce qui permet à Abel Poitrineau de poser une question décisive : "Qui était vraiment Carrier ?"
Agrégé de l'université, Docteur ès lettres et Docteur en Droit, Abel Poitrineau est professeur honoraire de l'Université Blaise Pascal (Clermont-Ferrand II). Il a publié, entre autres ouvrages, La vie rurale en Basse Auvergne au XVIIIe siècle (pub. 1966), Les mythologies révolutionnaires (pub. 1979), Une histoire du diocèse de Clermont (Beauchesne, 1979), Les Espagnols montagnards en France à l'époque moderne (Aubier, 1983), La Loire, les peuples du fleuve (Horvath, 1989), Histoire du Compagnonnage (Horvath, 1991) et Ils travaillaient la France, métiers et mentalités du XVIe au XIXe siècle (Armand Colin, 1992).