Début janvier 1950, Emile Poulat, lecteur à l'université de Fribourg-en-Brisgau, soutient une thèse de théologie sur le désir naturel de voir Dieu. Cinq ans après, il quitte la prêtrise et entreprend une carrière de chercheur, historien et sociologue du catholicisme, expert de la laïcité.
Quel lien entre l'activité scientifique qu'il a menée pendant plus de soixante ans (755 références ici rassemblées dans une bibliographie exhaustive) et ce travail de jeunesse, longtemps occulté, consacré à d'obscures controverses d'exégèse thomiste ? "On n'a pu se défendre, avait-il conclu, d'une impression de malaise en suivant les discussions sur les notions d'appétit, de désir, de puissance, fleurs séchées d'un vieil herbier, qui furent autrefois vivantes et parfumées mais dont nous avons peine aujourd'hui à retrouver la présence familière." Il en appelait à une philosophie de "l'expérience vécue", qu'il semblait alors bien près de trouver dans l'oeuvre de Maurice Blondel.
Controverses pourtant décisives au moment où il écrit - quasi contemporain de Surnaturel du P de Lubac - et qui prennent sens comme révélatrices d'une pensée chrétienne en crise, mise au défi du "naturalisme" moderne.
L'auteur, disparu en novembre 2014, avait souhaité cette publication et s'en est expliqué dans un entretien en postface.
Emile Poulat (1920-2014) a été directeur de recherche au CNRS et directeur d'études à l'Ecole des hautes études en sciences sociales. Il est notamment l'auteur de Histoire, dogme et critique dans la crise moderniste (1962), Naissance des prêtres ouvriers (1965). Parmi ses publications récentes, L'histoire savante devant le fait chrétien (2014) et, aux éditions DDB, France chrétienne, France laïque (2008).