Un essai vigoureux
5/5 https://lanef.net/
.----. Dans cet essai vigoureux, Bérénice Levet dresse le constat d'une France qui cède de plus en plus aux sirènes d'un « wokisme » venu des campus américains. Elle illustre abondamment cette conversion à la triste logique diversitaire et identitaire, nous faisant à la fois rire et pleurer sur la façon dont tout ce que le monde de la culture compte d'intelligences officielles rivalise de gages donnés à la race, au genre, à la décolonisation…
Elle analyse avec acuité le glissement de la devise grecque « tous les hommes désirent naturellement savoir » au mantra woke « tous les hommes désirent être reconnus », et l'enfermement de l'individu contemporain dans la double prison du moi et du présent, au prix d'une perte du monde et du passé. Elle dépeint une France qui a suffisamment perdu le goût de sa singularité pour se laisser infiltrer par cette nouvelle façon de s'orienter dans la vie politique et dans la vie de l'esprit pourtant régressive.
Or face à cette dynamique, les formules incantatoires d'appel aux valeurs républicaines ne suffisent pas : il faut construire des digues. Et c'est une véritable digue qu'édifie Bérénice Levet dans ce livre, en nous invitant à renouer avec l'esprit français qui offre les meilleures armes de défense contre le wokisme : opposons à la simplification idéologique du réel notre goût pour le particulier, la subtilité, le paradoxe, notre propension à nous délecter du jeu, de l'écart, notre liberté du pas de côté, notre gaieté et notre légèreté jusque dans la littérature d'idées, notre génie de l'incarnation…
Ce livre n'est pas une lamentation, c'est une ode à la culture française, une promenade à travers les grands auteurs et artistes français, un éloge de la transmission. Le remède face au wokisme se fait performatif : le plaisir évident qu'éprouve Bérénice Levet en nous proposant de très nombreuses références, citations, illustrations des immenses ressources de notre culture, la confiance et la fierté qu'elle place dans cet héritage, sont éminemment communicatifs.
Le wokisme pourrait n'être qu'un sujet de plateaux télé : grâce à un livre comme celui-ci, il est traité philosophiquement, pris au sérieux et remis à sa juste place. Bérénice Levet aura joué son rôle dans la « lutte existentielle pour le sauvetage et la continuité historique de notre modèle de civilisation et pour la pérennité de la conception aristocratique de l'homme, cette idée que l'homme contient plus que soi, l'homme comme obligé, comme être de devoirs, plus que de droits - les devoirs nous attachent à l'ensemble de ce qui est, de ce qui fut aussi et sera, les droits nous laissent désespérément seuls ».
Élisabeth Geffroy La Nef n° 354 Janvier 2023
PS : Qu'est-ce que La Nef ? : La Nef a été créée en décembre 1990, c'est un magazine mensuel, catholique et indépendant. Ce faisant, La Nef s'inscrit clairement et sans complexe dans une ligne de totale fidélité à l'Église et au pape qui la gouverne.
La France ou « le génie de l'incarnation »
4/5 https://www.bvoltaire.fr/
.----. Impossible de reprendre toutes les idées de la disciple d'Hannah Arendt, idées partagées par nombre de nos contemporains. Retenons-en deux : la citoyenneté et la laïcité. Loin des déterminismes réducteurs, la France est « cette belle audacieuse » qui rappelle à chacun sa liberté. Et l'auteur d'évoquer « la subtile dialectique de l'enracinement et de l'émancipation » : elle caractérise l'assimilation à la française qu'on appelle, aux échecs, « la marche du cavalier. »
La citoyenneté, c'est l'entente française de la vie, loin de tout déterminisme comme de tout débordement. La laïcité ? Source d'étonnement pour les étrangers, c'est « le génie » français, bien vu par Nietzsche relevant cette contradiction de notre pays d'avoir « produit les types les plus accomplis de la chrétienté… et d'avoir, inversement, engendré les types les plus achevés de la libre pensée anti-chrétienne ».
Quant à l'Histoire qui donne, en ce moment, bien du fil à retordre à nos historiens du « Wokistan », quoi de plus parlant que nos statues « couvrant la France d'un manteau de pierre » donnant à voir et à aimer notre histoire nationale à travers ses grands hommes et ses grandes femmes ? Ces statues que certains voudraient, faute de pouvoir les déboulonner, flanquer d'un « cartel pédagogique » - autrement dit : encarter !
Le titre du livre fait référence à la dissidence russe et, plus précisément, au discours de Harvard (1978) de Soljénitsyne : Le Déclin du courage. D'où cette question pressante. Les Français auront-ils le courage - « le cœur » - de résister ? Faut-il désespérer d'adultes amnésiques ? D'une jeunesse consentante à tout ? D'un peuple émietté ? La France est-elle destinée à être une « petite province satellite » de l'Amérique ? Notre langue est colonisée par le globish. L'école est menacée dans sa mission de transmettre et d'instruire. La réponse est politique, c'est-à-dire qu'elle nous engage tous.
La France ou « le génie de l'incarnation ». Ce livre donne envie de relire Descartes et Céline, Candide et Feuillets d'Hypnos. De réentendre Les Barricades mystérieuses. D'aller saluer les Reines de France et Femmes illustres du jardin du Luxembourg et de se promener à Versailles en connaissance de cause. Bérénice Levet a pleinement réussi son pari de transmettre et partager l'amour reçu dont elle vit. Nostalgie, dira-t-on. Mais la nostalgie est chose excellente lorsqu'elle fait « de nous, non pas des collaborateurs mais des résistants » !
[ Conclusion d'un article signé : Marie-Hélène Verdier, Agrégée de Lettres Classiques sur Boulevard Voltaire 3 mars 2023]
P.S. : BOULEVARD VOLTAIRE c'est : œuvrer, petit à petit, à restaurer le vrai débat d'idées qui manque tant dans notre pays ; Donner la parole aux experts ou aux personnalités militantes qui s'opposent à la pensée unique et sont bannis des plateaux télé ou des émissions de radio ; Maintenir un espace de liberté d'expression et d'opinion, sur Internet, qui échappe à la censure du « médiatiquement correct » ; Continuer à diffuser sans relâche l'information alternative qu'on ne trouve pas dans les grands médias.