Rendre justice à ces catholiques sociaux
5/5 https://www.francisrichard.net/
.----. La couverture de ce livre représente Mgr Affre, archevêque de Paris, qui fut mortellement blessé le 28 juin 1848 sur les barricades où il était venu apporter des paroles de paix.
Dans ce livre, Aimé Richardt raconte l'histoire des catholiques sociaux français que Mgr Affre a soutenus et qui se sont émus, à raison, de la misère des ouvriers, catégorie sociale apparue avec la Révolution industrielle.
LES PRIVILÈGES CRÉÉS PAR LA RÉVOLUTION
Au début de son livre, l'auteur met le doigt sur ce qui est l'une des raisons de cette misère: la loi Le Chapelier de 1791, qui abolissait les corporations et qui, pour éviter qu'elles ne réapparaissent, interdisait toute coalition.
Cette loi, contraire au droit naturel, créait une catégorie de privilégiés, celle des patrons. L'article 1781 du Code Civil napoléonien disait même: Le maître est cru sur sa parole pour toute contestation en matière de salaire.
LES CATHOLIQUES SOCIAUX
Les catholiques sociaux se proclament libéraux, mais ils ne le sont pas en matière économique, qu'ils ne comprennent pas. Ainsi Charles de Coux voit-il dans salaires et horaires de travail la cause de la misère des ouvriers.
Il confond les conséquences avec la cause qui est l'absence de contrats librement consentis. Quoi qu'il en soit, pour des catholiques comme lui, le remède se trouve dans l'application des principes catholiques et démocratiques:
Le social doit être placé au-dessus de l'économique.
LES SOCIALISTES CHRÉTIENS
Il n'est pas étonnant qu'une partie, marginale, d'entre eux se soient dits socialistes. Ceux-ci, tels que Fourier, voient dans le salariat un dernier reste de l'esclavage antique, alors qu'il a pourtant l'avantage certain de la fixité.
Encore faut-il que soit librement consenti le lien entre celui qui prend le risque d'engager son capital et celui qui ne le prend pas mais reçoit un salaire en échange de son travail: l'expression importante est librement consenti.
LES CATHOLIQUES LIBÉRAUX
Ces catholiques sont libéraux dans le sens où ils veulent l'alliance de la religion et de la liberté. Ils pensent que des réformes sociales préviendront des réformes politiques, telles que révolutions, coups d'État, ou autres.
L'un d'eux, Ozanam, en fondant la Conférence Saint-Vincent-de-Paul, donne à ses membres pour mission d'assister matériellement et moralement une famille (la foi sans les œuvres est morte, dit Saint Jacques...).
LES LÉGITIMISTES SOCIAUX
Parmi eux, Armand de Melun projette une large organisation à but social dans laquelle une association de patrons et de maîtres chrétiens, patronnerait des apprentis, eux-mêmes groupés dans l’œuvre des apprentis.
La charité traditionnelle s'avérant insuffisante, il veut coordonner les œuvres et crée un Comité des œuvres avec un bureau permanent de trois personnes. Il est également favorable à une réglementation par l'État...
L'ABBÉ LEDREUILLE
Une autre œuvre se développe dans les années 1840, la Société de Saint François-Xavier, qui a pour but de répandre la foi dans la classe ouvrière. Ses orateurs sont recrutés à l'Institut catholique fondé en 1839.
Parmi eux, l'abbé Ledreuille se distinguera parce qu'il créera La Maison des ouvriers, organisme de placement, qui deviendra une branche de l’œuvre du Travail, où seront proposés bien d'autres services gratuits.
LES SOCIÉTÉS DE SECOURS MUTUELS
L'auteur dresse l'inventaire d'autres initiatives avant 1848 et après, mais ce sont les sociétés de secours mutuels qui retiennent l'attention, car elles vont se développer grâce à Armand de Melun et Louis-Napoléon.
La Société de Saint-François-Xavier a d'ailleurs été transformée en sociétés de secours mutuels par l'abbé Ledreuille et l'abbé Castelbau. Aux cotisations ouvrières s'ajouteront des contributions de membres honoraires.
LE DÉCRET DU 28 MARS 1852
Selon l'article 6 du décret-loi du 28 mars 1852, les Sociétés de Secours mutuels auront pour but d'assurer des secours temporaires aux sociétaires malades, blessés ou infirmes, et de pourvoir aux frais funéraires.
Armand de Melun obtient
- que les sociétés de secours mutuels soient placées dans un cadre chrétien;
- qu'elles aient l'allure d'institutions libres et non obligatoires.
Il souhaite
- qu'elles soient interprofessionnelles plutôt que corporatives;
- que ne leur soient pas adjointes des coopératives de consommation, mais, éventuellement, des patronages d'apprentis;
- que les femmes y soient admises et que les enfants puissent être secourus.
Le succès est là comme le montre le tableau ci-dessous :
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De 1852 à 1869 le nombre de sociétés passe de 2438 à 6139 - le total des membres honoraires de 21630 à 11160 avec une pointe en 1865 à 96956 - le total des membres participants (ouvriers) de 249447 à 794473
extrait de J.B. Duroselle, Les débuts du catholicisme social en France, PUF, 1951.
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LES CRÈCHES
Enfin, parmi toutes les œuvres catholiques, il faut signaler le développement de l’œuvre des Crèches qui se propose d'aider les femmes qui travaillent en gardant et en soignant leurs très jeunes enfants.
Cette œuvre a été fondée en 1844 par François Marbeau, adjoint au maire du 1er arrondissement de Paris: La crèche [ainsi nommée en souvenir de Bethléem] prévient la misère en facilitant le travail des mères.
CONCLUSION
Aimé Richardt remarque:
- que la grande majorité des catholiques ne s'intéresse pas aux œuvres sociales catholiques;
- que ce sont surtout des laïcs, une minorité agissante, qui en sont à l'origine et que la hiérarchie n'y participe pas;
- que les catholiques qui s'y intéressent, qu'ils soient démocrates ou conservateurs, s'accordent sur les buts:
améliorer le sort des ouvriers
refuser la lutte des classes
maintenir la propriété privée
éviter l'intervention de l'État
- qu'ils ne s'accordent pas sur le type d'association pour la défense des ouvriers.
Il faut au moins rendre cette justice à ces catholiques sociaux qu'ils ont aidé à l'amélioration de la condition ouvrière, au soulagement des pauvres, et à la réconciliation des classes, sans pour autant succomber aux sirènes du socialisme d'État.
[ Signé : Francis Richard sur son blog le 23 octobre 2020 ]
P.S. : Francis Richard "Semper longius in officium et ardorem" - Ce blog se veut catholique, national et libéral. Catholique, il ne s'attaque pas aux autres religions, mais défend la mienne. National, il défend les singularités bienfaisantes de mon pays d'origine, la France, et celles de mon pays d'adoption, la Suisse, et celles des autres pays. Libéral, il souligne qu'il n'est pas possible d'être un homme (ou une femme) digne de ce nom en dehors de l'exercice de libertés
Coûte que coûte améliorer le sort des plus faibles
4/5 https://www.agoravox.fr/
.----. Aimé Richardt a publié de nombreux ouvrages, dont un Fénélon, couronné par un grand prix de l’Académie française. Parmi ses dernières biographies, nous retrouvons les titres suivants : Lacordaire, Lamennais, Ozanam, Montalembert.
La question sociale est au cœur de mes préoccupations philosophiques et intellectuelles. Raison pour laquelle j’ai décidé de lire ce livre. Effectivement, à l’heure du mondialisme triomphant et du libéralisme économique outrancier, la défense des plus faibles ne semble être qu’une préoccupation lointaine des politiques. Richardt dès les premières lignes écrit : « Depuis l’avènement au trône de Louis-Philippe, le sort de la classe ouvrière avait empiré. La machinisation de l’industrie avait eu pour conséquence le chômage… Peu à peu, le travail était devenu une marchandise que les industriels achetaient le moins cher possible, et de moins en moins cher ! Le droit d’association était refusé, sous peine de prison, aux ouvriers ».
Les objectifs de cet ouvrage sont clairement exposés par l’auteur : « Définir d’abord ce qu’était la classe ouvrière, cette nouvelle classe sociale née avec le XIXème siècle. Puis nous examinerons en détail l’apparition et le développement du catholicisme social, qui peu à peu, obtiendra la reconnaissance du droit à la dignité et au bonheur des pauvres, c’est-à-dire des ouvriers ».
Le préfacier, le Cardinal Poupard, pense que « l’auteur nous donne un tableau sans complaisance de la société française au lendemain de la Révolution, qui, avec la trop fameuse loi Le Chapelier, de juin 1791, avait aboli toute corporation et laissé l’ouvrier sans défense ». Selon ce dernier, la Révolution avait été suivie par « une révolution industrielle génératrice d’une société où la bourgeoisie au pouvoir exploitait sans vergogne des ouvriers, les prolétaires comme on va bientôt les dénommer ».
Pour commencer son analyse, Richardt stipule « qu’on peut dire qu’il n’existe pas, en France, de problème ouvrier avant le XIXème siècle ». Il précise également ce qui suit : « Certes le régime du travail sous la monarchie, avec les métiers jurés, les corporations, les confréries d’entraide, n’avait pas l’esprit idyllique que certains royalistes attardés lui prêtent, mais il avait, pendant des siècles, assuré aux travailleurs salariés une sécurité relative ». Il ajoute avec raisons que « ces institutions avaient vieilli et ne correspondaient plus guère aux nécessités d’une économie qui se transformait rapidement ».
L’auteur estime « qu’il est donc avéré que, tant la loi Le Chapelier que le Code civil limitaient étroitement les possibilités de défense des ouvriers. La loi de 1791 interdisait aux ouvriers tout avis collectif sur les questions de salaires, la grève était un délit réprimé par l’amende et la prison. Ainsi, l’ouvrier était à la merci des patrons ». Voici la situation de la classe ouvrière au moment où des catholiques, conscients de la précarité des employés les plus faibles, réfléchissent aux différentes possibilités de travailler pour le bien commun. Richardt produit de nombreuses citations qui nous permettent de comprendre les différents enjeux soulevés par ces différentes questions économiques et politiques. Elles nous offrent aussi la possibilité de saisir les réflexions de cette « minorité de laïcs et de quelques prêtres » qui défendront les plus faibles. Ainsi, l’auteur nous entraîne à suivre le pas de ces chrétiens voulant coûte que coûte améliorer le sort des plus faibles. Toutefois, comme le démontre, Richardt, leur parcours ne sera pas un long fleuve tranquille…
Néanmoins, l’auteur conclut de la manière suivante : « Le premier catholicisme social a combattu de manière dispersée, il fut étranger à la classe ouvrière et ignoré par l’épiscopat. Il a œuvré dans des conditions très défavorables. Il faut cependant lui reconnaître d’avoir travaillé à l’amélioration de la condition ouvrière, au soulagement des pauvres, et à la réconciliation des classes, ce qui lui assure une place dans l’histoire et de l’Eglise et de la France »…
[ Signé : Franck ABED le lundi 28 décembre 2020 sur agoravox ]
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