Charte de Fontevrault
5/5 Jean Saumur 49.
.----. Texte remarquable publié à l'occasion du 14 juillet 2018 par la Charte de Fontevrault :
Je ne fêterai pas votre révolution /
On ne célèbre pas le vol, le viol, le crime. /
Mais je prendrai le deuil de vos pauvres victimes. /
Elles seules ont droit à ma vénération. /
Je ne fêterai pas l’espérance trahie /
Du peuple demandant l’arbitrage royal /
Jusqu’alors rendu juste, équitable et loyal /
Mais au nom d’une foi par votre orgueil haïe. /
Je ne célèbrerai pas votre intolérance. /
Ni vos sacrilèges, ni vos profanations. /
Ni les grands mots ronflants de vos proclamations /
Prônant la liberté dont vous priviez la France. /
Je ne fêterai pas l’infâme Cordelier /
Faisant assassiner, par sa triste colonne, /
En l’église du Luc, près de six cents personnes /
Dont cent cinquante enfants réunis pour prier. /
On ne pardonne pas les Oradours-sur-Glane /
Et vous seriez fondés d’en tarer les nazis /
Si vous n’aviez, chez nous, fait pire aussi /
Vous êtes précurseurs, Messieurs, et non profanes. /
Quand vous jetiez aux fours, par vous chauffés à blanc, /
Les mères, les enfants, les vieillards, les mystiques, /
Vous disiez faire le pain de la République… /
Mais Amey, mieux qu’Hitler, les y jetait vivants ! /
Car c’est bien cet Amey, de sinistre mémoire, /
L’un de vos généraux prétendu glorieux, /
Qui fut l’instigateur de ce supplice odieux… /
Vous avez, aussi vous, eu vos fours crématoires. /
Et Turreau trouvait tant de plaisir à ces jeux /
Qu’il faisait ajouter, quand manquaient les dévotes, /
Et malgré tous leurs cris, les femmes patriotes… /
Votre fraternité les unissait au feu. /
Je ne fêterai pas vos tanneries humaines /
Dont votre chirurgien, Pecquel, fut l’écorcheur, /
Ni son ami Langlois, de Meudon, le tanneur… /
Ni votre grand Saint-Just disant qu’en ce domaine /
Peau d’homme vaut bien mieux que celle du chamois /
Que celle de la femme plus souple et plus fine… /
Vous étiez sans culottes, alors ça se devine /
Vous vous en fîtes faire en peau de villageois. /
Quand vous abominez les gardiens sataniques /
De l’affreux Buchenvald écorchant de leur peau /
Nos morts, les laissant nus en leurs chairs en lambeaux /
Avez-vous des remords ou restez-vous cyniques ? /
Je ne fêterai pas les enterrés vivants /
Dans les puits de Clisson et ceux de mon bocage /
Ni du fameux Carrier les célèbres mariages /
Voulus républicains mais surtout révoltants. /
Attachant l’un à l’autre, une fille et son père, /
Une mère et son fils, un prêtre et une sœur, /
Et nus, bien entendu, pour que leurs massacreurs /
Aient, humiliant leur mort, à rire et se distraire. /
Quand, en les entassant dans barques à sabords /
On les faisait sombrer dans les eaux de la Loire. /
Et le fleuve royal garde encore leur mémoire, /
Il apparaît plus triste à l’approche du port. /
Je ne fêterai pas, non plus, la guillotine, /
Ce symbole attitré de la révolution. /
Ce moyen fraternel d’abreuver nos sillons, /
Comme vous le chantez d’un sang que moi j’estime. /
Je ne chanterai pas votre révolution. /
Elle a fait trop couler de sang, de pleurs, de larmes. /
De notre vieux royaume elle a rompu le charme /
Et fait perdre, au pays, sa noble vocation. /
Vous avez tout brûlé, chez nous, châteaux, chaumières, /
Etables et clochers. Vous traîniez les enfers /
Pour faire du bocage un immense désert /
Sans une âme qui vive et sans pierre sur pierre… /
Vous n’aviez pas pensé que tout le sang versé /
Au terroir de l’amour serait semence vive. /
Il germe en attendant nos prochaines métives ; /
Il fleurira, demain, épi de liberté. /
La liberté de croire en un Dieu qui pardonne. /
En un ordre qui met, au sommet, le devoir /
Le courage et la foi. Qui veut que le pouvoir /
Ne dépende jamais du nombre et de la somme… /
Aujourd’hui nous pouvons vous juger à vos faits. /
Votre révolution a incendié notre terre. /
Elle a porté, partout, la misère et la guerre, /
Quand le monde a jamais plus désiré la paix… /
Je ne peux pas fêter votre révolution. /
On ne célèbre pas le vol, le viol, le crime /.
Je porterai le deuil de toutes ses victimes. /
Elles seules ont droit à ma vénération.” /
Pierre d’ANGLES Janvier 1989