Faut-il se lamenter sur le sort du roman français, quasiment absent de la scène internationale ? Pas si sûr quand on mesure à quel niveau d'abêtissement conduit le roman dit "international". Ainsi Umberto Eco n'a-t-il pas hésité à "réécrire" Le Nom de la rose à l'intention des lobotomisés du Culturel : suppression des citations latines, passages amputés des descriptions, appauvrissement du vocabulaire. Un processus de vulgarisation où seul subsiste le scénario, en attendant le video game. Ce qu'on appelle encore "roman" est ainsi devenu le lieu même de la destruction de la langue et de la littérature. La tiers-mondisation culturelle de la France le proclame de toutes parts. Et quand, à la mise à mort de la littérature, s'ajoute la négation de l'idée de nation, n'est-ce pas au néant qu'on donne droit de cité ? Ainsi, le massacre perpétré par Anders Breivik, en Norvège, loin de constituer l'acte d'un homme seul, encore moins celui d'un aliéné, renvoie-t-il les politiques et agents "culturels" au miroir d'une société qui, par-delà le scénario "multiculturaliste", a choisi de renoncer à toute communauté de destin, à ses racines vivantes, chrétiennes, donc littéraires.
Richard Millet est romancier, essayiste, éditeur et membre du comité de lecture de Gallimard. Il est considéré comme l'un des plus grands auteurs français contemporains. Chez cet éditeur, il est notamment l'auteur de La voix et l'ombre, La Fiancée libanaise, L'Enfer du roman, Tarnac, La Confession négative, Un Balcon à Beyrouth, Le Renard dans le nom ou Ma vie parmi les ombres. Chez P.O.L, il a notamment publié Lauve le pur et La gloire des Pythre. Chez Hermann : Arguments d'un désespoir contemporain et chez Pierre-Guillaume de Roux, Fatigue du sens (Prix des Impertinents, 2011).