Préface de Christian Lagrave. Le bilan d´une politique agricole désastreuse qui a conduit au marasme contemporain. Le procès de la toute puissance des groupes multi-nationaux de l´agro-alimentaire, des engrais chimiques et du machinisme outrancier. Lire aussi La France rurale par Accoce. Recension dans AFS n° 292 avril 2024 :Paru la première fois en 1989, ce titre est régulièrement réédité par Chiré. L’AFS avait évoqué le livre en son temps. Une nouvelle lecture à la lumière des événements dont nous sommes les témoins en montre toute l’actualité, notamment en livrant au lecteur les clés de compréhension de cette situation. Les racines du mal dont souffre la paysannerie française sont si clairement exposées et les conséquences si bien envisagées, que la 4e de couverture (dans la 2e édition) notait en 1990 : « en se transformant en exploitants agricoles dépendant des banques et de l'industrie, les paysans français se sont suicidés. » Ce mot n’était alors que façon d’exprimer les difficultés de la profession ; depuis, la France aurait perdu plus de la moitié de ses exploitations. Mais, aujourd’hui ce sont des hommes qui se suicident !Mépris des acteurs du terrain auxquels bureaucratie et technocratie ont confisqué parole et pouvoirs, interventionnisme étatique en accord avec des syndicats dits représentatifs, esclavagisme européen sous prétexte de libre circulation des biens, de marché mondial, de traités internationaux, de transition écologique, sans oublier la finance motrice de tout cela... Écouter les doléances suffit à illustrer la situation.Et si l’auteur fait remonter le mal aux années qui ont suivi le 1er conflit mondial, il faut retenir l’idée centrale du livre, ainsi exprimée par l’auteur :L'agriculture fut arrachée à sa nature même. Elle fut de tout temps une activité primaire fondamentale, créatrice de richesses à partir de la nature, éternellement (à l’échelle de la vie humaine) renouvelabledans ses éléments : soleil, sol et eau. Ces richesses sont créées par une énergie vieille comme le monde et qui durera autant que le soleil : la photosynthèse ; et par des énergies induites de l'activité agricole elle-même: énergie animale, fertilité des sols entretenue par des techniques telles que l’assolement et les fumures naturelles. De cette activité de base la société moderne a fait une industrie. (p. 162)À la notion de fécondité de la terre a été substituée celle de productivité ; à un mode de vie organique a été substitué un fonctionnement mécanique. Le modèle industriel jouant sur la combinaison de matières inertes a été reproduit au domaine du vivant. Le manque de respect de la nature n’a pu qu’atteindre l’homme qui est quotidiennement penché sur elle.Les raisons d’espérer pourtant ne manquent pas. Dans la paysannerie, grand est l’attachement à la terre (à "l’outil de travail", dit le technocrate). Dans les jeunes générations, il y a des courageux qui s’engagent, investissent, s’endettent malgré la grisaille. La variété des savoir-faire millénaires, des terroirs, des paysages, des microclimats... qui fait la diversité des productions tant fruitières que maraîchères, une maîtrise incontestée dans l’élevage d’espèces et races multiples, des compétences reconnues dans la transformation des produits (nos fromages, notre gastronomie)... tout cela offre autant d’atouts pour changer la situation.Certes, il est difficile d’envisager de notables améliorations tant que ne sont pas remis en cause les modes d’agir et parfois même les institutions qui les suscitent. Encore faut-il le vouloir. Mais tout semble montrer que le monde paysan est divisé. Yann de Kérimel, éleveur de bovins en bio, représentant de la Coordination Rurale dans l’Ariège, déclarait en février 2019 suite aux élections professionnelles :Je suis frustré de voir que les paysans continuent de voter comme ça pour la FNSEA (…). Le paysan est comme le Français moyen. Il continue à voter pour ceux qui vont lui faire du mal, par peur du changement, par peur de représailles s'il ne choisit pas le bon camp, ou parce qu'il est désabusé et ne vote plus car déçu par le système (note 8). Il faut ajouter que les paysans sont endettés, assujettis des institutions (SAFER, Groupama, Crédit Agricole, trusts chimiques...) qui roulent pour et avec les syndicats dits majoritaires, pourvoyeurs de finances, de recommandations, d’aides et prébendes divers. Assisterait-on à la volonté de se dégager des chaînes ? On comprend mieux la difficulté de cette issue en lisant le livre de JC. Davesnes. YT8 https://www.ladepeche.fr/2019/02/08/chambre-dagriculture-cest-une-grossedeception,8002721.php