Bâti sur les décombres de l'Europe napoléonienne, réformé en 1867 pour donner un rôle accru à la Hongrie, l'Empire austro-hongrois pouvait sembler, en 1914, l'une des puissances les plus solides du continent. C'était un empire à l'ancienne, c'est-à-dire qu'il avait l'ambition de fédérer de nombreux peuples hétérogènes. Dans les faits, une majorité d'Allemands et de Hongrois régissaient les destinées de Slaves (Tchèques, Polonais, Slovènes, Croates, etc) de Roumains et d'Italiens - lesquels cohabitaient d'ailleurs plutôt mal entre eux.
C'est à la suite de l'assassinat de son prince héritier François-Ferdinand que le vieil empereur François-Joseph s'est laissé entraîner dans la guerre, aux côtés de l'Allemagne. Déchiré entre des nationalités différentes, des religions antagonistes, véritable tour de Babel linguistique, l'empire n'a pas supporté le choc. Cinq ans après Sarajevo, ce sont cinq pays nouveaux, fondés sur le principe des nationalités, qui remplacèrent la Double Monarchie. En Autriche même, devenue un Etat croupion, le jeune empereur Charles 1er (qui avait succédé à François-Joseph en 1916) dut renoncer. Jean-Paul Bled, qui est le meilleur spécialiste Français de l'Autriche-Hongrie, retrace avec minutie l'agonie d'une monarchie qui n'a pas su s'adapter aux temps nouveaux en dépit des atouts non négligeables qu'elle détenait. Cette page capitale de l'histoire de l'Europe n'a jamais été racontée dans son ensemble.
Professeur émérite à l'université de Paris-IV Sorbonne, Jean-Paul Bled est l'auteur de nombreux ouvrages sur l'Autriche-Hongrie et l'Allemagne du XVIIIe au XXe siècle : François-Joseph (1987), Rodolphe et Mayerling (1989), Marie-Thérèse d'Autriche (2001), Histoire de la Prusse (2007), Bismarck (2010), et tout récemment François-Ferdinand d'Autriche (Tallandier, 2012).