Dans son domaine, un novateur
5/5 La Nef .
.----. Héroïque combattant de la Grande Guerre plusieurs fois blessé et tombé, au mois de juillet 1916, en première ligne, Augustin Cochin, qui appartenait à une illustre famille bourgeoise touchant à la noblesse, fut aussi un esprit aigu et, dans son domaine, un novateur. Frais émoulu de l’École des chartes, il allait bientôt se consacrer, sujet tout neuf, à l’étude scientifique des groupes de pression intellectuels, contemporains du stade prérévolutionnaire en route vers l’accomplissement jacobin.
Non point une histoire générale de la Révolution française, mais un concours distinctif à cette histoire, en d’autres termes, l’analyse pionnière d’un de ses facteurs, philosophisme et sociétés de pensée confondus, telle sera l’œuvre principale de Cochin, nourrie de longues tournées d’archives au service d’un patient labeur étendu sur plus d’une décennie. Pourtant, lorsque la mort le saisit, à peine âgé de quarante ans, presque rien encore n’en avait paru. Les publications posthumes, heureusement, vinrent assez vite et, entre 1921 et 1925, sortirent chez Plon trois ou quatre volumes pleins d’intérêt (salués, dans un sérieux article de la Revue des Deux Mondes, par Georges Goyau; attaqués, en revanche, avec quelque véhémence par Albert Mathiez) qui, sans nul doute, en 1928, dans son propre livre de début, poussèrent le jeune Pierre Gaxotte à citer d’une manière déférente leur auteur.
Malgré cela, devait arriver le moment, corrélé à la seconde moitié du XXe siècle, où la Révolution donnant l’impression de remuer un passé caduc, Augustin Cochin semblait promis à l’oubli. Mauvaise fortune que François Furet lui épargna. Déclaré précurseur de la sociologie historique, notre chartiste hors norme opérerait un retour spectaculaire. Au prix, toutefois, d’une équivoque et d’une altération à des fins consensuelles ancrées dans l’allégeance aux « valeurs de la République », bref, d’un escamotage de ses duretés contre le démocratisme et des motifs profonds de ses recherches? Yves Morel a mené, là-dessus, une enquête trop insistante peut-être, ou trop partisane, mais, convenons-en, documentée et fouillée à satiété… [ Michel Toda dans " La Nef ", n°314, mai 2019 ]
Un penseur éminent !
5/5 Lectures Françaises .
.----. Après une longue période de mise sous le boisseau, les écrits d'Augustin Cochin sortent de l'ombre depuis quelques années grâce au mérite de quelques courageux historiens qui lui ont donné la place qui lui revient et qui n'est pas mince dans l'étude des sociétés de pensée pour la pleine compréhension de la Révolution de 1789. Lui-même était un véritable historien, formé à l'Ecole des Chartes qui s'était attaché à mettre en lumière le rôle des sociétés de pensée du XVIIIe siècle qui furent le moteur caché mais d'une implacable efficacité dans le processus de déclenchement et du déroulement de la Révolution. Hélas, il est mort jeune, à l'âge de 40 ans, tué sur le front de la " Grande guerre ", en 1916.
Yves Morel vient de lui consacrer un bel ouvrage," La Vraie pensée d'Augustin Cochin " qui est en même temps un hommage rendu à sa mémoire et une reconnaissance de ses immenses qualités d'historien, restées très longtemps étouffées par les censeurs " officiels " de la Sorbonne. Le livre permet de découvrir sa " vraie pensée ", celle d'un homme qui n'a pas seulement rénové l'étude de la Révolution, mais qui a aussi fait connaître l'historiographie contre-révolutionnaire en lui donnant un argumentaire moderne, compréhensible pour tous nos contemporains. " Nous remettons les pendules à l'heure, en rappelant que cet auteur fut avant tout un penseur éminent de la contre-révolution ", dit Yves Morel dans son introduction .
Rappelons que l'année dernière, les écrits de Cochin ont été réunis en un seul volume : " La Machine révolutionnaire. Œuvres ", préfacé par Patrice Gueniffrey. [ Chronique " La vie des livres " signée Jérôme Seguin dans Lectures Française , numéro 745 - mai 2019 ; revue créée par Henry Coston en 1957. La majorité des numéros de cette revue est encore disponible sur ce site ]
Une oeuvre passionnante !
5/5 Les 4 Vérités Hebdo .
.----. Augustin Cochin, trop tôt fauché par la Grande Guerre, fut sans doute l'un des historiens de la Révolution les plus féconds. Son oeuvre, redécouverte par le grand historien anciennement marxiste François Furet à la fin des années 1970, fut, en particulier, décisive pour comprendre le rôle des sociétés de pensée dans le déraillement de la grande entreprise de réforme de l'Ancien Régime. Ce réseau, constitué au départ des salons littéraires et des loges maçonniques, devait plus tard donner naissance aux clubs terroristes, en offrant systématiquement aux plus fanatiques et aux moins compétents le contrôle de ces clubs utopiques. Une oeuvre passionnante - et pas simplement pour comprendre notre passé ! [ Numéro 1185 - vendredi 15 mars 2019 de " Les 4 Vérités Hebdo " ( 3 rue de l'Arrivée - 75015 - Paris) Vous pouvez demander un spécimen de la part de Chiré ]
Il a rénové d’abord l’historiographie contre-révolutionnaire elle-même
5/5 Salon Beige
.----. La Révolution a créé la politique, processus d’action du pouvoir d’Etat en fonction de mots d’ordre élaborés en des sociétés de pensée
Longtemps ignoré, Augustin Cochin (1876-1916) fut redécouvert à la fin des années 1970 par François Furet, qui montra l’intérêt de son analyse des sociétés de pensée, pour la pleine compréhension de la Révolution française. Cochin expliquait la Révolution par les lois de fonctionnement des sociétés et des groupes. Il proposait ainsi une interprétation sociologique de la Révolution, et, au-delà, de la démocratie contemporaine. Cochin est désormais intégré au club des grands historiens de la Révolution, et même des philosophes et des sociologues de la démocratie. Mais cette intégration ressemble à une récupération. Elle est le fait d’une Université républicaine acquise à une conception consensuelle de la Révolution et de la démocratie libérale, expurgée des interprétations idéologiques caractéristiques des temps où l’une et l’autre étaient l’objet de débats passionnés. Avec son analyse distancée du fonctionnement des sociétés de pensée, Cochin favorise la promotion d’une vision dépolitisée de la Révolution et de la République, l’une et l’autre étant ainsi à l’abri de la critique partisane.
La présentation qui est ainsi faite de son oeuvre fait oublier qu’il fut avant tout et surtout un contempteur de la Révolution, inspiré par une conception thomiste de l’homme et de la société, et que s’il reconnut l’intérêt heuristique de la sociologie durkheimienne, il en récusa constamment le substrat exclusivement rationaliste et athée. Cochin n’a pas seulement rénové l’étude de la Révolution, il a rénové d’abord l’historiographie contre-révolutionnaire elle-même, en lui donnant un argumentaire moderne, compréhensible pour nos contemporains. C’est à cette tâche de réhabilitation de la pensée d’Augustin Cochin qu’oeuvre Yves Morel dans cet ouvrage.
Voici un extrait tout à fait pertinent sur l’un des nombreux effets pervers de la Révolution :
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[L]a Révolution est à l’origine non seulement de nos institutions modernes et de notre démocratie, mais de l’apparition du politique comme domaine spécifique, autonome relativement au social et aux institutions. Ce domaine relève d’une activité exercée par des professionnels de la production non des idées, mais de leur formulation partisane en préceptes et mots d’ordre, de leur circulation et ” de la formation, sous la conduite de sociétés, clubs, partis et groupes de pression ” constitués pour conquérir le pouvoir ou l’infléchir suivant leurs vues. Et ces dernières sont de nature purement discursive et morale, et excèdent amplement les simples intérêts de classes, de corps ou d’ordres. Selon Furet, Cochin est celui qui a compris que la Révolution avait créé la politique, au sens où nous l’entendons aujourd’hui, c’est-à-dire un processus de constitution et d’action du pouvoir d’Etat en fonction d’idées ou, plus exactement, de principes, de formules et de mots d’ordre élaborés initialement en des sociétés de pensée, puis défendues et promues par des clubs et enfin incarnés par des partis. Cette conception de la politique diffère essentiellement de celle qui prévalait sous l’Ancien Régime où elle se confondait avec les vues et les décisions du pouvoir relativement aux intérêts de la nation, et ressortissant au prince situé à la tête d’une société d’ordres foncièrement organique et inégalitaire. Le prince décidait, conseillé par ses ministres. Ceux-ci, chargés de l’exécution de ses décisions, étaient recrutés le plus souvent au sein de la noblesse (d’épée ou de robe), vivier des grands serviteurs militaires, administratifs et politiques de l’Etat, ou encore du clergé, étaient des spécialistes de leurs fonctions, compétents dans l’accomplissement de leur tâche dont ils ne sortaient pas, et ne se prononçaient pas sur l’ordre politique et social qui les transcendait et dont ils étaient, sans l’ombre de la moindre discussion possible, les serviteurs naturels et dévoués, selon la volonté du roi. Exerçant certes une fonction de nature politique, le ministre n’était pas pour autant un homme politique, mais un homme d’Etat […] mettant en oeuvre sa politique […]. Il existait bien des ministres, qui ne portaient pas d’ailleurs ce titre, mais pas de “personnel politique” ou de “classe politique”. Il appartint à la démocratie de créer ces derniers ainsi que “l’homme politique”. Celui-ci se présente comme un personnage adonné à la vie politique entendue uniquement comme l’exercice du pouvoir ou d’une fonction ministérielle, mais également – voire avant tout – comme le porte-parole d’idées générales relatives à l’ordre politique et social conçu comme une libre création rationnelle de l’homme.
[Echo publié par Michel Janva le 8 mars 2019 sur le Salon Beige ]