Sur terrain miné !
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.----. L’ami Jean-Paul Gourévitch est indubitablement l’homme des crêtes, l’alpiniste des cimes imprenables, le funambule des arêtes improbables, l’escaladeur des pics effilés. Prenant garde de s’abîmer sur les versants, notre homme fait preuve d’une prudence de Sioux lorsqu’il s’aventure sur les sentes escarpées du politiquement incorrect. Sa gageure est de ne jamais offrir à ronger à ses zélateurs comme à ses éventuels contempteurs l’os mythique des certitudes définitives et des convictions arrêtées. Bref, la pondération érigée au rang des beaux-arts rhétoriques.
Dans son dernier essai, La Tentation Zemmour et le Grand Remplacement, outre son titre forcément « accrocheur » – mais pouvait-il en être autrement, eu égard au sujet traité ? –, l’auteur se propose d’explorer ce « concept » ou « phénomène » dont la paternité revient à l’écrivain Renaud Camus et qu’un certain candidat-journaliste tente d’imposer dans la tête des électeurs à la faveur de la présidentielle qui vient.
Assurément, le terrain s’avère miné d’emblée, tant l’expression dégage, tout au moins aux narines de la gauche soi-disant antiraciste (comme chez les libéraux prétendument de « droite »), une intenable odeur de soufre. À peu de frais, sous l’étendard d’une telle expression, le décor de l’extrême droite « raciste » (pléonasme) est planté, lors même que Jean-Paul Gourévitch consacre un important chapitre à l’histoire d’une fiction romanesque (depuis Jules Vernes à Jean Raspail, en passant par le capitaine Danrit) devenue récemment une théorie politique.
Éric Zemmour, non sans courage – ou inconscience –, a pris le parti de l’arracher des marges où une certaine caste politico-médiatique s’évertuait à le cantonner en se pinçant le nez. Mais Gourévitch doute fort que l’auteur de Mélancolie française, par une telle témérité, sinon une telle audace, soit justement payé de retour. Il le dit d’ailleurs sans ambages : « Il est impossible qu’Éric Zemmour soit élu président de la République », ajoutant qu’« il peut être crédité de 10, 12, 15 et pourquoi pas 18 %. Il ne crèvera pas le plafond de verre des trois électeurs sur quatre qui ne veulent pas de lui comme Président. »
Notre expert international des migrations et des diasporas œuvrant au sein du très actif partenariat eurafricain s’est donc confronté à l’ouvrage éponyme (4e édition) de Renaud Camus par qui le scandale est finalement arrivé et auquel on doit un certain nombre de concepts dont la réunion forme une thèse cohérente. Cette thèse provoque aussi désaccords, anathèmes ou d’éventuelles accusations de « complotisme » : le « Grand Remplacement » ne serait qu’un avatar du « remplacisme global » ou mondialisé, processus reposant préalablement sur la « grande déculturation » des peuples par « l’industrie de l’hébétude » qui impliquerait la « décivilisation » générale de la France et de l’Europe.
Selon l’auteur, néanmoins, les tenants du Grand Remplacement doivent accumuler trois preuves : démontrer qu’il est quantitativement, qualitativement et institutionnellement significatif. Refusant de « trancher », l’essayiste s’en remet alors au jugement du lecteur.
[ Signé : Aristide Leucate , Docteur en droit, journaliste et essayiste le 27 mars 2022 ]