Poursuivant l'oeuvre qu'il a entreprise - montrer de quels hommes de valeur nous sommes tous, en 1971, les héritiers intellectuels - L.-A. Maugendre s'attache ici à la personnalité proprement étonnante de Louis Bertrand : un Lorrain, fils de pauvres, un "homme des frontières" qui, à sa sortie de l'École Normale Supérieure, devient professeur de lycée à Aix, puis à Bourg, à Alger et Montpellier.
En 1904, à 38 ans, il quitte l'université pour faire carrière dans les lettres. Le succès de ses premiers romans algériens - Le sang des races, La Gina et Pépète le bien-aimé, ceux où fraternisent des pataouètes français, italiens et espagnols - l'a encouragé à prendre cette décision. Il ne le regrettera jamais.
Sa conversion à Bethléem, puis ses voyages, alors qu'il s'est installé à Nice, ensuite à Antibes, nous révèlent un autre aspect de l'homme qui devait, en 1925, succéder à Maurice Barrès sous la Coupole. Louis Bertrand se fait le biographe de saint Augustin et de sainte Thérèse d'Avila, l'historien des martyrs d'Afrique du Nord ; il s'intéresse à l'Espagne de Philippe II et de Marie-Louise d'Orléans, aux événements contemporains aussi, ceux en particulier dont la Méditerranée - Mare nostrum - se trouve être l'enjeu.
Car il n'a qu'une passion, la France. Il s'est voué, corps et âme, à l'épopée "latine" que son pays conduit alors en Afrique du Nord, après l'exaltation qu'ont voulu y susciter Jules Cambon et le cardinal Lavigerie. Qui se souvient aujourd'hui des discours que lui, le "laïc", il prononça lors des Congrès eucharistiques de Carthage (mai 1930) et d'Alger (mai 1939) ?
La défaite de juin 1940, qui installe des gauleiters en Lorraine comme en Alsace, sera cause de sa mort. Ce serait si dur, à mon âge, de reprendre une âme de vaincu, avait-il écrit le 15 février précédent. Je suis trop Lorrain pour n'avoir pas une défiance extrême de l'Allemand.
A l'appui de documents inédits, tel est l'homme présenté au tribunal de l'Histoire.