Je vous supplie de garder en tête tout ce qui a fait les fondements de votre héritage
5/5 Présent .
.----. L'action, comme on dirait dans les romans d'Alexandre Dumas, se passe à Paris dans le
milieu hospitalier entre 1954 et 1960. Sauf qu'il ne s'agit pas là d'un roman mais des
souvenirs de Marie-Jeanne Paraf, jeune provinciale « montée » à la capitale. Des
souvenirs. Mais aussi une longue lettre d'amour écrite à ses deux fils avec ce message : «
Je vous supplie de garder en tête tout ce qui a fait les fondements de votre héritage,
vous qui vivez les débuts du XXIe siècle plein de bouleversements dont nous n'avons
même pas conscience. Le perfectionnement tend à la dispersion, qui enchevêtre les
rôles. La hiérarchie et les bonnes manières sont en perte de vitesse, si vous n'y prenez
garde, vous pourrez, par petites touches, abdiquer. »
Née en 1935 au Mans, la petite Marie-Jeanne, jeune fille fraîche et déterminée, lit un
jour, apposée sur un Abribus, une affiche de l'Assistance publique qui annonce le
concours d'entrée dans les écoles d'infirmières. Elle s'y inscrit. Elle le passe. Elle le
réussit.
Il y a, dans ce livre de souvenirs, des passages très émouvants, car nous sommes dans un
monde qui est déjà à des années-lumière du nôtre, sur le beau – mais très dur – métier
d'infirmière. Au bout de deux ans, trop sensible et déchirée par la souffrance – et parfois
la mort – des patients dont elle a à s'occuper, Marie-Jeanne Paraf choisira de devenir
laborantine. C'est le temps prestigieux de la médecine française avec des praticiens du
monde entier qui, pendant un semestre ou deux, viennent suivre cet enseignement
incomparable et rentrent chez eux, auréolés de tels stages. C'est à cette époque que
Marie-Jeanne va rencontrer, et épouser, le professeur André Paraf, spécialiste réputé des
maladies du foie.
Pétri d'anecdotes et des visages jamais oubliés de ses compagnes d'alors, le livre de
Marie-Jeanne Paraf fait revivre un Paris tout à la fois populaire (on écoute Toi ma ptite
folie, La Goualante du pauvre Jean, etc.) et mondain (on court au TNP, on lit Arts ou Opéra,
on va applaudir Colombe de Jean Anouilh).
C'est une vie simple, faite de petits chagrins parfois, mais aussi de grandes joies, de
voyages, de promenades, les enfants – deux fils – qu'il faut élever pour qu'ils deviennent
des hommes.
Agée aujourd'hui de 74 ans, Marie-Jeanne Paraf est ce qu'on appelait jadis une « grande
dame ». Qui vit dans ses souvenirs : « Moi, je suis toujours en avance d'une saison, qui
m'en rappelle une autre. Lorsque la neige est là, je pense au lilas et au seringat et,
lorsqu'ils fleurissent près de ma fenêtre, j'attends les cerises et les roses... » [ Signé : A.S. dans " Présent ", n° 6689, mardi 7 octobre 2008 ]
Le metier d'infirmière , agréable à lire ...
5/5 Cahiers Saint Raphaël .
.----. Les années de jeunesse sont derrière nous. Les plus belles, celles de tous les espoirs et de
tous les projets. C'est ce que raconte Marie-Jeanne PARAF dans son ouvrage si bien que
le titre de son livre aurait pu être « Mes jeunes années » ou « Mon premier amour ». Il
faut lire les cent premières pages pour être dans le sujet annoncé.
« Au cours d'un séjour au début de l'année 1954, m'était tombée sous les yeux à un arrêt d'autobus,
La Petite Affiche. Ce petit rectangle devait sceller le destin d'une jeune provinciale en promenade. Elle
était un avis de recrutement qui invitait toute jeune fille ayant dix-huit ans et aimant son prochain à
venir rejoindre l'École de l'Assistance publique qui formait ses infirmières (...) deux années de formation
en internat, études payées, débouchant sur l'obtention d'un diplôme d'État d'infirmière. » L'auteur se
lancera à 19 ans dans cette grande aventure au sein de la famille hospitalière de
l'Assistance Publique en 1954.
Les cours sont donnés rue du Fer-à-Moulin dans le grand amphithéâtre des Hôpitaux de
Paris. La tenue blanche surmontée d'une cape bleue est de rigueur. De bon matin, les
stages entraînent « les petites Bleues » à pied dans la capitale, dans ce Paris renaissant
après la guerre. Elles iront à St Antoine, Boucicaut, Cochin, Port-Royal et même
Corentin Celton au départ de l'internat situé à la Salpêtrière. Les premières tâches qui les
occupent sont le pliage des compresses de gaze et la préparation des boîtes
d'instruments en métal pour la stérilisation. A cette époque, il n'est pas rare de
rencontrer des religieuses parmi les soignants. Les salles communes où déambule le
personnel auprès des patients est l'apanage de la plupart des services. Celui des urgences
n'existe pas « chaque service avait donc son jour de réception. Seules les vraies urgences chirurgicales ou
médicales sont admises. Les fausses urgences sont remises au lendemain matin, où chaque cas sera vu
par les attachés du service de consultation ».
C'est aussi le premier contact avec la souffrance et la mort. Sur son journal du 04 mars
1955, elle écrit :
« M.I2, mon cher malade n'est plus.
« Tristesse infinie sur mon cœur.
« Si à chaque issue fatale, je réagis de la sorte, ce métier n'est pas pour moi. Je me suis trompée, je n'ai
pas la vocation. Tu t'es trompée, ma fille. Tu te croyais forte, courageuse et voilà l'orgueil. Tu avais
évacué le tragique, ne t'attardant que sur le sensible. Tu te voyais guérir en imposant les mains comme
Jésus... Mes soucis de cœur ne sont rien à côté des heures douloureuses ou angoissées de ceux et celles que
l'on me confie.
« Je prie pour leur guérison. Ils ne me quittent pas. Je suis bien près d'eux. »
Ces quelques lignes trouvent un écho sur l'infirmière que je fus me souvenant de
l'impression terrible que laissa sur moi la première amputation, ou le premier décès de
mes patients. La compassion doit être une des qualités de l'infirmière trouvant là une
énergie nouvelle pour bien faire son travail... et peut-être guérir.
Au fil des pages s'égrainent les profondes satisfactions de ce métier en même temps que
les servitudes et exigences. Les qualités d'une infirmière : compétence, efficacité,
attention aux autres, discrétion sont bien décrites. On regrette cependant que les trois-quarts du livre soient consacrés à la relation épistolaire que l'auteur a eue avec ses
amours. Les relations intimes et personnelles sont ainsi dévoilées pour la postérité de
l'auteur mais n'offre aucun intérêt pour l'historique de la profession, même si la plume
de Jeanne-Marie Paraf en fait un livre agréable à lire, comme une biographie. [ Signé : Brigitte Vergeau. Infirmière dans " Cahiers Saint Raphaël ", n° 96, septembre 2009 ]